Les Habitants du Mirage / Abraham Merritt

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Albéric
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Les Habitants du Mirage / Abraham Merritt

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Résumé : Les Habitants du mirage
Au cœur des à-pics glacés et des neiges éternelles de l’Alaska, Leif découvre une étrange vallée que le temps semble avoir oubliée. Il y rencontre la belle Evalie, mais aussi la sorcière Lur, une guerrière redoutable qui reconnaît en lui l’incarnation d’un grand roi du temps jadis : le terrible Dwayanu. Et bientôt, celui-ci surgit des ombres de son inconscient, s’emparant de l’esprit de Leif… Il va pourtant falloir faire face, car la guerre fait rage à présent. Mais comment sauver Evalie et son peuple, alors qu’il est lui-même habité par leur plus grand ennemi ?

Nous sommes dans l’entre-deux-guerres et une poignée d’auteurs à l’imagination fertile s’émancipent du positivisme, de l’ésotérisme et du romantisme historique pour offrir de nouveaux univers de grande aventure. Dans ce roman d’Abraham Merritt paru en 1932, un héros qui s’ignore s’en va au bout du monde connu découvrir un monde perdu, et va devoir se muer en guerrier pour mener un coup d’Etat puis en guerrier de l’esprit pour mener une révolution contre une élite dépositaire de tous les vices du pouvoir qui exploite les peuples quand il ne les dresse pas les uns contre les autres… Un immense potentiel de supracoolitude pour les lecteurs de l’époque coincés entre les forces occultes du Grand Capital et celles de la Bête Immonde !


Dans le Livre de Khalk’ru :
Nous suivons Leif Langdon, être hors de son temps, véritable viking né dans une famille de bourgeois matérialistes, voué à devenir comme tous les mâles de sa famille un gratte-papier… Lors d’une expédition scientifique en Mongolie, son physique et son don des langues le rapproche des nomades de la steppe infinie qui lui apprennent l’art du combat à l’épée… Mais les Ouïgours reconnaissent en lui leur héros messianique Dwayanu, et le confient aux bons soins d’un vieux prêtre qui l’initie aux mystères plein de démons et de merveilles de Khalk’ru le Grand Dissolveur (on t’a reconnu Cthulhu ! ^^)

Dans le Livre du Mirage :
Dans cette phase très lovecraftienne du récit, avec une narration à la première personne intimiste mais débarrassée des gimmicks du Maître de Providence, nous suivons l’expédition en Alaska de Leif Langdon le wasp et de son ami à la vie à la mort James T. Eagle le cherokee (argh les mixophobes s’arrachent les cheveux… bien fait pour eux !). Les habitués des livres de Jack London seront ici à la fête, avant que Leif attiré par l’Appel de Khalk’ru ne découvre dans les montagnes du cercle polaire arctique une vallée perdue tropicale et leurs habitants hors du temps…

Dans le Livre d’Evarie :
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En Terre Sauvage, parmi les habitants du mirage, James T. Eagles redevient Tsantawu le guerrier cherokee, et Leif Langdon redevient Dwayanu la légende ayjire. C’est malheureusement le ventre mou du récit car au sein de la communauté des Yunwi Tsundi qui les ont recueillis, les explications succèdent aux explications avec pour seul fil conducteur la romance mièvre qui se développe maladroitement entre Leif et Evarie…
Mais le twist/cliffhanger est énorme car si les Ayjirs hésitent à se rallier à celui qui pourrait être leur messie, les Yunwi Tsundi eux comprennent que leur hôte est peut-être leur futur fossoyeur et décident de l’éliminer avant qu’il ne constitue une menace : dans la mêlée, le héros bascule dans le vide du haut du pont brise de Nansur…


Dans le Livre de la Sorcière :
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L’arrivée du héros narrateur au pays des ombres a bouleversé le fragile équilibre qui y règne : le Terre Sauvage est divisée entre rive dominée par les Yunwi Tsundi et rive dominée par les Ayjirs, la rive ayjire étant elle-même divisée entre Karak l’autoritaire et Sirk la rebelle ! (et Karak elle-même vivant sous la coupe du fragile triumvirat dominée par Yodin / Odin / Zeus le prêtre, Tibur / Thor / Arès le guerrier et Lur / Freyja / Athéna la sorcière…)
Après avoir été recueilli par les hobbits amérindiens, le héros est recueilli par les valkyries aryennes. Et la Sorcière, première d’entre elles, joue très bien le triple jeu : elle prête à trahir Yodin pour Leif comme elle est prête à trahir Leif pour Yodin, du moment qu’au final cela soit elle qui tire les marrons du feu… Car si Leif porteur de l’Anneau de Khalk’ru est le messie tant attendu par le peuple ayjir, l’arrivée d’un étranger dans la communauté de Karak pourrait bien mettre un terme aux privilèges des élites de ce landerneau totalitaire qui maintient ses sujets dans l’ignorance du monde extérieur… (oui je te vois, système communiste/fasciste/nazi de sinistre mémoire !)


Dans le Livre de Dwayanu :
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Véritable Siegfried inversé, Leif oublie la douce et modeste Evarie et s’oublie lui-même, car il devient (redevient ?) complètement Dwayanu dans les bras de la forte et ambitieuse Lur qui le vamp corps et âme. Nous sommes dans les années 1920/1930 avec les suffragettes et les garçonnes, et une poignée d’auteurs essaient de remplacer les damsels in distress par des strong independent women qui tranchent sérieusement avec les cruches habituellement cantonnées à ces rôles ingrats.
Leif/Dwayanu se rêve en guide du peuple ayjir, en régénérateur de sa civilisation et en conquérant universel : plus dure sera pour lui la chute… Tu ne changes le système, c’est lui qui te changes si tu ne l’éradiques pas avant qu’il ne t’éradique : en prenant d’assaut Sirk la rebelle, il tombe dans le piège dressé par ceux qu’il pensait être ses nouveaux alliés/sujet…


Dans le Livre de Leif :
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Après la mort de son frère d’armes et l’enlèvement de son âme sœur, promise à être sacrifié au Grand Dissolveur, le moi du héros reprend le dessus. Leif retrouve ses esprits et se lance dans une révolution contre l’obscurantisme ! Hobbits amérindiens et valkyries aryennes sont au bord de la guerre totale, et Leif l’étranger qui a un posé un pied dans chaque communauté est le dernier espoir de paix… Et c’est là que le récit est malin, puisque chacun de ses gestes progressistes qui s’est ajouté au fils des pages forment ici une chaîne d’espoir et d’amitié qui fait basculer les choses du son côté : les gens de bien se révoltent conjointement contre la dictature des homines crevarices qui les dressent les gens les uns contre les autres pour sauvegarder les privilèges éhontés d’une petite minorité !


Au bout du chemin, à la toute fin, après tant d’épreuves Leif Langdon doit faire un choix : une vie modeste et simple avec la douce Evalie en tant que Leif, ou une vie aventureuse et trépidante avec l’ambitieuse Lur en tant que Dwayanu… Il va sans dire que le héros en plein crise existentielle est fortement soumis à la tentation ! Oh que oui, Mon Précieux !!!
La nouvelle édition réalisé par Callidor a la belle intelligence d’offrir à la fois la fin voulue par l’auteur (du sang et des larmes, car nous sommes dans la tragédie !), et la fin voulue par l’éditeur (happy end gnagnagna la morale est sauve gnagnagna tout est bien qui finit bien gnagnagna… Soupirs)


Les Habitants du mirage sont une œuvre pionnière de la Fantasy à une époque où les liens entre science-fiction et fantastique étaient encore très forts. Ici nous sommes au point d’équilibre parfait entre l’horreur à la H.P. Lovecraft et la sword & sorcery à R.E. Howard. La force du roman est d’ailleurs aussi une de ses limitations (avec ce triangle amoureux bancal dont l’un des angles repose sur une romance à l’eau de rose) : nous sommes à l’aube de ce genre, et l’auteur bascule de la science-fiction au fantastique sans jamais véritablement choisir, opposant aux éléments surnaturels des explications rationnelles en laissant constamment planer le doute (schizophrénie, possession, métempsychose ?)… Il ne ménage ainsi pas ses efforts pour ancrer son récit dans le réalisme : géologie, climatologie, géographie, histoire, études ethnographiques, mythologies comparées, recours aux travaux de Sigmund Freud et Carl Gustav Jung… franchement, à ce niveau-là c’est du bel ouvrage !
Entre le petit peuple de JRR Tolkien, allégorie presque caricaturale de la gentry anglaise, et le petit peuple d’Abraham Merritt, peuple premier qui lutte vaillamment pour sa survie face à plus puissants que lui, mon choix est vite fait (sans parler des Ayjirs qui annoncent carrément avant l’heure les Melnibonéens de Michael Moorcock !)… Car oui, je suis encore obligé de préciser que la Fantasy moderne n’apparaît pas en 1937 avec Le Hobbit : d’ailleurs, elle existe avant et en dehors de l’œuvre de l’universitaire d’Oxford.

On ne va pas tourner autour du pot : au-delà d’un classique qui a bien vieilli avec sa belle prose d’une autre époque littéraire (ici joliment retranscrite par Thomas Garel), une œuvre majeure du genre indispensable pour tous les amateurs des genres de l’imaginaire et de belles aventures !
Et pour ne rien gâcher la nouvelle édition réalisée par Callidor est superbe : l’imprimeur lithuanien Standartu Spaustuve a réussi à nous offrir un libre-objet d’un très appréciable rapport qualité/prix, le préface d’Alain Zamaron et en postface l’article de l’auteur qui était journaliste avant d’être écrivain apportent un plus bienvenu, et les belles illustrations, superbes même parfois, de Sébastien Jourdain nous envoient directement dans un univers of High Adventures ! (surveillez-le bien celui-là, il pourrait vous surprendre ^^)… Cela me navre au plus haut point qu’en termes de qualité de travail une Small Press se place bien au-dessus des gros éditeurs dont on taira les noms par pure charité chrétienne.
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arsenie
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Re: Les Habitants du mirage / Abraham Merritt

Message non lu par arsenie »

Vraiment un beau livre, cette nouvelle édition! 8)
ça me fait tout drôle car j'ai presque tout oublié, et je ne me souviens de pas grand chose, sinon d'un "kraken"???? (et des couvs de Caza)
et pas du tout d'Alaska! plutôt asie centrale ou himalaya pour une course poursuite ....
Abraham Merrit est un auteur très étonnant - la nef d'ishar est aussi remarquable
lectures en cours : Par delà la lue bleue de simon Green
vision : le Prisonnier
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Toon
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Re: Les Habitants du Mirage / Abraham Merritt

Message non lu par Toon »

cela m'arrive peu fréquemment, mais j'ai laissé les habitants à leur mirage environ à la moitiée du livre c'est à dire au début du Livre de La Sorcière... :(

Malgré un excellent démarrage porté par une plume brillante (fluide et riche voire ampoulé parfois mais Merrit était journaliste AVANT d'être écrivain) ainsi qu'une influence incontestablement Lovecraftienne aevc le fameux Kraken, impossible pour moi d'y trouver un quelconque intérêt. J'ai l'impression qu'il faut le lire avec les yeux et l'esprit d'un lecteur des années 30 pour apprécier..
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