[Cycle] Havrefer / Richard Ford

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Albéric
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[Cycle] Havrefer / Richard Ford

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Havrefer tome 1 : Le Héraut de la tempête
Capitale portuaire des États libres, Havrefer était jadis un symbole de puissance. Mais le roi est parti en guerre et la ville pourrit de l’intérieur. Profitant de la fragilité du pouvoir, le seigneur de guerre Amon Tugha approche. Son héraut s’est infiltré dans la cité pour recruter une pègre redoutable, tandis qu’un mystérieux sorcier terrorise la population en commettant d’atroces sacrifices.
Alors que l’ombre du chaos se profile, un groupe inattendu se forme : un mercenaire, une jeune mendiante, un apprenti magicien, une princesse et un assassin vont s’allier ou s’affronter au sein des murs de la cité... sans savoir encore que chacun d’eux a un rôle-clé à jouer dans le destin de Havrefer, qui s’annonce sanglant.

En refermant le tome 1 d'Havrefer, un constat s’impose : voilà un bon roman fantasy supplémentaire à se retrouver en librairie. J'ai été très agréablement surpris de ma lecture, car au vu des diatribes habituelles des prescripteurs d'opinion ayant pignon sur rue on pouvait s'attendre à de la mauvaise fantasy à crapules, et au final je me suis retrouvé face à la mise en place d'un chouette cycle de fantasy néoclassique marchant à la fois dans les pas de GRR Martin et dans ceux de David Gemmell.
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Les auteurs de fantasy néoclassique, dont à mon sens l'américain Brent Weeks est actuellement l'auteur le plus représentatif, n'ont jamais eu pour ambition de révolutionner un genre dont les codes et les archétypes ont toujours très bien marché depuis l'aube de l'humanité. Pour éviter que leur genre de prédilection ne s'enlise dans l'ornière des tolkieneries commerciales ou dans celle du « réalisme magique », ils ont juste voulu revitaliser les classiques de la sword & sorcery avec des techniques d'écritures plus modernes empruntant aux 8e et du 9e arts. Du coup, on se retrouve face à des romans-feuilletons modernes qui se prêteraient merveilleusement bien à des adaptations télé ou ciné !



Havrefer c'est peut-être Légende raconté par l'auteur du Trône de fer, ou Le Trône de fer raconté par l'auteur de Légende (une association que j'ai longtemps jugée impossible, homme de peu de foi que j'étais puisque qu’après l’arrivée de Joe Abercormbie par la grande porte voici qu’arrive par la petite porte Richard Ford !). GRR Martin comme David Gemmell nous racontaient leurs récits à travers une galaxie de POVs plus ou moins éloignés du cœur des événements. Mais GRR Martin raconte ses histoires d'action vues par les intrigues d'en haut, façon soap nobiliaire, avec une multitude de personnages qui expliquent que rien ne doit changer, alors que David Gemmell racontait ses histoires d'intrigues par les actions d'en-bas, façon roman populaire, avec une multitude de personnages qui expliquaient que tout devait changer... Richard Ford pioche chez l'un et chez l'autre mais il n'est pas difficile de deviner à qui vont ses sympathies : ici, dans une Havrefer qui se situe quelque part entre la Laelith de Casus Belli et le Paris des Misérables, nous serons aux côtés de paumés de la vie, abandonnés par l'aristocratie occupée par ses games of thrones, trahis par la ploutocratie occupée à l'adoration du Veau d'Or, qui comme d'habitude seront livrés à eux-mêmes face aux désastres provoqués par ceux qui devaient les protéger...


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Le récit est donc divisé en nombreux POVs qui nous racontent sans le montrer le conflit qui oppose Cael Mastragall, l'Unificateur des États libres (le traditionnel souverain à la main de fer dans un gant de velours), à Amon Tugha, l'immortel banni des Terres Fluviales devenu le Seigneur de la Guerre des barbares khurtas (le traditionnel mago psycho qui se croit au-dessus des autres et qui enrage de ne pas avoir été reconnu à sa juste valeur). C'est un peu comme si on nous racontait les horreurs du front au prisme des peurs de l'arrière, car nous prenons connaissances des événements avec les personnages au fur et à mesure que les vagues de réfugiés arrivent en ville... C'est bien vu et c'est bien fichu ! Une fois qu'on a digéré la profusion de personnages et qu'on a compris le projet de l'auteur, on entre dans une ambiance douce-amère à la David Gemmell, c'est-à-dire sombre mais pas désespérée, injuste mais pas cruelle : c'est toute la différence entre la fantasy néoclassique qui explique qu'au fond de la Boîte de Pandore il y a toujours l'Espoir, et la fantasy grimm & gritty qui explique que le monde est pourri et qu'il faut devenir pourri à son tour pour en profiter un maximum. Nous vivons ainsi les heurs et les malheurs d'une princesse rebelle qui retarde l'échéance de son mariage en attendant le retour victorieux de son père, d'un jeune maître assassin en pleine crise existentielle (remember L'Assassin royal de Robin Hobb ^^), d'un mercenaire blasé obligé de renouer avec son passé après la mort tragique de son fils (remember les anti-héros de David Gemmell ^^), d'une jeune mendiante qui espère échapper à la misère en faisant carrière dans la Guilde (ouais, c'est Cosette version fantasy ! ^^), d'un prêtresse guerrière trop idéaliste pour ne pas encourir la jalousie et le courroux de ses paires (ah ça oui les Bouclières de Vorena ressemblent peu ou prou aux chevalières dragons d'ANGE, mais remember quand même Faranghis des Chroniques d'Arslan ^^), d'un nobliau ruiné qui d'arnaques en arnaques n'est plus qu'un beau parleur looser aux faux airs du Futé de L'Agence Tous Risques, d'un apprenti magicien accompagnant sa maîtresse dans sa traque d'un sorcier serial killer maîtrisant les arts obscurs...

Entre le prologue et l’épilogue qui font la part belle aux vilains et aux super-vilains, dans la métropole portuaire d'Havrefer les personnages se croisent et s'entrecroisent directement ou indirectement, toujours sous la menace de l'épée de Damoclès que constitue l'invasion khurta, et les tranches de vie des uns et des autres sont les pièces du puzzle qui permettent de reconstituer l'intrigue générale qui se met en place au fur et à mesure de l'avancée du récit (un peu à la manière de La Cité de Stella Gemmell soit dit en passant). Il y a un arrière-fond policier avec les larcins de Loque, les arnaques de Merrick, les enquêtes de Gelredida la Sorcière Rouge et celle de Kaira la Bouclière de Vorena, ainsi que les patrouilles de Nobul, mais on n'est pas vraiment dans le polar fantasy à la sauce grimdark genre Le Baiser du Rasoir de Daniel Polansky. Car on suit les magouilles de la voyoucratie d'en-haut incarnée par Goldman Sachs, euh pardon la Ligue des banquiers, et les magouilles de la voyoucratie d'en-bas incarnée par la Guilde, d'aussi loin qu'on suit les games of thrones stupides de l'aristocratie ou les manœuvres militaires de envahisseur (l'ennemi intérieur et l'ennemi extérieur, car c'est bien de cela dont il s'agit, sont tout aussi redoutables et sournois l'un que l'autre). Alors oui cela manque un peu de peps et de suspens puisqu'on est dans les parti pris des tranches de vie, mais au final le véritable fil rouge du roman reste celui des choix auxquels sont confrontés les personnages qui las d'être les spectateurs de la grande marche du monde veulent en devenir des acteurs à part entière :

Loque sera-t-elle proie ou prédateur ?
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Nobul Jacks sera-t-il salaud ou héros ?
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Janessa fuira-t-elle ou s'assumera-t-elle ?
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Merrick Ryder sera-t-il un loup ou un berger ?
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Waylian Grimm sera-t-il un couard ou un brave ?
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Kaira Feuillevent défendra-t-elle une carrière ou une cause ?
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Rivière restera-t-il un être humain ou deviendra-t-il une machine à tuer ?
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Les good guys deviendront-ils mauvais ? Les bad guy deviendront-ils bons ?...

Personnages, situations et localisations multiplient les clins d’œil et/ou références aux classiques de la sword & sorcery (Amon Tugha = Thot Amon ? remember la Némésis de Conan, le barbare de Cimmérie !), et l'auteur se fait plaisir avec des détournements de Westeros, de Drenaï ou de Poudlard... Mais c'est toujours un crime de lèse-majesté de ne pas fournir de carte aux lecteurs pour se retrouver dans les lieux proches ou lointaines, de la même manière que c'est contre-productif de ne pas fournir de dramatis personae quand évoluent autant de personnages... (Messieurs les auteurs/éditeurs, faites un peu mieux votre travail SVP)
Piocher dans les archétypes n'a jamais été un problème en fantasy, mais j'avoue que j'ai vraiment eu très peur quand à mi-chemin l'auteur s'est mis à broder sur la romance entre la princesse rebelle et le jeune maître assassin. Quand des archétypes ont été aussi usités, et par des œuvres aussi connues en plus, mieux aurait peut-être valu s'abstenir... Mais, ouf l'auteur ne tombe pas dans les poncifs de la fantasy à l'eau de rose et des héros/héroïnes YA qui ne savent jamais ce qu'ils/elles veulent pour rester fidèle à sa thématique du libre arbitre :
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en croyant s'enfermer dans son rôle de reine, Janessa se libère de son rôle de femme ; en croyant se libérer de l'emprise du Père des Assassin, Rivière ne fait que retomber dans ses filets pour mieux accomplir ses sombres desseins qui pourraient bien amener Havrefer à sa perte...

Richard Ford semble trop malin pour tomber dans le piège de la liste de courses de genres, donc je reste persuadé qu'il a intégré ces figures désormais mainstream pour mieux les mettre au service de son projet !
Évidemment la formule possède ses forces comme ses faiblesses : chacun des personnages principaux aurait pu nourrir un livre à lui tout seul, donc impossible de les développer autant qu'on aurait pu/dû le faire, et ils sont trop nombreux pour laisser de la place tant à la ville d'Havrefer, véritable personnage en soi, qu'aux personnages secondaires (qu'ils vivent ou qu'ils meurent, ils sont essentiellement fonctionnels comme n'importe quel PNJ de JdR). Mais après tout peu importe, nous sommes dans un roman choral et le but est de montrer que le tout est supérieur à la somme des parties (Simon R. Green copyright ^^).
Sur la forme quelques facilités certes ici ou là, mais aussi quelques subtilités agréables. Le style est très fluide donc très plaisante, visiblement bien traduit par Olivier Debernard, l'auteur ayant vraiment trouvé le bon équilibre dans les chapitres, assez courts pour faire tourner les POVs et retrouver rapidement tel ou tel personnage, mais assez long pour se familiariser avec eux, développer une ambiance et raconter quelque chose (c'est d'ailleurs assez amusant que le POV qui soit le plus riche en humour soit aussi celui qui contiennent les scènes les plus dures...).


Nous sommes dans un pur tome d'introduction, mais la mise en place de bonne facture évite bien des écueils de l’exercice de style. J'ai rapidement identifié les ambitions de l'auteur et de la première à la dernière page je n'ai pas pu m’empêcher de penser qu'on était dans la genèse de quelque chose de plus grand et de plus noble : les tribulations de Steven Rogers avant qu'il ne devienne Captain America, ou celle Peter Parker avant qu'il ne devienne Spiderman, ou celles de Logan avant qu'il ne (re)devienne Wolverine... Toutes les sagas doivent bien commencer quelque part, et nous sommes ici dans le commencement de l'une d'entre elle : nous œuvrons donc dans l’héroïsme et pas dans le réalisme... (Pour ceux qui pense que le réalisme doit primer avant tout le reste, voire au détriment de tout le reste, on pourra leur conseiller de chercher leur came dans la littérature générale ^^) Ce tome 1 intitulé Le Héraut de la tempête porte bien son nom (même si le pluriel aurait été tellement plus approprié ^^) : tout peut laisser à penser qu'il s'agit de Massoum le messager d'Amon Tugha, mais chacun des personnages du roman pourrait remplir ce rôle car ils sont ici des héros/vilains en devenir et on voit très bien où l'auteur veut les voir sévir (surtout à la fin, quand plusieurs personnages se retrouvent dans les Manteaux Verts avec l'envie de devenir meilleurs pour rendre le monde meilleur tandis que d’autres s'enfoncent dans les ténèbres...). Ils seront les vents du changement dans le tome 2 intitulé The Shattered Crown et plus encore dans le tome 3 intitulé Lord of Ashes, et comme dans Légende, quels que soient leurs choix, à la dernière heure ils seront tous sur les remparts de Dros Delnoch pour faire face à la Horde Sauvage... Peu contre beaucoup : une des plus vieilles mais aussi une des meilleures histoires du monde ! Le Destin est donc clairement en marche : Justice Forever ou Valar Morghulis ?
[video]https://www.youtube.com/watch?v=t987p0f9y54[/video]

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Oui, je m'enflamme car je vois déjà revenir le légendaire Casque Noir. Oui, avec ses nouveaux compagnons d'armes j'imagine sans peine que de son pays il va devenir le dernier espoir et que des envahisseurs il va devenir le pire cauchemar... Mais aux pieds des murailles d'Havrefer ira-t-il avec le champion léonin Régulus Gor rejouer le duel d'Achille et d’Hector ? Que j'ai hâte : vite, la suite de cette trilogie !!!

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Vous avez hâte que Danaerys fasse la conquête du trône du fer mais vous en avez marre d'attendre que GRR Martin achève sa saga fleuve ? C'est peut-être le cycle fantasy qu'il vous faut... blink
Et dire que Bragelonne continue sa route en sortant des trucs considérés comme bien-bien par beaucoup de gens, tandis que d'autres éditeurs se plaignent d'un marché trop moribond pour eux et leurs machins... mdr
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Re: [Cycle] Havrefer / Richard Ford

Message non lu par Fabien Lyraud »

Et dire que Bragelonne continue sa route en sortant des trucs considérés comme bien-bien par beaucoup de gens, tandis que d'autres éditeurs se plaignent d'un marché trop moribond pour eux et leurs machins... mdr
Comme souvent ta critique fait envie.
F'est vrai que Bragelonne est un éditeur schizophrène, ce qui est normal quand on a deux têtes. On arrive sans peine à distinguer les choix de Stéphane Marsan qui font souvent mouche, avec une fantasy bien tournée ver l'humanisme. Et ceux d'Alain Névant qui font plus la part belle au succès commercial et à la volonté d'un certain court termisme à coup de bombes marketing reposant souvent sur du sable.
c'est toute la différence entre la fantasy néoclassique qui explique qu'au fond de la Boîte de Pandore il y a toujours l'Espoir, et la fantasy grimm & gritty qui explique que le monde est pourri et qu'il faut devenir pourri à son tour pour en profiter un maximum.
J'expliquais récemment dans un article pour ma rubrique d'Amazing Stories que le Grimm and Gritty c'était finalement le pendant littéraire du "There is no alternative". Les conservateurs ont gagné et pour les vaincre il faut être plus pourri qu'eux. Un monde où l'on a le choix qu'entre le néolibéralisme des ploutocrates et le terrorisme des extrême qui veulent faire plonger le monde dans la violence pour mieux le contrôler. Noir c'est noir, et l'on a sort plus. Personnellement je ne peux plus. C'est comme la dystopie. Je veux qu'on me parle d'espoir par de résignation.
Albéric
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Re: [Cycle] Havrefer / Richard Ford

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Fabien Lyraud a écrit :
c'est toute la différence entre la fantasy néoclassique qui explique qu'au fond de la Boîte de Pandore il y a toujours l'Espoir, et la fantasy grimm & gritty qui explique que le monde est pourri et qu'il faut devenir pourri à son tour pour en profiter un maximum.
J'expliquais récemment dans un article pour ma rubrique d'Amazing Stories que le Grimm and Gritty c'était finalement le pendant littéraire du "There is no alternative". Les conservateurs ont gagné et pour les vaincre il faut être plus pourri qu'eux. Un monde où l'on a le choix qu'entre le néolibéralisme des ploutocrates et le terrorisme des extrême qui veulent faire plonger le monde dans la violence pour mieux le contrôler. Noir c'est noir, et l'on a sort plus. Personnellement je ne peux plus. C'est comme la dystopie. Je veux qu'on me parle d'espoir par de résignation.
Pareil, marre de la fatalité de la pourriture ! :pendu:
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Albéric
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Re: [Cycle] Havrefer / Richard Ford

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Résumé du tome 2 :
À Havrefer, il est temps que les héros entrent en scène... Le roi Cael est mort et sa fille Janessa, seule et sans expérience, porte désormais la couronne de fer. Or la menace se profile : menée par le seigneur de guerre Amon Tugha, une formidable horde se rapproche en ne laissant que mort et destruction dans son sillage. Son objectif : raser Havrefer. Pour survivre, la cité doit se débarrasser des ennemis tapis en son sein. Mais le coût de la victoire ne serait-il pas plus terrible qu'une défaite ?

C’était une forte intuition, c’est maintenant une véritable certitude : avec Havrefer l’auteur anglais Richard Ford écrit un Légende de 1500 pages à la sauce Game of Thrones… Les easy readers devraient passer un bon moment avec ce cycle !


Après la défaite et la mort du roi Cael Mastragall, il ne reste aux Cités Libres qu’une dizaine de jours avant que la horde sauvage du mago psycho Amon Thugha ne déferle sur leur capitale. La menace n’a pas encore atteint l’horizon mais la peur est de plus en plus palpable (ce n’est plus les réfugiés qui arrivent en masse, mais les troupes en déroute), et c’est dans une ambiance de fin du monde que se débattent tous les personnages.
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Nobul Jacks retrouve la beauté de la sauvagerie ; Regulus Gor découvre la laideur de la civilisation.
La courageuse Kaira Feuillevent se découvre une cause ; Le lâche Waylian Grimm se découvre un destin.
Le cynique Merrik Ryder est confronté au retour du père qu’il a abandonné, et malgré ses sarcasmes après avoir été Lannister il a fortement envie de devenir Stark… ^^
La princesse rebelle doit affronter seule ses responsabilités de reine alors qu’elle prend conscience que c’est seule également qu’elle va bientôt devoir affronter ses responsabilités de mère…
Loque qui pensait se mettre à l’abri du besoin en intégrant la pègre comprends rapidement qu’elle n’est pas à sa place dans ce monde de pervers narcissiques qui se complaisent à écraser les autres, alors même que si elle monte en grade c’est bizarrement parce qu’elle est la seule à penser aux autres et à avoir le sens de la responsabilité de ses subordonnés… (Arya Stark, prend des notes car cela te sera utile dans les prochains tomes du Trône de Fer ^^)
Rivière est presque absent de se livre puisqu’envoyé en mission dans le Sud, pion du Père des Assassin qui le manipule à sa guise, lui-même pion d’Amon Tugha qui le manipule à sa guise… Mais quand il découvre à la toute fin du roman qu’il a été trahi et qu’on s’en ait pris à l’amour de sa vie, il bascule dans l’autre camp en mode search & destroy : ça va chier des bulles pour les homines crevarices !
Du coup son POV est remplacé par celui de l’homme-lion Regulus Gor, obligé de s’exiler de son pays avec ses amis pour sauver leurs propres vies. C’est tout naturellement qu’il se réfugie chez ceux qui ont délivré leur peuple de l’esclavage, Mais ils vont devoir subir le parcours du combattant et le chemin de croix de tout émigré, et ils vont voler de désillusions en désillusions au fur et à mesure du mauvais accueil qu’ils reçoivent d’un Occident plus arrogant que jamais bien que pourtant au bord du gouffre… (Une allégorie d’un problème universel certes, mais aussi tragiquement actuel : gageons que les critiques autorisés passeront comme d’habitude à côté…)
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Nous sommes donc dans le roman choral avec les qualités et les défauts de la formule. Alors oui, il faut attendre plusieurs dizaines de pages pour retrouver tel ou tel personnages laissé en mauvaise posture. Mais je n’ai jamais ressenti d’impression d’éclatement ou de délayent comme dans l’œuvre phare de G.R.R. Martin, car il y a unité de lieu puisque tout ou presque se déroule dans la capitale d’Havrefer mais en en plus l’auteur ne ménage pas ses efforts pour ses personnages se croisent ou s’entrecroisent quand ils ne se retrouvent pas (d’ailleurs cela donne une belle fluidité au roman, avec des transitions très cinématographiques : on sentirai presque les changements de caméras ^^).
Ce qui m’étonne c’est le côté page-turner de l’ensemble pour un premier cycle car j’ai avalé les 450 pages en une seule soirée, ce qui ne m’était pas arrivé depuis des lustres (après recherche l’auteur a déjà un peu roulé sa bosse dans le monde des novellisations franchisées). L’ensemble est forcément un peu haché mais les chapitres  de 8/10 pages sont bien dosés, car même courts ils racontent tous quelque chose, avec un début, un milieu et une fin ce qui nous évite l’horrible tirage à la ligne de la fantasy américaine. Alors oui on aurait pu approfondir l’univers, l’histoire et les personnages mais si c’est pour se farcir un cycle de 10000 pages inachevé pour cause de décès de l’auteur, non merci !
Et qu’est-ce qu’on nous raconte finalement ? Le parrain Friedrick veut faire la peau à ses vieux amis Nobul Jacks et Merric Ryder, Kaira Feuillevent essaie de remettre ce dernier sur le droit chemin en intégrant avec les Manteaux Verts puis la Garde Royale, Garde Royale qui a fort à faire avec les tentatives de meurtres organisées par l’envoyé du Grand Capital (dans une super scène d’action où un sorcier et quatre assassins shaolins sème la chaos et la destruction avec de se faire latter la gueule) et celui de la Bête Immonde (dans une super scène d’horreur où l’exécution des guerriers-lions zataniens tournent à la boucherie et où c’est les condamnés qui sauvent la mise à leurs bourreaux).
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Pendant ce temps après avoir ramené les chevaliers d’élite de la Garde de Vouivre, Waylian occupe est à la première places des intrigues de Gelrida pour déjouer les complotes des traîtres de la guilde des magiciens (c’était d’ailleurs assez malin de voir tout ça par le bout de la lorgnette pour respecter l’équilibre des POVs, le personnage ne comprenant pas grand choses des intrigues dans lequel il est pris en tenailles mais l’auteur semant tous les indices nécessaires pour que lecteurs comprennent les tenants et les aboutissants desdits complots).
Mais comme dans le tome 1, le fil rouge reste celui du libre-arbitre, des choix que l’on réalise, les responsabilités qu’on choisit d’endosser et les causes qu’on choisit de défendre. Chaque personnage est soumis à la tentation (du pessimisme, du renoncement, de la facilité, de l’égoïsme, de l’argent-roi), et chaque personnage doit subir son épreuve du feu…
Nous avons tous quelque chose à prouver, chaque jour de notre vie. Le plus dur, c’est de choisir envers qui ou quoi nous devons le faire.
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Après l’exposition et la transition, que nous prépare le tome 3 de conclusion ? Jusqu’à présent l’hécatombe ne concernait que les personnages secondaires mais maintenant elle va également frapper les personnages principaux… C’est donc 4 jours de combats interrompus qui attendent les lecteurs, où tous vont se retrouver sur les remparts d’Havrefer pour lutter aux côté de son peuple de toutes leurs forces contre la Bête Immonde envoyée par le Grand Capital : s’unir ou périr, la victoire ou la mort !!!
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Et pour ne rien gâcher, on a eu droit a pas mal de foreshawing en vue de la dernière bataille : les pouvoirs cachés de l’un, la noble ascendance ignorée de l’autre, le retour du héros légendaire Casque Noir (oui, je te vois Druss ^^) et cette épée noire runique buveuse d’âme qui traîne dans un coin (oui, je te vois Stormbringer ! ^^)
J’avais anticipé un duel à la Achille et Hector entre Casque Noir et Regulus Gor. Oui mais non, le Rambo médiéval fantastique et le Hercule black combattront finalement côte à côte.
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PS1 : Michael Moorcock, China Miéville, Joe Abercrombie, Dan Abnett, David Gemmell, Simon R. Green, Jon Courtenay Grimwood, Brian Ruckley, Neal Asher, Mark Lawrence, John Gwynne, Richard Ford, etc. : si quelqu’un en doutait encore, dans la lutte des classes la SFFF a clairement choisi son camp outre-manche !

PS2 : je m'abstiens pour ne pas imposer de bouffées de haine à Cymoril, mais je n'en pense pas moins hein... (suivez mon regard)
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Re: [Cycle] Havrefer / Richard Ford

Message non lu par Cymoril »

Albéric a écrit :PS2 : je m'abstiens pour ne pas imposer de bouffées de haine à Cymoril, mais je n'en pense pas moins hein... (suivez mon regard)
C'est gentil. ;)
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Re: [Cycle] Havrefer / Richard Ford

Message non lu par Albéric »

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Résumé du tome 3 :
Combattre jusqu’à la mort ou se soumettre à l’ennemi ! La reine de Havrefer est parvenue à affirmer son pouvoir. Brandissant l’épée de son père, elle incarne dorénavant la résistance de la cité contre la terrifiante menace du seigneur de guerre Amon Tugha et de son armée. La bataille sans merci qui est sur le point de s’engager va décider du destin des Etats Libres. Mais alors que l’enfer de la guerre déferle sur les murailles, personne n’est à l’abri des trahisons et de la magie noire qui se préparent à frapper depuis le cœur même de la cité !

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On y est : plus de 300 pages de sueur, de sang et de larmes… Richard Ford s’inspire du siège de Minas Tirith conté par JRR Tolkien et du siège de Dros Delnoch conté par David Gemmell (ceux qui connaissent leurs classiques vont bien s’amuser à repérer les hommages à l’un et à l’autre) pour nous raconter l’une des plus vieille et des meilleurs histoires du monde : celle de peu contre beaucoup, celle où il faut s’unir ou périr avec au bout la victoire ou la mort !
Les défenseurs d’Havrefer meurent en masse pour acquérir de haute de lutte un espoir de victoire, mais les exploits héroïques, les ultimes sacrifices et les pactes faustiens ne font que reporter l’échéance tandis que les homines crevarices continuent de comploter dans l’ombre le meilleur moment pour trahir et la meilleure place à obtenir dans l’ordre nouveau appelé de leurs vœux.
On se doute dès les premiers chapitres que cela ne va pas bien finir, voire pas bien finir du tout… Mais hypnotisé on tourne les pages de plus en plus rapidement car comme les personnages qui luttent sur les remparts puis dans les rues de la capitales des Etats libre on s’accroche au mince espoir d’un retournement de situation salvateur...
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Au final, donc achtung SPOILERS, la Bête Immonde semble vaincue, mais un mago psycho en remplace un autre tandis que les crevards établissent leur nouvel ordre mondial avec la bénédiction du Grand Capital qui applaudit des deux mains et que des cendres d’un pays en ruine nait un radicalisme religieux qui entend purifier le monde en faisant table rase du passé pour établir un avenir glorieux (toute correspondance avec la réalité n’est malheureusement pas fortuite du tout)… Bref, on est plus près de GRR Martin et de Joe Abercrombie que de JRR Tokien et de David Gemmell (encore que, si on creuse bien… SPOILERS). Donc difficile dans ces conditions d’identifier le Seigneur des cendres annoncé par le titre de ce tome 3 tellement ils sont nombreux, et les rares survivants abandonnent une cause désormais perdue car les Etats Libre auront bien besoin de tous héros disponibles pour affronter l’avenir…

Au delà du « to be continued » qu’on sent très fortement tellement les différents POVs se terminent en points de suspension, cette triste fin est aussi un nouveau commencement :
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- parce qu’elle a survécu à tout et qu’elle a cherché à aider les autres ou lieu de les exploiter ou de les écraser, Loque se retrouve à la tête de la pègre… Et si le Nouvel Espoir venait d’en bas ? ^^ (il faut que tu prennes des notes Arya Stark ^^)
- Regulus Gor le sauvage qui voulait croire en la civilisation se lance à la rescousse de Casque Noir le civilisé qui voulait croire en la sauvagerie, le premier désormais seul voulant sauver le deuxième désormais seul et prisonnier dans les steppes du nord pour servir d’esclave gladiateur (remember Conan !)
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- Merrick le mirlifore devient définitivement Merrick le chevalier sans peur et sans reproche qui prend la tête d’un ordre guerrier sans avoir levé le voile sur le foreshadowing dont il a été l’objet
- Khaira dégoûtée par la guerre civile qui a frappé son ordre et anéantie par les actes de trahison commis par le camp des vainqueurs (remember La Geste des chevaliers dragons) s’en va servir la cause de la justice sous d’autres cieux
- Waylian Grimm, alias Harry Potter / MacGuyver / Gandalf a trouvé sa Némésis avec Rembram Thule, alias Voldemort / Murdoch / Sauron et l’affrontement s’annonce long et sanglant !
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A noter que l’auteur qu’à l’image du tome 2, l’auteur a introduit dans ce tome 3 un nouveau POV, en l’occurrence celui d’Endellion la guerrière  immortelle au service d’Amon Tugha, amoureuse d’Azreal, l’assassin immortel au service du même d’Amon Tugha… Cela nous permet de suivre les événements du pont de vue des méchants, mais l’artiste martial aux allures d’onna-bugeisha / samouraï-ko est également en pleine crise existentielle et va être confronté aux conflits de loyauté et aux choix que l’on doit assumer…. Du début à la fin les thèmes du libre arbitre et de la lutte des classes auront été les fils directeurs de la saga !

Après je suis partagé entre le plaisir de l’easy reader qui n’a pas été loin de le lire d’une traite et la réserve l’hardcore reader qui ne peut s’empêcher que la série souffre de ses péchés originels, à savoir :
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- trop de POVs, ce qui hache le récit ici sans doute plus que nécessaire car le tome 3 avec 100 pages de moins fait alterner des chapitres de 5-6 pages… J’ai vraiment trouvé quelques rebondissements superfétatoires (nouvelle tentative d’assassinat sur Janessa, arrivant à gros sabots celle-là)… J’ai trouvé quelques passages étonnamment basiquement écrit : est-ce que c’est fait exprès pour montrer que les personnages sont au bout du rouleau ou est que c’est une panne d’inspiration je ne saurais dire… J’ai un peu peur que l’auteur qui reste un débutant dans son domaine a eu les yeux plus gros que le ventre et que face à la deadline de la sortie du tome 3 n’ait pas eu le temps et/ou l’expérience nécessaires pour fignoler l’ensemble.
- des POVs inégaux car si l’auteur pioche dans les archétypes avec bonheur, j’avoue que celui de la princesse rebelle, ici en mode dépressive, et celui de l’assassin caliméro, ici en mode kamikaze, ne m’ont pas trop parlé parce que trop usités. J’ai trouvé que les POVs de Loque et Khaira sont un peu les parents pauvres de ce tome 3, et auraient mérité mieux (la révolte des enfants laissés pour compte, c’était une très bonne idée). Pour Nobul Jacks, Merrick Ryder et Regulus Gor c’est par contre la fête car les guerriers blasés sont ici à leur aise… Il est à noté que tous les personnages entrent dans ce tome 3 dans la double pensée : ce qu’ils disent et ce qu’ils pensent divergent de plus en plus, et on ne sait plus s’ils se mentent à aux autres ou à eux-mêmes et c’est au bord de la schizophrénie qu’ils doivent aller au bout de leurs résolutions et rencontrer leur triste destin…


Mais Richard Ford nous offre un premier cycle très généreux pour tous les publics amateurs de Fantasy. Il remplit parfaitement son office, et s’il ne tient pas toutes ses promesses, c’est parce que l’auteur nous réserve des surprises pour les suites que je vais attendre avec impatience… (tandis que j’attendrai de pied ferme... autocensuré pour ne pas imposer de bouffées de haine à Cymoril, mais suivez mon regard)
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Cymoril
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Re: [Cycle] Havrefer / Richard Ford

Message non lu par Cymoril »

Albéric a écrit : (tandis que j’attendrai de pied ferme... autocensuré pour ne pas imposer de bouffées de haine à Cymoril, mais suivez mon regard)
Tu sais, Albéric, à partir du moment où tu ne réponds pas à une question innocente de ma part par une diatribe agacée qui n'a rien à voir, il y a peu de chances que ça me fasse hausser un sourcil. :wink:
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Re: [Cycle] Havrefer / Richard Ford

Message non lu par Fabien Lyraud »

Au delà du « to be continued » qu’on sent très fortement tellement les différents POVs se terminent en points de suspension
Mais malheureusement Richard Ford est parti sur autre chose. Donc il faudra attendre.

Sinon ce cycle est pas mal du tout. Mais je trouve le troisième tome un peu faible. On sent que l'auteur avait du mal à savoir quelle direction prendre par moment. Et il a privilégié le siège de la ville et les combats aux intrigues urbaines en parallèle qui sont expédiées un peu vite.

Il y a aussi quelques effets téléphonés :
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On comprend que Bram n'est pas net dans le premier et on le soupçonne vite d'être le tueur. Dans le second on sent bien qu'il y a quelque chose de pas net avec Rogan lorsqu'il veut se débarasser des Zatanniens et lorsque l'on apprend sa trahison à la fin du 3 on n'est pas surpris.
Trop de deus ex machina, aussi.

Mais n'empêche que j'ai aimé le parcours de Merrick de parfait salaud à héros, celui de Nobul ( et la surprise que nous réserve l'auteur avec ce personnage), de Regulus et de son courage, de Waylian qui de trouillard va devenir sûr de lui. Un peu moins celui de Loque qui je trouve fait de la régression par moment en refusant les mains tendues.
Un cycle loin d'être parfait mais qui atteint son but.
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Re: [Cycle] Havrefer / Richard Ford

Message non lu par Albéric »

Fabien Lyraud a écrit : 12 nov. 2019, 17:59Un cycle loin d'être parfait mais qui atteint son but.
Ouais. Mais je pense qu'il y avait un problème dès le départ : trop de POV's, et inégaux entre eux en plus. Il y a beaucoup trop de choses à montrer en trop peu de pages, et même si les personnages se croisent beaucoup dans l'unité de lieu, il faut forcément faire des choix et l'équilibre s'en ressent.
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Re: [Cycle] Havrefer / Richard Ford

Message non lu par Fabien Lyraud »

Albéric a écrit : 13 nov. 2019, 11:45
Fabien Lyraud a écrit : 12 nov. 2019, 17:59Un cycle loin d'être parfait mais qui atteint son but.
Ouais. Mais je pense qu'il y avait un problème dès le départ : trop de POV's, et inégaux entre eux en plus. Il y a beaucoup trop de choses à montrer en trop peu de pages, et même si les personnages se croisent beaucoup dans l'unité de lieu, il faut forcément faire des choix et l'équilibre s'en ressent.
Le personnage de Rivière a été largement sacrifié. Dommage, je trouvais son POV intéressant.
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