
Le livre des martyrs, de Steven Erikson, est un cycle à la dimension immense, foisonnant de personnages, d'interactions culturelles, de conflits s'étalant sur des milliers d'années.
C'est ici le compère archéologue d'Erikson qui est à la plume : Ian Cameron Esslemont. Il s'empare de l'univers malazéen pour écrire une trilogie centrée sur deux personnages emblématiques du cycle. Mais quelques années en arrière, là où la jeunesse portait l'élan de deux êtres au destin sans nul pareil.
Ce premier tome place son action dans la cité-état de Li Heng, située sur le continent de Quon Tali. Le jeune assassin Dorin y pénètre avec plein d'ambition alors que débute un siège opéré par l'armée d'Itko Kan. Confronté dès son arrivée à l'implacable violence des bandes armées de la cité, il va rapidement faire parler lui grâce à ses capacités hors norme.
Li Heng est dirigée par la Protectrice Shalmanat, épaulée d'un cadre de mages. Ces derniers vont devoir préparer la résistance mais aussi surveiller la renaissance dans leur cité du culte du dieu de la mort : Goule. Tandis qu'à l'extérieur des remparts, rugit la menace de l'homme bête : Ryllandaras.
L'écriture d'Esslemont n'est pas celle d'Erikson. Le premier est propre, simple, limpide, alors que le second est obscur, singulier et exigeant. Je préfère clairement Erikson qui, malgré sa narration abstruse, apporte un réelle atmosphère de dark fantasy épique et une profondeur des personnages passionnante. Ici, Esslemont est tout à fait banal, sans éclat. L'histoire est parfaitement compréhensible mais manque de charme.
Le dernier tiers rattrape la lassitude des premiers chapitres, quand les événements s'emballent, que la magerie (terme utilisé dans cette œuvre) se déploie et que l'intensité se fait enfin sentir.
La relation des deux personnages principaux devient elle aussi plus captivante passé un certain temps et promet de belles choses pour le second tome.
J'ai été déçu par les mages de la protectrice, assez peu dépeints, hormis Soie qui, comme son nom l'indique, est du genre à se plaindre dès qu'il a sali une de ses bottes ou qu'il a encore oublié de se munir de sa cape quand souffle un vent glacial dehors... Ils ont leur importance, mais l'auteur ne les exploite selon moi pas à leur juste valeur.
Pour Dorin, notre protagoniste, j'attends surtout de le voir évoluer dans les prochains tomes car, malgré ses capacités et le bon travail sur son personnage, je ne l'ai pas trouvé assez marquant (surtout quand on connaît sa trempe dans Le livre des martyrs).
Son acolyte, Wu, se révèle de façon inattendue (surtout quand on connaît son envergure dans Le livre des martyrs), avec un humour qui fonctionne dans les dernières pages.
Malgré ma déception quant à l'ambiance générale, pas assez dark fantasy à mon goût, et un déroulement des plus classiques, ce premier tome s'avère prometteur pour poursuivre l'aventure dans le monde malazéen, surtout grâce à la dernière partie et aux deux personnages principaux qui possèdent le charisme nécessaire pour nous embarquer dans leurs péripéties.