Je ne dis pas cela très souvent : attention chef-d’œuvre !En Allemagne au 17ème siècle, la guerre fait rage entre catholiques et protestants. Fuyant le champs de bataille, Vogel découvre une vallée qui a échappé à la folie des hommes et à leurs conflits. Il s'y installe et propose une trève à la troupe de mercenaires venue y échouer
Un très beau film d’aventure qui oscille entre réflexions philosophiques et souffle épique.
Un film original, et ce dès le trailer, qui traite une des périodes les plus sombres de notre histoire.
L’australien James Clavell a décidé de nous narrer un drame humain qui reflète les déchirements de l’Europe de l’époque, en prenant pour cadre les magnifiques paysages du Tyrol.
Nous suivons l’opposition entre un jeune condottiere chef de mercenaires et un vieux condottiere chef de village : entre eux un professeur d’université en fuite, rescapé du massacre de Magdebourg (85% des 30 000 habitants ont été tués), qui ne va cesser de prêcher la tolérance, et un prêtre obtus qui ne va cesser de jeter de l’huile sur le feu.
Et au-delà des luttes masculines, une femme en avance sur son temps, forte et indépendante.
Ce petit bout de Paradis, cette vallée alpine épargnée par les ravages de la Guerre de la Trente Ans va ainsi devenir un huis-clos ou vont s’épanouir le meilleur comme le pire.
Car derrière les paysages superbes, peuvent se cacher les sentiments les plus vils.
Un film à la fois humaniste et nihiliste qui dénonce les ravages de la religion qui divise au lieu de rassembler, et qui commet les pires atrocités au nom d’un Dieu miséricordieux et rédempteur.
L’histoire est très riche, parfaitement narrée et très bien mise en scène, l’ensemble flirtant parfois avec le baroque avec des moments d’une surprenante beauté funèbre.
Des dialogues nombreux, fins, interrogateurs, avec des réflexions d’une rare qualité sur la religion, sur le pouvoir et la manière dont l’un peut disposer de l’autre pour parvenir à ses fins quitte à ouvrir la boîte de Pandore de la guerre totale.
La psychologie des personnages est vraiment bien approfondie avec le rôle de leur vie pour :
Michael Caine qui campe un personnage ambigu, passionné et passionnant, partagé entre la cruauté de son temps et un humanisme résolument moderne
Omar Shariff qui campe un intellectuel pacifiste qui va espérer puis se résigner à un monde où la compassion n’a plus sa place
Ils s’opposent, se réconcilient, puis se font rattraper par les ténèbres de leur époque...
Et les autres prestations sont de haut niveau ! (Nigel Davenport, Florinda Bolkan, Per Oscarsson…)
L’ensemble dégage un véritable lyrisme grâce à un grand John Barry au sommet de son art qui a composé pour ce film un score sublime, collant magnifiquement aux belles images des Alpes, qui nous envoûte avant de nous transporter dans la douceur comme dans la douleur.
Quel souffle incroyable il nous a distillé là !
Comment quelqu’un d’aussi talentueux que James Clavell a-t-il aussi peu tourné ?
C’est un grand mystère ! Un film mémorable à tous les niveaux : à ne manquer sous aucun prétexte !
Plus qu’un bon film, un véritable plaidoyer : on en sort transformé, avec une autre vision de l’humanité.
Paul Verhoeven s’en est beaucoup inspiré pour son La Chair et le Sang.