La Geste du Sixième Royaume / Adrien Tomas

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Albéric
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La Geste du Sixième Royaume / Adrien Tomas

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Résumé de La Geste du sixième royaume :
Les Cinq Royaumes : des nations turbulentes et ambitieuses souvent en guerre. Au coeur des terres, un sixième royaume : la Grande Forêt légendaire, impénétrable et hostile. Dans les maisonnées de Sélénir, dans les cases de Val ou dans les yourtes des nomades des steppes de Khara, le soir au coin du feu, on raconte aux enfants la légende suivante : tes rêves, tes cauchemars comme les créatures fantastiques des contes que tu aimes tant peuplent le sixième royaume.
Alors, pourquoi un baladin perdu, une belle sorcière aux terribles pouvoirs endormie depuis cinq cents années, un jeune voleur des rues amoureux, un demi-nain commerçant débonnaire et un homme-loup monstre de foire se retrouvent attirés par la Grande Forêt ?
Que découvriront-ils ? La fin d'un monde ? Le sang et les larmes ? L'amour et la tragédie ?
La Geste du sixième royaume raconte avec un rythme effréné les destinées de ces héros malgré eux, semées d'embûches, de pièges, de doutes, de découvertes incroyables et de magies insaisissables.

Du classique mais du solide. Mieux, du plaisant et de l’encourageant !
Et pourtant je ne suis plus un bon client de la fantasy classique… Pour moi elle a fait son temps, désormais trop balisée mais surtout trop usitée, y compris par des quarterons de tâcherons sans imagination dont je vais ici taire les noms. Alors au début j’ai été douché par les élus, les quêtes et les prophéties, les elfes, les nains et le méchant tyran millénaire / le méchant empire oriental...
(jouons au bingo de la fantasy classique avec Boulet :
http://www.bouletcorp.com/2010/05/21/fantasy/)
Ah ça, on sent bien qu’Adrien Tomas a lu et a aimé JRR Tolkien, David Eddings et Robert Jordan (d’ailleurs on reconnait Théoden, Grima et Eowyn, du coup Nynaeve en sert sa natte de rage ^^) ! Il connaît bien les classiques, leurs codes et leurs thèmes, mais surtout il sait comment en jouer pour s’en détourner tout en leur rendant hommage (ah, il faut voir le sort qu’il réserve au traditionnel adolescent orphelin ^^)…
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Mais on sent aussi les Fabrice Colin, Mathieu Gaborit, et autres Pierre Grimbert qui ont fait les beaux jours de la fantasy française, et plus encore on sent l’héritage de l’incontournable magazine Casus Belli (on ne se refait pas : comme la plupart de ses confères, il est rôliste évidemment ^^) ! Toutefois je trouve que malgré tout qu’il y avait des similarités avec Genesia - Les Chroniques pourpres d’Alexandre Malagoli, autre amoureux du genre (mais au-delà de la bonne volonté et de la bonne humeur ce que propose Adrien Tomas est plus abouti).
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De quoi ça parle ? Shalavar le souverain de l’Empire Seï intégriste et suprématiste, parvient à rassembler toutes les nations qui pourtant le haïssent cordialement pour éradiquer la Grande Forêt qu’il présente comme un menace pour le monde libre car abritant des créatures impies complotant la fin de l’humanité… (J’ai trouvé ça aussi gros que le Protocole des Sages de Scion, et IRL cela serait un peu comme si la Russie proposait à l’ONU de partir à l’assaut du Groenland ennemi public n°1. Mais bon, on sait comment cela se passe IRL justement : plus le mensonge est gros et plus il passe, alors si en plus il y a du pognon à profusion à la clé chacun veut une part du gâteau, au à défaut ne pas en laisser une aux autres…)
En fait, il s’agit de la lutte éternelle entre « la Nature » et « le Progrès », qui s’opposent depuis le commencement du monde malgré leur complémentarité à travers leurs champions selon un ensemble de règles complexes que nous découvrons avec les personnages au fur et à mesure de l’intrigue : pour chaque camp 1 Fille, 5 Hérauts différents (Prophète, Danseur, Soldat, Bête et Dame, dont les pouvoirs psioniques représentent les capacités des cinq sens) et 5 peuples différents pour les appuyer. Ecologiste, c’est tout naturellement que l’auteur nous fait partager la cause des défenseurs de la nature et le récit est divisé en trois grandes parties : recrutement, entraînement, affrontement…
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C’est ainsi qu’il s’amuse avec le jeune voleur Moineau à la tête d’une armée de nomades barbares (avec pas mal de scènes qui n’aurait pas dépareillé dans le manga Magi), le ménestrel Llir à celle d’une armée de paladins, Corius le marchand semi-nain à celle d’une armée de pillards sans foi ni loi, Naorl le loup-garou à celle d’une armée d’hommes-bêtes et la magicienne Maev à celle d’une armée de chevaucheur d’éléphants… mdr
Ah ça oui, il s’amuse… Ses légendes parlent d’Elfes à la JRR Tolkien alors que son histoire parle d’Efles à la Michael Moorcock, et qu’on final on se retrouve avec une fin de race elfique à la Greg Keyes... ^^

Comme les champions des deux camps ont un passé commun, qu’ils ne sont pas forcément au courant des enjeux et des règles de leur affrontement, et qu’ils sont loin de remplir de bonnes grâce les rôles qui leurs ont été dévolus, j’ai tout de suite pensé à la saga japonaise Shinobi de Fûtarô Yamada, d’autant plus qu’on a une belle historie d’amour shakespearienne à la clé… (plusieurs mêmes, avec un bon vieux triangle amoureux des familles en plus ^^)

Des sylphides plus ou moins insectoïdes fonctionnant comme une colonie de fourmis, les passages de Naorl à la Jack London (remember Croc-Blanc et L’Appel de la forêt), des dragons de légende transformés en bon vieux dinosaures végétariens, des passages sentant bon le darwinisme et plus encore l’environnementalisme… L’auteur semble ne pas avoir échappé pas à ses études d’écologie et au Green Power…. Mais malgré le recours aux bons vieux archétypes du genre Adrien Tomas ne tombent pas dans le manichéisme : si la science sans conscience n’est que ruine de l’âme, la nature sans morale n’est elle que loi de la jungle. L’un a besoin de l’autre pour trouver un point d’équilibre et éviter la régression, puis à terme l’extinction. Chaque protagonistes a ainsi son rôle à jouer parce que chacun à sa place dans la grande marche du monde… Y compris les Historiens de Sythilborea qui immortels et impartiaux écrivent inlassablement l’éternelle chronique des événements, jusqu’au moment où l’un d’entre eux comprend qu’ils influent sur leur déroulement de par leur seule existence. David Farland avait développé quelque chose d’assez proche avec ses Jours dans Les Seigneurs des Runes, mais ce que parvient à faire Adrien Tomas du noble Tildor m’a agréablement surpris !

Pendant pas mal de temps, j’ai eu un peu peur qu’avec la multiplication des POVs et des archétypes, ainsi que quelques batailles traitées hors champ et racontées à posteriori, la mayonnaise ne prenne jamais… Oui mais non, passé un cap j’ai compris que quand l’auteur balance la sauce, on retrouve les vibes de David Gemmell à absolument tous les niveaux : la plupart des personnages auraient largement eu leur place dans l’un de ses romans, et l’illusion était parfaite même pour moi qui ai tout lu du maître anglais de l’heroic fantasy. Le cahier des charges est bien rempli en intrigues et en complots, en action et en émotion : les combats des paladins d’Eaylia, Olrorian et Zanguin, les batailles d’éléphants de Qaheb, Mwao et Oba, les commandos dryades de Lilthyn, les escarmouches des Robin des Bois d’Auros, le duel au sommet des super sorcières, le dernier combat des dragons de Waurum… Et puis le siège de Mors Daemyn par les prêtres-sorciers de la Déesse Seva, c’est court mais ça envoie du bois hein ! ^^
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Evidemment, comme tout premier roman tout est loin d’être parfait :
- quelques tournures modernes dans les dialogues gâchent un peu l’ambiance médiévale-fantastique…
- des préitérations, des ellipses et quelques grosses ficelles viennent un peu tirer l’ensemble vers le bas
- on retrouve encore l’affreux gimmick du mentor magicien qui pousse ses poulains à avancer sans rien leur expliquer, repoussant à tard le pourquoi du comment à grands coups de « on n’a pas le temps », pour ensuite tout exposer artificiellement dans de longs monologues explicatifs pas naturels du tout… Soupirs
- l’auteur veut éviter le manichéisme en offrant à chaque « méchant » sa propre histoire et ses propres motivations, mais comme les antagonistes de ses « gentils » sont un monstre congénital schizophrène, une guerrière loyale mauvaise, un tueur psychopathe, un assassin queutard et un requin en talons aiguilles ce n’était pas gagné du tout hein… ^^
- passé un moment la structure en POVs peut vite devenir soûlante, surtout avec plusieurs dizaines de personnages… Car au bout de 400 pages sur 500, l’auteur parvient encore à introduire de nouveaux POVs… Stop à la fin, surtout qu’on comprend rapidement que ceux de Llir et Maev sont définitivement les plus fournis…
(et pas mal de coquilles au niveau de la ponctuation et un texte tassé avec des marges réduites et une police de caractère trop petite dans la 1ère édition de 2011…)

C’est dense, c’est touffu et cela aurait sans doute mériter à être développé et/ou retravailler, mis il est ô combien appréciable que l’auteur n’ait pas cédé comme bien d’autres aux sirènes de la machinlogie, et en un seul livre il nous offre une histoire complète, une galerie de personnage très fournie et un univers complet auquel il a su donner une jolie profondeur : la guerre des peuples de la nature contre les peuples du progrès, la révolte des humains contre les elfes, les quêtes de la reine Ithaen puis de son descendant Cyslan pour libérer leur royaume d’Evondar (ah ! on vous a reconnu les Eorlingas du Rohan ^^), les magiciens sans âge arpenteurs du monde Belunith et Aphae (ah ! on vous a reconnu Belgarath et Polgara ^^), les batailles et la chute de Mors Daemyn (ah ! on t’as reconnu forteresse Dros Delnoch ^^), la naissance des monastères des Etoiles Grises, la trahison du peuple nain par les humains, la chute de la monarchie sélénire et la légende de l’ange de fer…
J’avoue sans honte qu’en dépit du worldbuilding déterministe à la David Eddings ou à chaque peuple correspond une religion spécifique, un régime politique spécifique, une manière de combattre spécifique de donc au finale une mentalité spécifique (marre du combo despotisme oriental / théocratie intégriste), j’ai eu envie de galoper avec les barbares des plaines de Kara ou les nomades du désert du Wael’Jad, d’arpenter les marches du nord, de parcourir les sentes de la Grande Forêt, de visiter les Cités-Etats sélénires ou les forteresses naines, et de descendre le Fleuve Noir à la découverte du peuple du rêve…


Oui ce premier roman d’Adrien Tomas ne révolutionnera pas le genre… Et alors ??? Nous ne sommes pas des hipsters qui pensent que tout nouvel ouvrage a vocation à tout chambouler sur son passage n’est-ce pas ? blink
Je souhaite une belle et longue carrière à l’auteur : il s’avère être un véritable amoureux de la Fantasy qui assume fièrement et pleinement ses influences, et malgré quelques maladresses il offre à son genre de prédilection un bien bel hommage quelque part entre La Belgariade et Les Chroniques de la Guerre de Lodoss (qui a reçu le Prix Imaginales en 2012, tout en étant noté 5,5/10 par les blasés d'en face)…
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