Visiblement tout le monde a apprécié ce roman sauf le site de référence qui a pris un malin plaisir à le dévaloriser.
David Weber avec
La Guerre des dieux avait composé un chouette revival héroïc-fantasy,
Régis Goddyn avec
Le Sang des 7 Rois nous gratifie d’un chouette revival low fantasy : avec leur bonne connaissance du genre, les 2 auteurs aborde leur sujet avec générosité et humilité. On est vite plongé dans une ambiance qui rappelle les bonnes vieilles sagas médiévales littéraires ou télévisées (c’est triste de devoir rappeler à certains que
G.R.R Martin n’est pas le seul auteur autorisé à piocher chez
Maurice Druon et consorts).
L’histoire commence à la page 1, et c’est ça c’est bien. J’ai un temps soupçonné l’auteur d’appartenir au courant de la Fantasy poétique, mais non en fait. Si le héros narrateur d’alignement loyal neutre ne se laisse pas facilement cerner, il n’y a pas de distanciation qui empêche l’empathie avec celui qui constitue le principal protagoniste du roman.
J’ai pensé à Corwin d’Ambre (
Roger Zelazny), le personnage blasé qui devient un super révolutionnaire humaniste.
J’ai pensé à Djeeb Scoriolis (
Laurent Gideon), un personnage emphatique et empathique qui ne laisse pas indifférent.
Certains rageux ont dénoncé, je cite, un roman « poussiéreux » (sic). Mais les vrais amateurs parleront d’agréable odeur de patine. Orville au Goulet c’est Edmond Dantès sur
L’Île mystérieuse : on s’inspire de
Verne et
Dumas, mais parfois j’ai aussi retrouvé le parfum de
René Barjavel et de
Robert Merle.
Là où le Lorn Askarian du
Haut Royaume de
Pierre Pevel marchait dans les pas du
Comte de Monte-Christo, Orville suit d’autres traces que celle d’
Alexandre Dumas : tout ce qui se construit autour de la vengeance du pigeon contient une plaisante dose d’humour qui se termine par un très sympathique clin d’œil aux héros de
Fritz Leiber…
L’ensemble reste assez hétérogène :
La 1ère partie est centrée sur la mission d’Orville qui se transforme en survival montagnard de plus en plus intimiste quelque part entre
Randonnée pour un tueur et
Cliffhanger. Cette presque dommage de ne pas être allé plus loin dans cette voie, car si les scènes d’action sont peu nombreuse elles sont bien troussées et tirent l’ensemble vers le haut. Dans les cols et les crêtes dotés de forts jolies descriptions assez immersives, notre capitaine-ambassadeur commence sa lente transfiguration physique, physiologique et psychologique.
Certains rageux ont trouvé à ce stade du roman l’usage du journal insupportable. Je n’ai pas ressenti cela bien au contraire. L’alternance des techniques narratives permet de donner du rythme et de la fluidité à la quête d’Orville qui sans cela aurait été trop lente et trop longue, bref trop monotone.
Dans la 2e partie cela se diversifie, d’un côté nous suivons Orville et les exilés du Goulet traité avec un 2e degré subtilement assumé, d’un autre côté, nous avons quasiment de l’héroïc-fantasy avec Rosa et les compagnons du Verrou (ces passages ont un côté
David Gemmell assez agréable à lire).
La candeur de Rosa, qui pense comme une proie, tranche avec la violence qui l’entoure mais aussi avec un Orville qui pense de plus en plus comme un prédateur. J’ai hâte d’assister à la rencontre de ces 2 représentants d’une humanité nouvelle confrontés à des méchants très méchants à la
Gemmell : impossible de ne pas penser aux paladins noirs SS style de
Renégats, c’est-à-dire des blonds aux yeux bleus obsédés par la pureté raciale (mais pas que)…
Mais je me demande si le récit n’aurait pas gagné à développer dès le départ une structure en POV faisant alterner des chapitres consacrés à Orville et des chapitres consacrés à Rosa avec des interludes sur les intrigues des Gardiens et des rebelles. Car en l’Etat des éléments arrivent trop tôt ou trop tard dans l’histoire : tout cela aurait pu gagner en fluidité.
Le worldbuilding a été volontairement épuré et c’est tant mieux. Certains rageux ont dénoncé la flemmardise de l’auteur, mais moi je préfère la simplicité à un naming inutilement compliqué à base de trémas et d’accent circonflexes (quand je pense que les mêmes ne trouvent rien à redire sur un méchant millénaire nommé Xhum Y’Zir…). Comme souvent je renvoie à la satire de Boulet :
http://www.bouletcorp.com/blog/2010/05/21/fantasy/.
Le magicbuilding a été volontairement épuré et c’est tant mieux. On part de talents liés au sang qui rappellent les univers de
Brandon Sanderson (difficile de ne pas songer à celui de
Fils-des-Brumes), pour développer les Pouvoirs Extra Sensoriels des univers de
David Gemmell. Mine de rien c’est assez élégamment fait. Gageons que sang bleu, sang rouge, Gardiens, Clairvoyants et mages nous réserve encore pas mal de surprises.
On nous laisse dans le schwartz pas mal de temps au niveau des intrigues et des mystères. On a un triumvirat monarchie, théocratie, Gardiens optimates en opposition à des rebelles populares. Mais chaque faction a son idéologie et ses objectifs, sauf que dans les rebondissements difficile de savoir qui trahit qui avec ces plans cachés et ces gents infiltrés. Ainsi l’empressement des méchants contrastent avec leur emphase à faire des plans sur plusieurs générations.
Certains éléments arrivent trop tôt, d’autres trop tard. L’un d’événement majeur du roman est traité hors-champ avec une ellipse et il faut attendre l’opposition entre Orville et son alter-ego pour comprendre de quoi il retourne vraiment.
Reste le gros WTF du coup de foudre d’Orville pour Armine… Gageons que l’auteur nous réserve une surprise !
Mais c’est contrebalancé par des thématiques politiques et sociales intéressantes. Cette opposition entre sang bleu et sang rouge, entre noblesse qui est puissante et veut le rester et petit peuple qui demande qu’on lui la paix, rappelle cette bonne vieille lutte des classes (qui pour certains n’existent pas que d’autres déclarent qu’ils sont en train de la gagner).
Dans une veine similaire, dans la construction du 8e royaume on retrouve les utopies sociales du XIXe siècle comme le Phalanstère de Charles Fourier.
Il ne se passe finalement pas tant de choses que cela dans ce tome 1, et pourtant cela se lit et vite et difficile de s’ennuyer tant l’auteur ne ménage pas ses efforts pour amener de la variété sur le fond comme sur la forme.
Du classique peut-être, mais assurément du solide. Si vous cherchez un cycle familier et différent à la fois,
Le Sang des 7 rois est fait pour vous n’en déplaisent aux blasés de chez Jules de chez Smith d'en face
Vous avez remarque mes nombreuses comparaisons entre David Gemmell et Régis Goddyn : ce sont 2 auteurs complètement autodidactes qui ont misé avant tout sur la générosité et la sincérité, et qui ne rechigne pas à prendre parti lorsque qu’ils abordent des thèmes politiques et sociaux.