L'Aigle de Rome / Wallace Breem

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Albéric
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L'Aigle de Rome / Wallace Breem

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Résumé :
Posté sur le mur d’Adrien, le général Paulinius Maximus affronte les tribus pictes. Sa bravoure, sa loyauté et ses victoires lui offrent le titre de Général de l’Ouest par l’empereur de Rome, le rôle de sa vie. Toutefois, ce titre prestigieux arrive avec une nouvelle mission : Maximus doit mener sa légion sur la frontière du Rhin pour protéger l’empire contre les hordes barbares. A l’est, les tribus germaines s’assemblent : des milliers d’hommes se préparent à la conquête de la Gaule, puis de Rome. Leur seul obstacle : le Rhin majestueux.
Avec son expérience et son intelligence, Maximus parvient à maintenir une ligne de défense avec sa seule légion : la XXe, Valeria Victrix. Ses succès font de lui une légende, à la tête d’à peine 6000 hommes, il repousse sans cesse les incursions des barbares. De toutes parts, ses amis et ses alliés le pressent de prendre le manteau d’empereur mais lié par des serments d’honneur et de devoir envers Rome, Maximus ne peut s’y résoudre. Toutefois, les événements se précipitent, et la XXe devra surmonter l’impossible pour protéger leur empire, poussant ainsi Maximus à finalement revêtir la robe violette d’empereur et engager ses dernières forces pour sauver le rêve d’une vie : Rome.

Un roman finalement assez émouvant dans lequel on finit tôt ou tard par verser une larme ou deux.
J’ai eu du mal à rentrer dedans, mais je l’ai lu assez vite et une fois fini je me suis dit : « C’était bien finalement. »
Difficile de savoir si on écrivait comme cela en 1970, mais la narration est initialement… Oh là !
Une histoire d’amitié, une purge politique, une vengeance, une révolte avortée, une histoire d’amour, un complot, une triple invasion, la Bretagne à feu et à sang, un viol collectif, la reconquête de la Bretagne, une tentative de réconciliation… Et en toile de fond l’ascension de Théodose, le désastre d’Andrinople, le coup d’Etat de Maximus, et le développement du fanatisme chrétien et de ses pogroms anti-païens… tout ça en moins de 50 pages ! L’auteur avance dans sa mise en place au pas de course à l’aide d’ellipses violentes sans pour autant ne pas approfondir à l’occasion tel personnage ou tel événement.

Heureusement, le roman en lui-même est nettement plus posé. Maximus, ses compagnons et sa légion prennent leurs fonction d’un côté du Rhin, tandis que le l’autre côté du Rhin le roi Alaman tisse des alliances avec les souverains alains, burgondes, francs, marcomans, quades, vandales hasdings et vandales silings. Maximus, abandonné de tous ou presque (le magister Stilicon rencontrant les mêmes problèmes que lui à un garde et des responsabilités plus élevés), essaye de reconstituer une force militaire opérationnelle. L’auteur nous offre la totale : infanterie, cavalerie, artillerie, marine, services médicaux, services de renseignement… Fin stratège, Maximus ne ménage pas ses efforts pour masquer ses véritables forces, assez dérisoires, aux envahisseurs barbares, pour repousser avec force chaque tentative d’incursion et pour retarder l’échéance en dressant les rois germains les uns contre les autres.
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Et puis, il y a aussi cette étrange relation entre Maximus et son frère ennemi Julianus, incapables de se haïr, mais incapables de se pardonner… Et puis, il y a cette étrange relation entre Maximus et la fille du roi Rando retenue en otage. Tandis que Maximus alterne brimades et vexations, cette dernière fait tout pour s’échapper en essayant de vamper tout le monde. Pourtant les derniers mots que Maximus lui dira seront « Si j’avais eu une fille, j’aurais aimé qu’elle soit comme toi »…

La manière dont est mise en scène la scandaleuse démission des élites politiques, économiques et culturelles est un peu flippante car d’une brûlante actualité. On jouit de ses privilèges mais personne n’assume ses responsabilités, car tout le monde défend son petit pré carré, pire on met systématiquement des bâtons dans les roues de ceux qui font leur boulot. Bref, les honnête gens se font tailler des croupières par les belles gens… Entre les aristocrates qui préfèrent s’automutiler et vivre à la charge de leurs esclaves plutôt que de mouiller leur toge, le notable qui rechigne à payer ses impôts mais qui claque 150000 sesterces dans un lion pour se faire mousser auprès de la population, l’évêque qui traîne ostensiblement les pieds car trop occupé à exploiter et pressurer serfs et tenanciers, le préfet des Gaules qui amasse un magot en attendant de partir sous le soleil, et le préfet de Bretagne qui attend que la frontière tombe pour se poser en sauveur et marcher sur Rome, quitte à accélérer la chute de la ladite frontière… C’est une sacrée galerie de crevards narcissiques ! On reconnaîtra des équivalents actuels IRL.
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La prose distille discrètement mais fermement amertume, mélancolie et résignation face à l’inéluctable disparition d’une civilisation… Mais je ne trouve vraiment pas les mots pour vous l’expliquer, donc je vais procéder par comparaison, car passé un cap impossible de m’enlever de la tête le roman The Sand Pebbles / La Canonnière du Yang-Tse de Richard McKenna (1962), adapté en film par Robert Wise (1966). Dans cette histoire, colons occidentaux et indigènes chinois sont obligés de se supporter dans une ambiance très tendue pour ne pas dire explosive. Mais au fil du temps, des ponts sont jetés entre Orient et Occident et certains finissent par sympathiser. On se prend à espérer, à rêver à une issue heureuse… Et puis patatras, une tragédie vient envoyer tout valdinguer et tout ce qui s’ensuit n’est que violence et chaos jusqu’à l’inéluctable fin.
Ici c’est le mariage du jeune roi franc Marcomir avec la belle Douna et le drame qui s’ensuit qui viennent précipiter le destin des personnages et des peuples. A partir de là, l’espoir agonise à petit feu, et ce n’est qu’une froide descente aux enfers pour tout le monde… y compris le lecteur qui va voir mourir un à un tous les personnages auxquels il commençait à s’attacher…
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Car malgré une mise en place indigeste et un développement qui prend son temps, j'ai finalement aimé ce livre pour son dénouement tragique. Je n’ose imaginer ce qu’on pourrait obtenir aujourd’hui avec les mêmes matériaux et les mêmes intentions (enfin si, j’en ai une petite idée pour avoir épluché la bibliographie de David Gemmell qui a puisé très largement dans cette littérature historique anglo-saxonne pour revitaliser l’heroic-fantasy dans les années 1980-1990).
Dans le blizzard de l'hiver 406/407, les peuples germaniques, chassés de leurs terres par la horde des Huns, affamés et désespérés, traversent le Rhin gelé pour affronter les armées romaines mal nourries, mal équipées et presque aussi désespérées qu'eux. Le général Maximus, le chef de cohorte Quintus Veronius, le primipile Aquila, le maître de cavalerie Fabianus, le transfuge alaman Scudilio, le champion franc Fredegar et le curator de Trêves Artorius livrent un dernier baroud d'honneur et combattent comme des frères pour une cause qui n'est plus la leur, pour que vivent des valeurs jugées d'un autre temps par ceux qui les gouvernent. Et dans le vent, le froid et la neige, ils meurent tous côte à côte comme des frères, donc préparez vos mouchoirs. Ce n'est pas un spoiler puisqu'on est dans un roman sur l'inéluctabilité et que l'inéluctable fin est annoncée dès la page 50, si tant est qu'on ne connaît pas les événements historiques dont il est question...
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Un mot pour finir sur le travail effectué par l’éditeur Eclipse. Si la nouvelle traduction du titre est malheureuse (un très passe-partout L’Aigle de Rome remplaçant L’Aigle dans la neige beaucoup plus parlant), le reste est vraiment de donne facture : un papier épais, une mise en page agréable, des cartes, une postface d’Isabelle Gonon, un glossaire, un dramatis personnae et quelques illustrations ici et là. Du bien bel bien ouvrage, mais pour l’instant la collection « Invicta » en est restée à celui-là…

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Bran Noircorbac
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Re: L'Aigle de Rome / Wallace Breem

Message non lu par Bran Noircorbac »

Et bien, voilà qui a de quoi éveiller ma curiosité!
Votre talent [lecture de textes vains] vient d'augmenter d'un point
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