Ce n'est pas un Drenaï mais il se déroule dans l'univers Drenaï, mais s'il faut le déplacer pas de souci.
J’ai bien aimé. Mais malgré moult bonnes intentions, je pourrais difficilement le qualifier de bon.
On peut voir une longue mise en place qui accouche d’une souris.
On peut voir un roman dense & rythmé passée la présentation des personnages/enjeux.
Bref, encore un roman de DG frustrant car on sent qu’avec 150 pages de plus cela aurait été géant.
Les mythologies celtique/arthurienne permettent de fournir un background sympa (Dadga, Lug, Gabala…)
On sent bien les fortes inspirations de ce roman : c’est tout un pan de la littérature historique britannique qui resurgit.
Le cahier des charges du roman de cape et d’épée est bien respecté : un roi tyrannique, un peuple brimé, des chevaliers bons défendant la veuve et l’orphelin, des chevaliers félons bouffis d’ambition, des embuscades, des escarmouches, des évasions, des trahisons, des procès truqués, des duels judiciaires…
Qu’est-ce qui s’en passe des choses en moins de 350 pages !
On imagine sans peine Robin des Bois avec tous ces voleurs/rebelles réfugiés dans la forêt Océane.
On imagine sans peine Ivanhoé avec tous ces duels dans la grande tradition hollywoodienne.
On imagine sans peine les Chevaliers de la Table Ronde avec ces Chevaliers de la Gabala.
Et on doit citer le roman qui a donné son titre à celui-ci : Knights of Dark Renown de Graham Shelby (1969).
Bref, on gros revival Walter Sott, mais le public français est-il bien placé pour l’apprécier à sa juste valeur ?
Mais cela va beaucoup plus loin que cela : :p/:
Les romans de DG ont toujours distillé une ambiance douce-amère et une atmosphère de désenchantement.
Renégats est sombre avec cette version désespérée de la Quête de Graal qui évoque l’Excalibur de John Boorman.
Impossible de ne pas faire le lien entre Ollathair et Merlin, Mananann et Perceval, Samildanach et Lancelot…
Le royaume de la Gabala et le royaume de de Logres sont tous les 2 frappés par la malédiction et la la décomposition.
Et finalement avec leurs tentations le royaume des Vyres est-il si différent du royaume de Morgane ?
Entre le roi Ahak qui débite des discours hitlériens, les chevaliers rouges tout droits sortis d’un déflié de mode de la Waffen SS, le programme de purification ethnique, la politique de régénération nationale…
Le background n’est pas réjouissant avec des élites enthousiates et des peuples complices de cette idéologie mortifère.
Privation des droits civiques, confiscations des biens, lois sur la pureté raciale, pogroms, déportations, charniers…
Pas la peine de préciser que tout cela est une évocation claire de la Shoah.
Les thèmes de l’ambition destructrice et des abus de pouvoir sont bien gérés.
Le débabrement moral de cette société délétère est assez étouffante dans le 1er tiers du roman.
Il n’est pas impossible qu’on lorgne sur une critique des premiers effets du thatchérisme sur le Royaume-Uni.
Les effets de l’Ambria ressemble forts à ceux la cocaïne qui a coulé à flot dans le milieu des goldenboys londoniens.
Les nomades vidés de leurs forces vitales pour une minoirité de jouisseurs narcissiques sont-ils l’allégorie des 20% de gens condamnés à la pauvreté pour permettre l’enrichissement sans fin du top 1% ???
Connaissant les postionnements de l’auteur, je pense qu’on n’en est pas très loin.
Les éléments horrifiques sont assez nombreux : DG n’est pas prude, mais là il n’a vraiment pas pris de gants…ajoutons les bêtes-démons anthropophages et les vampires tentateurs qui offrent vie, santé, beauté, plaisirs éternels à leurs invités.
Le thème de la corruption est central : les meilleurs des hommes peuvent devenir les pires des monstres.
L’ambition peut mener n’importe qui vers la damnation.
Le thème de l’espoir est encore plus central : les pires crapules comme les pires lâches peuvent devenir des héros.
La compassion peut mener n’importe qui vers la rédemption.
Dans l’état actuel de mes lectures, je trouve que ce roman assez marquant dans la carrière de David Gemmell :
- on ne ressent plus les brouillons et les hésitations des années 1980, il y a ici de l’ambition
- mais il y a encore quantité de trucs perfectibles tant sur le fond que sur la forme.
(Pour franchir un cap déterminant, il aura besoin de l’aide que Stella lui apportera à la fin des années 1990)
On voit bien que Renégats est à mi-chemin du Roi sur le Seuil (le groupe de héros, le duel collectif, les bêtes-démons, le côté rebéllion désespérée, l’ambiance désenchantée…) et Waylander III (le vampirisme, la corruption, l’ambition, la rédemption, les armes/armures qui choisissent leurs propriétaires…)
Il manque clairement une figure centrale à laquelle s’accrocher dans ce roman bien rempli.
Car qui est le véritable héros du roman ? Pas facile de trancher tant ils sont nombreux !
Et si au final le héros du roman était le très charismatique Samildanach ?
Car on commence et on finit par lui.
Le twist principal est spoilé très tôt dans le roman, quoique que de façon fugace, mais d’indices en indices la grande révélation finit par tomber à plat pour les principaux protagonistes (pour Ollathair c’est complètement raté !).
Beaucoup de hiatus enquiquinants dans l’enchaînement des POV de Manannan, d’Elodan, d’Errin, de Llaw Gyffes…
Des personnages sont introduits en 1 page, leur fin nous est racontée en 1 page (et pourtant cela fonctionne bien !).
Et on retrouve encore des raccourcis abruptes dans la narration (exemple : l’arrestion de Dianu en quelques lignes).
Le pire étant Lamfhada qui refait tout le chemin de Paul Atréides en quelques pages.
De manière générale, les personnages basculent trop vite, dans un sens ou dans un autre.
Et DG donne des bâtons pour se faire battre avec la figure du roi Ahak qui clairement aurait mérité mieux.
Beaucoup de morts tragiques, une fin nihiliste, un épilogue pessimiste. 2 lignes de fin d’une noirceur absolue.
Il y a beaucoup de ténèbres dans le travail de David Gemmell, mais, heureusement, il ne nous laisse pas se vautrer dedans.
DG a parfois retrouvé le souffle howardien : c’est ici peut-être le cas.
Cela ne m’étonne guère que Gemmell ait eu envie de passer à quelque chose de plus optimiste à la fin des années 1980.
D’où la précipitation des évènements à la fin du roman qui pourra en décevoir plus d’un.
Pas mal de personnages auraient meilleur sort avec plus de pages et l’épilogue aurait du être bien plus détaillé.
Mais d’un autre côté l’hécatombe parmi les protagonistes dans les 3 derniers chapitres du roman respecte l’hommage rendu à Magnificient Seven, et le duel final respecte l’hommage voulu aux références des récits de cape et d’épée.
Les anti-gemmel parlent de manichéisme outrancier bons vs méchants, pourtant tous lecteurs soulignent que les personnages tridimensionnels permettent justement d'éviter les stéréotypes des héros tout blanc des vilains tout noirs.
(Il y a un paquet d’infréquentables dans le camp des « gentils », alors qu'un Cairbre suscite la sympathie)
Ils prouvent donc qu’ils n’ont rien compris au roman en particulier et à l’auteur en général… :b/: