Les chants des belladones / Anthologie de poésie fantastique
Posté : 03 sept. 2025, 21:31

Voici un ouvrage qui fait la part belle à la littérature fantastique dans ce qu'elle a de plus macabre et de plus crépusculaire, invoquant spectres, monstres, corbeaux, cadavres et bien d'autres créatures peuplant les vers impies de ce recueil de poésie fantastique.
56 poèmes en proses et en vers libres, des haïkus et même un slam !
L'ambiance est inspirée par des noms tels que Edgar Allan Poe, Clark Ashton Smith, Howard Phillips Lovecraft ou encore Guy de Maupassant.
L'heure n'est donc pas à la fête... Quoique. le recueil s'ouvre avec "Revue", un slam de Marie-Catherine Daniel absolument déjanté ! Un vrai régal qui témoigne de la volonté des éditions Malpertuis de proposer des textes audacieux n'hésitant pas à utiliser toutes les formes de la poésie afin de surprendre le lecteur.
Ainsi, dans "Celui qu'on appelle", de Thierry Fauquembergue, le texte s'efface puis saute aux yeux en devenant plus gras, jouant avec la police d'écriture ; il se décale, dégringole subitement et scande "Cthulhu fhtagn !" en gros caractères.
Sous la clarté livide de la lune, "La nuit" d'Armelle Royline nous fait frissonner grâce à une prose d'une beauté froide et inquiétante. Et c'est dans "Cauchemars", de Jean Christophe Gapdy, que nous sommes aspirés, haletant et suffocant, cernés par l'horreur que nous assène ce poème rimé dense.
L'un des poèmes les plus saisissants est "Mange ta main, garde l'autre pour demain", de Charlotte Poitras, où l'auto-dévoration narrée sous cette forme versifiée devient aussi fascinante que dégoûtante.
"La baleine", de Manon Ryx est également très réussi. Ce long poème particulièrement envoûtant nous confie les tourments d'un narrateur complètement soumis à sa relation avec La baleine ; une relation puissante et insensée, au-delà du temps, comme si le mammifère l'affligeait d'une amère immortalité. le charme mélancolique harponne en plein coeur, que ce soit celui de l'humain ou celui de l'animal.
"L'appel de Malam", de Raphael Escorpiao, m'a beaucoup plu par sa dimension ensorcelante et fataliste. le texte ne laisse aucun salut et nous enivre jusqu'à nous faire sombrer dans l'étreinte implacable du Roi en Os.
"Pourquoi sac poubelle ?", de Miguel Dey, emprunte plutôt un style humoristique, mais derrière cette étonnante réincarnation se cache la plus juste des sentences...
Bien d'autres poèmes fascinent, dérangent, surprennent et se dégustent. Les thèmes sont nombreux, voyant défiler vampires, sorcières, yōkais, araignées, soldats, fugitifs, peintures, trains, gouttes... Et les styles variés apportent une lecture diversifiée qui s'apprécie dans une atmosphère surréaliste constante.
Et pour parfaire cette atmosphère, Bastien Bertine signe (en plus de la couverture) quelques illustrations en noir et blanc dans lesquelles un personnage évolue au milieu de ce décor dément.
Un ajout non négligeable qui traduit à merveille l'esprit du recueil !
Un beau et ténébreux moment de lecture qui se lit comme un grimoire ouvrant les portes d'étranges paysages...