[Histoire] La bombe - Alcante/LF Bollée/Rodier

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Dark horse
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[Histoire] La bombe - Alcante/LF Bollée/Rodier

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Le titre et la couverture sont on ne peut plus explicites. Plus qu'une bande dessinée, c'est un roman graphique fort et très bien documenté qui va nous immerger dans l'une des folies les plus sombres et les plus impensables de l'histoire de l'humanité.
Je connaissais déjà l'un des scénaristes, Laurent-Frédéric Bollé, pour son travail sur un autre roman graphique : Terra Australis, racontant la colonisation de l'Australie.
L'autre scénariste, Didier Alcante, est l'initiateur du projet et il a fait appel au talentueux Denis Rodier pour mettre le tout en image.

Comme un narrateur impatient, l'uranium va nous ouvrir les portes du récit et revenir plusieurs fois agrémenter les moments charnières de son ton froid et terriblement confiant. Ainsi, il se désigne lui-même comme le personnage principal. Et il a raison.
Cependant, il est bien aidé par l'humanité : les scientifiques, les militaires et les politiques, pour atteindre sa forme ultime.
Il y a tout d'abord Léo Szilard, celui qui arrive à l'exploiter en premier (aidé par les recherches de son ami Einstein). Loin d'être un imbécile, il perçoit très tôt ce que ses recherches vont impliquer. Cela ne l'arrêtera pourtant pas et il va se rapprocher de certains amis savants pour développer la bombe.
S'il est vrai que c'est tout d'abord dans le but de contrer l'Allemagne nazie, espérant une utilisation "préventive" de cette arme terrible, il se retrouve très rapidement embarquer avec les militaires américains dans une issue inéluctable.
Plus tard, il se donnera corps et âme pour que ne soit pas larguée cette bombe et que soit créé un organisme international afin de contrôler cette puissance.
Malgré tout ça, je ne peux m'empêcher de haïr cet homme. Chacun s'en fera son idée.
Bien sûr, il est loin d'être le seul coupable. le prix Nobel Enrico Fermi et le docteur Robert Oppenheimer, dirigeant du projet Manhattan, sont les autres scientifiques responsables.
Du côté militaire, c'est le détestable général Leslie Groves que l'on rencontre souvent. Sous sa houlette implacable, la bombe va grandir bien plus vite que dans les autres pays.
Il veut gagner la guerre à tout prix, quitte à grossir sans vergogne les estimations de victimes alliées en cas d'invasion "classique" du Japon.
De grands hommes politiques sont à l'oeuvre à cette période, mais ni Staline, ni Churchill ne vont empêcher le président américain, Harry S. Truman, de reculer devant sa décision.

Les auteurs nous dépeignent des personnages enfoncés dans leur ambition et malgré certains états d'âme, peu d'entre eux ne réalisent pleinement la portée immonde de leurs désirs. Fatalement, la bombe se dirige vers le pays du soleil levant pour aller y lever sa propre aurore.
De nombreux passages nous dégoûtent, comme ces "Human Products", les cobayes involontaires servant à expérimenter les effets néfastes de la radioactivité ou encore, bien sûr, l'horrible sort des habitants d'Hiroshima.
C'est d'ailleurs à travers les yeux d'un personnage japonais fictif que nous assistons à l'entêtement d'un Japon complètement aveugle et borné, qui doit subir les dégâts d'une deuxième bombe atomique avant de capituler.
Avec ce roman graphique, nous apprenons énormément de choses quant à ce conflit, ce qui en fait une oeuvre à la fois didactique et captivante. Les éléments scientifiques sont simplifiés et parfaitement compréhensibles, rendant la lecture très digeste. Les auteurs ne nous éclairent pas seulement sur le contexte géopolitique, mais aussi sur de petits détails glaçants, expériences ou directives militaires cachées aux yeux de la population, rendant encore plus ignobles les actions et pensées de certains êtres humains.

Pour finir, le dessin de Denis Rodier, tout en nuances de noir et blanc, est fantastique. Très agréable, il se révèle aussi plus brutal quand il le faut et quelques effets stylistiques apportent beaucoup de dynamisme. le découpage nous offre de grandes cases, de nombreuses pleines pages et aussi des doubles-pages pour des vues détaillées et précises. Les derniers dessins, avant l'épilogue, sont terribles et s'impriment en nous comme cette ombre à jamais figée sur l'escalier de la banque dévastée...
Les Hommes ont montré à quel point ils pouvaient surpasser l'horreur, La Bombe leur en a fourni le moyen.
"Quand viendra le temps du froid blanc, ne mangez pas la neige jaune". The Witcher 3 : Wild Hunt
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