La Maison des Derviches / Ian McDonald
Titre original : The Dervish House, 2010
Denoël, coll. Lunes d’Encre : octobre 2012
544 pages
Istanbul – 2027. Au cœur des fêtes célébrant le 5ième anniversaire de l’adhésion de la Turquie à la Communauté Européenne, un attentat suicide dans le tramway va impacter plus ou moins directement la vie de 6 habitants de la Maison des Derviches de la place Adem-Dede. Un bâtiment ayant anciennement abrité les membres d’une confrérie religieuse musulmane aujourd’hui reconverti en habitations. On va ainsi suivre les destins de Can qui du haut de ses 9 ans va jouer au détective à l’aide de son bitbot transformable à volonté, un robot doté d’une IA et bourré de capteurs et de caméras. Necdet était dans le tramway quand la bombe a explosé. S’il s’en est physiquement sorti indemne, sa vie a irrémédiablement basculé puisqu’il voit désormais des Djinns et est devenu capable d’édicter des prophéties sur un simple regard. Ayse est une antiquaire à qui un mystérieux commanditaire demande de rechercher un vestige archéologique d’une rareté exceptionnelle : un homme mellifié (un homme momifié plongé dans un sarcophage rempli de miel). Adnan est un trader qui n’a pour morale que l’argent. Avec 3 de ses amis d’enfance, il reconstitue les Ultralords de l’Univers, les héros d’un manga. Ils seront à l’origine de la plus grande escroquerie du siècle. George Ferentinou est un vieux grec émigré rongé par le remord. Cet ancien prof d’économie s’est pris d’affection pour Can qui représente à ses yeux « le fils qu’il n’a jamais eu. » Enfin Leyla est une jeune femme qui accumule les galères (pas de fric , pas de mec, pas de boulot…) . Le jour où elle est recrutée par une start-up en biotech va peut-être sonner pour elle la fin de ses problèmes.
A l’instar du Fleuve des Dieux, Ian McDonald fait foisonner les concepts dans un pays émergeant. Cela lui permet de faire cohabiter les biotechnologies telles que la robotique et les nanotech avec des archaïsmes comme l’obscurantisme religieux ou les traditions sécurales. Et c’est là un véritable tour de force puisque cette Istanbul est criante de vérité. On y crève de chaud, les transports en commun sont bondés, les embouteillages quotidiens. On a l’impression d’entendre les clameurs de la foule quand on s’approche du stade de Galatasaray et de sentir une multitude d’effluves aux abords du grand bazar. A ce titre, j’ai adoré comme rarement les toutes premières pages qui nous font découvrir Istanbul par les yeux d’une cigogne. Dès cette intro j’étais pris dans les filets de l’auteur et n’allais jamais m’en défaire.
Alors certes, le récit est un peu difficile au début. Mais d’une part c’est voulu. L’entrecroisement des fils narratifs se démêlant au fur et à mesure que l’intrigue se dénoue est ici parfaitement maîtrisé. Tout devient limpide à la fin rassurez-vous. Et d’autre part ça donne une véritable âme à cette terre du futur. Loin de l’âge d’or, souvent représenté en SF. Elle sera multiple et bruyante. Elle sera violente et s’agitera en tous sens. Elle ne sentira pas forcément la rose mais elle sera vivante. Et par dessus tout l’humain, dans toute sa multitude, sera toujours au coeur des enjeux.
La Maison des Derviches est un très grand roman de science-fiction. Je le classerai même au-dessus du Fleuve des Dieux qui avait pourtant placé la barre très haut. Un nouveau sans faute pour cet auteur qui vient de gravir sans coup férir la plus haute marche dans mon panthéon des meilleurs écrivains de SF.
La Maison des Derviches / Ian McDonald,
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