Nadejda / Olivier Boile

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Albéric
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Nadejda / Olivier Boile

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Résumé :
Russie – 1015. Ilya de Mourom, ancien membre des trente preux, vient de passer trois ans dans les geôles du grand-prince Vladimir. Après sa libération, il rencontre le jeune Erouslan, qui se prétend lui aussi chevalier. Ils comprennent que leurs destins sont liés par le nom Nadejda (l'Espérance, en russe). Pour l'un, c'est l'épée tant adorée, mais volée pendant sa détention ; pour l'autre, c'est l'unique amour, désormais disparu.
Leurs pérégrinations les mèneront d'un bout à l'autre du pays, jusqu'aux steppes du Sud. Ils rencontreront des héros mythiques et des princes ambitieux, des cavalières de la plaine et des guerriers tatars... ainsi que les derniers représentants de l'ancien monde païen : la reine de la mer Noire qui commande à sa tribu d'Amazones, le peuple aux mains palmées qui règne sur les fleuves, et Sviatogor, le géant des monts Sacrés...

Ce roman n'est le meilleur que j'aie lu de toute ma vie, et son auteur n'est pas l'auteur le plus talentueux qui soit, mais par moments ils auraient pu l'être : c'est la magie de la grande tragédie et de l'epicness to the max... Entre chanson de geste et heroic fantasy, le frenchy Olivier Boile nous raconte à la fois le game of thrones de la succession du petit père des peuples Soleil Clair, et le road movie / buddy movie des chevaliers errants Ilya de Mourom « le Libérateur de Tchernigov » et Erouslan Voltchy Khovst « Le Tueur de Dragon ». La démarche de l'auteur français est d'explorer d'autres voies que le médiéval-fantastique arthurien exploité jusqu'à la corde par une fantasy anglo-saxonne plus ou moins inspirée, et il s'est bien documenté avant de jeter son dévolu sur les mythes et légendes de la Russie... Qu'est-ce qu'il a bien fait ! Et vu qu'il mêle joliment rationalité et irrationalité, on peut le comparer avec Robert Silverberg (Gilgamesh, roi d'Ourouk) et Poul Anderson (King of Ys), mais comme les mêmes causes produisent les mêmes effets on peut aussi et peut-être d'abord le comparer à David Gemmell, le regretté maître anglais de l'heroic fantasy...
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Dans un monde peuplé de dieux de lumière et de dieux de ténèbres, de vodianoïs et de roussalkas, de géants et dragons, Ilya et Erouslan les bogatyrs sont en délicatesse avec le pouvoir en place. Sauf qu'avec la mort de Soleil Clair ce dernier change de mains, et qu'au final rien n'est certain... Tout pourrait opposer Ilya qui à cheval entre la Russie païenne et la Russie chrétienne a déjà tout prouvé, et Erouslan métis à cheval entre le monde sédentaire russe et le monde nomade turco-mongol qui a encore tout à prouver, mais le 2e se place immédiatement sous le patronage du 1er car ils ont le même objectif (bien que pour des raisons différentes ^^), à savoir tomber à bras raccourcis sur Goriaser qui fait office d’exécuteur des basses œuvres Sviatopolk dit « Le Maudit » (oui, on t'a reconnu Mordred le traître ! ^^) qui souhaite à tout prix s'emparer de toute la Russie, quitte à pactiser avec ses ennemis honnis polonais et tatars... Tout cela nous amène vers un road movie fantasy, et notre dynamique duo chevauche vers le royaume amazone de la Mer Noire en conflit direct les Tatars du Khan Kalin. C'est là que la route de nos deux héros diverge car le senior suit son obsession là où le junior suit son ambition : dans la guerre de succession russe ils finissent dans des camps opposés, jusqu'à leur fin funeste et tragique fin (remember Les Lions d'Al-Rassan de Guy Gavriel Kay),
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Ilya et Erouslan sont des héros au sens antique du terme : ils incarnent des valeurs qui les dépassent, pour lesquelles ils se battent et en lesquelles ils croient de toutes leurs forces, mais ce sont avant tout des hommes, rien que des hommes, donc des êtres faillibles et tourmentés, capables de sombrer dans la folie et de basculer du Côté Obscur de la Force... Ilya paysan handicapé a longtemps été faible avant d'être fort, donc plus que les autres il peut défendre la justice en incarnant la lutte des faibles contre les forts, et/ou la lutte des opprimés contre les oppresseurs (remember Steven Rogers dans Captain America, et Izuku Midoriya dans My Hero Academia ^^)... Erouslan bâtard issu d'un peuple honni a été longtemps été rejeté avant d'être accepté, donc plus que les autres il sait ce que valent les valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité... C'est ensemble qu'ils se lancent aux confins de la Russie : le premier veut récupérer l'épée qui contient l'âme de l'être aimée, le deuxième veut se venger de celui la possède car ce dernier incarne tout ce qu'il déteste en lui... Et pour moi qui suis un adepte de la mythologie comparée pour débusquer les archétypes fondamentaux de l'humanité, c'est fascinant de retrouver dans les mythes et légendes russes revisités par Olivier Boile de grands figures celtes, grecques, perses et mongoles... J'ai ainsi reconnu ça et là les ombres de Cúchulainn et Ulysse, de Thésée l'athénien ou de Rustam l'iranien, comme celles de Temudjin, Tolui et Khubilai...
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L'auteur m'a fait l'honneur de découvrir son œuvre, et je lui en suis redevable car son roman indépendant était tout aussi plaisant qu'intéressant. Mais l'exercice de style était loin d'être facile : on reste un peu quand même le derrière entre deux chaises, et il n'y a pas assez de pages pour développer de manière complète les relations entre Sviatopolk le Maudit et Iaroslav le Sage, et les relations entre entre Ilya et Erouslan, le tout arbitré par la princesse boiteuse et incestueuse Predslava... Mais on peut aussi mettre en avant le travail de Nestiveqnen qui au-delà d'un livre objet réussi et d'un bel effort de mise en forme et de mise ne page offre cartes et dramatis personnae pour simplifier la vie de nous autres lecteurs... Bien des auteurs et des éditeurs devraient en prendre de la graine !
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Tatooa
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Lecture du moment : Sépulcre de K. Mosse

Re: Nadejda / Olivier Boile

Message non lu par Tatooa »

Hop je vous mets mon avis de Babelio qui date du 31/03/18 :

"Je remercie d'abord BazaR pour cette lecture commune "lente", je suis persuadée que j'aurais moins apprécié ce livre si je l'avais lu trop vite !
Il ne faut pas le lire vite, et il ne faut pas le lire comme un livre de fantasy "classique". Il faut le lire comme récit épique type "geste moyenâgeuse", ou comme un conte fondateur.
Pour moi, il est à rapprocher de "l'épée brisée" de P. Anderson, dans l'idée (se baser sur des légendes pour écrire une "geste épique moyenâgeuse") et dans la forme. de la même façon que dans le livre d'Anderson, on n'entre jamais vraiment dans la psychologie des personnages, mais leurs actes parlent pour eux.
Bien sûr il est aussi à rapprocher de tous les textes mythiques déjà écrits auparavant, mais vraiment, il est très très proche parent de "l'épée brisée".

Très franchement, lu comme nous l'avons lu, je trouve que c'est une pépite. C'est formidablement bien écrit, dans un style à la fois poétique et dynamique. Sur une base historique qui semble très solide (eût égard aux références citées en fin de livre), tant au niveau des personnages que des faits historiques, l'auteur nous livre un très beau poème en prose.

Je ne connais pas l'histoire russe, du coup le suspens était entier pour moi aussi. Quoi qu'au fond ce n'est pas ça le plus important. Les personnages sont "énormes". Ils nous restent incompréhensibles pendant quasi toute la durée du livre et pourtant, on s'attache à eux, à suivre leurs pérégrinations. L'émotion n'affleure qu'à la toute fin du livre, avec pudeur. Contrairement à ce que j'ai lu dans d'autres avis, je ne trouve pas qu'il aurait du être plus long. Parfois on n'a pas besoin d'en savoir plus, et ici, je n'avais pas besoin d'en savoir plus.

Du grand art. D'autant plus que c'est complètement différent des "feux de l'armure", et j'admire beaucoup les auteurs capables de se renouveler d'un livre à l'autre. Bravo Olivier.
Et, si j'osais...
C'est pour quand prévu pour, le prochain ?"
:mrgreen:
"Quand la liberté n'est pas libre, la liberté n'est pas vraie."
Prévert
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