Résumé du tome 3 : La Reine de feu
Réchappée d'une mort certaine, la reine Lyrna est déterminée à reconquérir l'indépendance du Royaume Unifié. Elle doit faire appel à des forces qui naguère encore lui répugnaient : les êtres dotés des étranges facultés de la Ténèbre. Et l'issue du conflit repose sur Vaelin Al Sorna, désormais Seigneur de Guerre. Mais la voie vers la victoire est semée d'embûches, surtout lorsque la voix du sang, le pouvoir qui faisait de lui le plus grand guerrier de son temps, demeure obstinément muette...
Une trilogie bien construite apporte des réponses à chaque épisode, et chaque épisode a son importance et apporte sa pierre à l'édifice : c’est ici le cas dans ce page-turner cool et fun, qui pour ne rien gâcher est 100% EPICNESS TO THE MAX !!! J’ai lu d’une traite les 760 pages de ce tome 3 tome, et je suis obligé de penser que le cycle en son entier pourrait bien devenir un chouette classique de la Fantasy !
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https://www.youtube.com/watch?v=9jK-NcRmVcw[/video]
Après un tome 2 volontiers de transition, c'est la guerre totale entre le Royaume unifié, désormais à la tête d'une Grande Alliance et mené par une reine de feu, et l'Empire Volarien, désormais seul contre tous et mené par une reine de feu... (Oui, la responsable des services secrets a réalisé son coup d'Etat avant de multiplier les purges de plus en plus violentes : sûrement un clin d’œil à l'Impératrice du
Livre malazéen des glorieux défunts ^^)
Quelque part nous sommes bien dans un « War Against Terror » contre les « Rogues States » certes, mais les masques tombent puisque les grands méchants sont des millionnaires immortels qui après avoir asservi des peuples entier pour augmenter leurs richesses asservissent leur propre peuple pour augmenter leurs richesses davantage encore (car comme le veux la médiocre réalité libérale, la seule possible d'après les thuriféraires de la pensée unique, les riches sont faits pour être très riches et de plus en plus riches et les pauvres très pauvres et de plus en plus pauvres)... Et l'auteur enfonce le clou de l'allégorie avec des ploutocrates qui vampirisent les meilleurs éléments de chaque génération afin d’assurer leur immortalité, leur rang, et leurs richesses…
La boucle est-elle bouclée ou sommes-nous dans un éternel recommencement ?
Michael Moorcock avait mis en scène le combat des Jeunes Royaumes contre l’Empire Melnibonéen, allégorie de la Perfide Albion porteuse de toutes les valeurs honnies de l'impérialisme suprématiste,
Anthony Ryan lui met en scène le combat du Royaume Unifié, allégorie du Royaume-Uni, contre l’Empire Volarien, allégorie des néocons yankees porteurs de toutes les valeurs honnies de l'impérialisme suprématiste...
La première partie est consacrée à la libération de Castelvarin des mains de l’envahisseur volarien et des pourris collaborateurs. C’est raconté à travers les yeux d’Alucius et de son gardien muet Vingt-Sept, qui va trouver le moyen de contourner son statut d’otage pour porter le coup fatal aux ennemis de la résistance quitte à réaliser l’ultime sacrifice… Pathos digne d’un tragédie antique certes, mais ce n’est que l’introduction d’un feu roulant de combats épiques allant des bons vieux duels de cape et d’épée jusqu’aux batailles à grande échelle avec intervention massives de supers-pouvoirs ! Cela ne s’arrête jamais, oh yeah !!!
Whaou les charges de cavaleries de Rensial le fils caché de Cho-Hag (remember La Belgariade) ! Whaou les apprenties Tornade capables de sauver ou de détruire des armées entières ! Whaou le combat à mort entre Vaelin et l’Homme-Multiple ! Whaou le baroud d’honneur de Caenis qui libère à plein puissance le don qu’il a caché toute sa vie durant ! Whaou l’utilisation massive du Vif par les chamans amérindiens car Ours Sage et Griffe d’Acier sont les alter egos de Doraga et Marcheur (remember Le Codex Alera) !...
Et oui, les mutants font enfin leur coming-out ! Que cela fait du bien de voir tous les meilleurs récits et thèmes des
X-Men de
Chris Claremont transposés à un univers médiéval-fantastique de bonne facture. Sauf qu'on a en plus des voleurs de pouvoirs qui recherchent les combos les plus dévastateurs, et un super-vilain qui recherche le combo ultime pour régner sur toute l'humanité pour toute l'éternité... Du coup, on se retrouve assez rapidement dans
L’Ère d’Apocalypse ! Oh yeah !!!
On suit donc Frentis, dit Frère Rouge, qui après son calvaire à la Homeland, passe de Robin de Bois à Spartacus, et comme il a aussi des airs de William Wallace il n'est carrément pas très loin de réaliser le Grand Chelem ! ^^ Meneur des Garisaï (morituri te salutant !) et des Politaï (plutôt mourir libre que vivre en esclaves !), ils affrontent les Arisaï dont il était autrefois le prototype... Personnages, situations, thématiques : l'auteur a forcément dans le rétroviseur la sérié télé de Starz, ce n'est pas possible autrement, donc epicness to the max garanti ! (moi j'ai grave kiffé ma race chacun des chapitres qui lui était consacré, oh yeah !!!)

On suit donc Reva qui après sa phase apprentissage et après avoir affronté son ordalie assume son statut de guerrière badass car ses combats dans le Colisée de Volar sont carrément blockbusterien ! Passons sur quelques tribulations dignes d’une soap opera lesbien, pour se concentrer sur une martyr de la cause qui a tout rejeté pour retrouver sa liberté de penser avant d’être qualifiée d’Envoyée du Ciel par un peuple avait lequel elle avait rompu… Mine de rien ce POV est donc accompagné d’une réflexion les relations entre croyants et athées à notre époque où le religieux revient en force.

On suit donc Lyrna, meurtrie dans sa chaire et dans son âme, qui embrasse son destin de Gloriana, elle qui avait jusqu’alors résister à la tentation du pouvoir qui lui tendait les bras… Si l’Invincible Armada de Philippe II avait réussi à accoster en Angleterre et que les tercios espagnols avaient mis le pays à feu et à sang, Elisabeth Ière aurait sans doute été confrontée aux mêmes choix qu’elle…

On suit donc Vaelin, désormais privé du pouvoir du chant du sang (sans doute pour éviter le côté invincible donc grosbill des tomes précédents), partir avec ses fidèles dans une quête polaire pour retrouver l’immortel Erlin, qui aurait toutes les clés pour vaincre l’Allié… Et alors que l’hiver vient, il doit traverser la banquise à temps pour aider ses amis et participer à la grande bataille finale…

Et comme il s’agit de s’unir ou de périr, on suit aussi dans les prologues de chaque partie Verniers Alishe Someren, qui a son rôle à jouer avec sa mission diplomatique au sein de l’Empire Alpiran, désormais dirigé par la personne qui le hait le plus au monde…
Au-delà des péripéties et des tragédies, on se demande longtemps comment les héros peuvent triompher puis on se demande pendant pas mal de temps comment ils pourraient bien perdre... Mais les méchants ont leurs propres plans : non seulement une Bête Immonde peut en cacher une autre, les victimes d'aujourd'hui pouvant devenir les bourreaux de demain, mais en plus ils sont suffisamment malins pour ne pas mettre tous les œufs dans le même panier...
Après, il y a aussi des bémols à apporter sur l’ensemble :
- Alornis, attention tu n’es pas très loin de la Mary Sue : belle, jeune, gentille, sensible, talentueuse dans tous les domaines, tu fais tourner les têtes et tu fais chavirer les cœurs de tous les beaux gosses et de toutes les belles gosses du bouquin, tu n’as jamais navigué mais tu conçois de nouveaux bateaux révolutionnaires, tu n’as jamais guerroyé mais tu conçois de nouvelles machines de guerre révolutionnaires… Heureusement que le personnage n’est pas trop prégnant sinon j’aurais été très méchant ^^
- le Royaume-Uni trahi, meurtri et asservi parvient en quelques semaines à lever et équiper une armée de 100000 hommes et une flotte de guerre capable de la transporter… la suspension d’incrédulité est mise à rude épreuve, même dans le cadre d’un conflit de masse avec conscription universelle et réquisitions généralisées (les mesures de la France révolutionnaire appliquées à une allégorie de l’Angleterre : oh la vache, depuis la crise des subprimes les mentalités ont vraiment changé chez les rosbifs…)
- il y a pas mal de trucs pas complètement explicites ou pas vraiment explicités, avec d’éventuelles incohérences avec le tome 1 vu que l’auteur à réorganiser son background en cours de route, mais en fait l’auteur est pris au piège car ou il expliquait tout et on retombait dans la fantasy classique avec ses prophéties et ses messies, voire dans la prédestination à la con, ou il n’expliquait pas tout et comme les personnages nous n’avons pas toutes les clés des enjeux en cours
- il se passe tellement de trucs épiques, sur tellement de pages, qu’à la fin on s’attend à un truc über épique et finalement on se retrouve avec une partie de poker menteur à base de vous ne saviez pas que je savais / tu ne savais pas que nous savions… frustrant
Je ne suis pas loin de penser qu'
Anthony Ryan a revu et corrigé le background de son univers en collaboration avec
Michael J. Sullivan :
il approfondit son univers en lui offrant simultanément une mythologie officielle et une Histoire secrète, et au fur et mesures des révélations les légendes deviennent des réalités que le passé à estompé… Mais qui croire entre le super-héros millénaire capable de franchir les barrières du temps et super-vilain millénaire capable de franchir les barrières de l'au-delà ? (et ce n'est pas les brides d’information d'Erlin l'immortel ou de Revek le mathusalem qui vont nous permettre de trancher, sans parler des divinités miyazakiennes, des supers-pouvoirs à la Rising Star, de la Pierre Noir et de la maladie de la Main Rouge). D’un autre côté c’est clair qu’on sème délibérément des petits cailloux blancs menant à la fois un préquel et à une séquelle, et j’avoue que l’affrontement des héros et des démons qui nous est narré pourrait être la version fantasy de celui entre les élèves du Professeur X et les sbires de Magnéto… Je suis partant à 100% ! ^^
A bien des égards l’auteur fait le pont entre les Fantasy britannique et américaine :
- d’un côté il est clairement influencé par Walter Scott, JRR Tolkien et Michael Moorcock, donc par David Gemmell qui piochait aussi chez eux pour notre plus grand bonheur (les pierres de pouvoir, l’Esprit du Chaos, le multivers, les ours, les loups, les pouvoirs chamaniques, le côté action movie avec les antagonistes bien psychopathes comme il faut)…
- d’un autre côté après les faux airs d’Eddings et de Feist dans le tome 2, les faux airs de Brandon Sanderson et de Jim Butcher se multiplient dans ce tome 3...
L'auteur en est bien conscient, car sinon certains passages ne feraient pas sens, comme cet appel du pied un peu forcé au lectorat américain, avec un passage sur de gentils croyants obligés de s'expatrier dans un Nouveau Monde suite aux persécutions des méchants athées du Vieux Continent... Soupirs certes, mais cela correspond complètement au cahier des charges de la fantasy américaine.
Et si on lit entre les lignes, on a des pistes des réflexions assez pour ne pas dire très intéressantes :
Outre-manche et outre-atlantique on débat beaucoup sur Daeneys dans la Baie des Serfs, vue comme une allégorie de l’Occident au Moyen-Orient… Il y a aussi un peu de cela car face aux attentats volariens on déclare leur déclare la guerre pour amener la liberté et la démocratie dans un empire esclavagiste mais il y a quantité de dialogues qui montrent clairement que de tels changement ne se décrètent pas et que les problèmes sont beaucoup plus compliqués que cela…
On aussi une réflexion sur le pouvoir, son exercice et son utilisation car on oppose les membres de la team Vaelin qui partagent les pouvoirs pour le bien commun et les sbires de l’Allié qui s’accaparent les pouvoir pour leur seul profit. Idem pour cette mystérieuse Pierre Noire qui donne des supers-pouvoirs quand on la touche et la 1ère fois et qui les reprends quand on la touche pour la 2ème fois : il y a allégorie sur le pouvoir à utiliser pour le plus grand nombre avant de nécessairement l’abandonner. Se servir du pouvoir, mais être prêt à le laisser : voilà le seul moyen d’être libre et de libérer les autres !
Sinon, encore une fois, et cela m’énerve au plus haut point, je suis obligé de m’inscrire en faux concernant les blasés d'en face...
