[Cycle] Les Seigneurs des Tempêtes / Kai Meyer

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Albéric
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[Cycle] Les Seigneurs des Tempêtes / Kai Meyer

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Résumé du tome 1 : Le Pays des djinns
À sa naissance déjà, son père l’emmenait voler sur son tapis.
Tarik al-Jamal était le prince des contrebandiers entre Samarkand et Bagdad. Qui maîtrisait mieux que lui l’art du tapis volant ? Mais le jour vint où il perdit son grand amour Maryam dans le pays des djinns, le désert aux mille dangers entre les deux cités.
Depuis ce jour, amer et résigné, Tarik n’a plus franchi les murs de Samarkand. Il gagne sa vie en participant à des courses de tapis illégales. Et voici que Junis, son frère cadet, a décidé de conduire la mystérieuse Sabatea jusqu’à Bagdad.
Tarik craint pour leur vie. Contraint d’affronter les spectres de son passé pour venir à leur secours, il se lance dans une course poursuite mortelle à travers le désert, une odyssée en tapis volant au coeur de la guerre qui oppose les djinns et les hommes du désert...

Intéressant mais pas concluant, bref pas entièrement convaincant.

C’est la critique presse d’Elbakin.net qui m’avait décidé à découvrir ce titre, et franchement le côté « rafraîchissant » dont le site de la fantasy au quotidien fait mention, difficile de le voir dans l’ambiance post-apocalyptique, l’allégorie de la Shoah, le bestiaire patibulaire et le côté horreur plus ou moins prononcé selon les passages (genre les Dévoreuses de souvenirs). Non que je sois hostile au truc hein, car bien au contraire depuis le supplément rôlistique GURPS Arabian Nights, je milite pour une Fantasy orientalisante d’inspiration gothique. Mais là j’aurais préféré être prévenu, au lieu d’être carrément induit en erreur…
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Kai Meyer nous fait entrer dans son nouvel univers par une course illégale de tapis volant dans les rues de Samarkand, inspirée de la course de modules de George Lucas dans le 1er épisode de Star Wars. C’était bien vu d’introduire ainsi les 3 personnages que nous allons suivre durant toute sa trilogie : les frères Tarik et Junis (remember les frères Winchester de la série télé Supernatural), et la mystérieuse mais troublante Sabatea.
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Ensuite au fur et mesure que s’organise le go-fast vers Bagdad, qui va emmener le récit vers un certaine forme de road movie, on découvre un univers d’inspiration post-apocalyptique.
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Il y a des décennies, la Magie Sauvage a fait son apparition et les djinns on chassé les hommes du Khorasan. Les démons ont pris le pouvoir dans le Karakoum et les hommes se sont réfugié derrière l’immense muraille qu’ils ont nommé l’Ancien Bastion, jusqu’au jour ou les armées de Samarkand se sont portées au secours de leurs alliés de Boukhara… Ils ne revinrent jamais…
Depuis l’émir Kharaman gouverne d’une main de fer une population privée de tout avenir et de tout espoir, et qui a abandonné les préceptes d’Allah et de Mohammed pour revenir aux religions préislamiques. Samarkand est devenue une prison à ciel ouvert temporairement protégée de la furie des djinns car située au pied de l’Hindu Kush (les créatures aiment la chaleur du désert, et évite la fraîcheur des montagnes), uniquement ravitaillée par les de plus en plus rares caravanes en provenance de la lointaine Cathay…


Tarik et Junis, fils d’un célèbre contrebandier désormais décédé, sont manipulés par une femme fatale qui souhaite rejoindre coûte que coûte la grande Bagdad, centre de la résistance à l’invasion des djinns et à l’irruption de la Magie Sauvage. Il s’initie un triangle amoureux entre Tarik, Junis et Sabatea, qui se calque sur celle entre naguère nouée entre les deux frères et la belle Maryam, présumée morte après avoir été enlevée dans le Karakoum par un inconnu surnommé le Fou aux Cicatrices…
Les partis pris de Kai Meyer rappelle ceux du cycle Renégats de Miles Cameron (l’opposition entre Magie Sauvage et civilisation humaine, proscription de la magie et des magiciens) et peut-être plus encore Le Cycle des démons de Peter V. Brett (lutte entre derniers démons et derniers bastons de la civilisation dans une ambiance résolument post-apo). Mais c’est surtout un revival Prince of Persia, puisque Tarik et Sabatea fuyant les djinns dans les vastes espaces du Khorasan, c’est un peu beaucoup le Prince de Perse et Farah fuyant les créatures des sables dans les vastes structures de la saga vidéoludique.
L’ambiance est bien souvent intimiste puisque essentiellement centrée sur les pensées et les souvenirs de Tarik. La manière dont on glisse du présent, avec le voyage de Junis et Sabatea, au passé, avec le voyage de Tarik et Maryam, n’est pas très éloigné de certaines expériences littéraires de Laurent Kloetzer. Ambitieux mais assez onirique (pour ne pas dire nébuleux si j’étais mauvaise langue ^^)… Autant vous que j’ai bien aimé tout ce qui a été proposé par la 1ère moitié du roman
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Las, passée la scène de l’oasis aux cactus, mon enthousiasme s’est un peu éteint :
D’abord parce que ladite scène était un peu WTF…
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- les voyageurs se retrouvent piégés parce qu’ils se sont laver et qu’ils risquent de mouilleur leurs tapis volants…
- on précise bien que nul être ne pourrait se cacher parmi les cactus, mais on en fait surgir un troupeau de chevaux d’ivoire… Mouais
- on introduit le Mage des Chaînes qui sort un peu de nulle part et qui ne sert à grand-chose… Mouais

Ensuite parce l’auteur transgresse les règles qu’il a lui–même édictées.
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- on nous précise qu’en 52 ans les djinns n’ont jamais communiqué avec les humains, et le premier djinn qui nous est présenté est le Prince Amaryllis, qui ne cesse de jacter à propos des théories de l’évolution dans un jargon mi cryptique prophétique
- les djinns sont censés ne jamais faire de prisonniers, et les premiers djinns qui interviennent dans le récit escortent un immense convoi de captifs en route vers les villes suspendues des Rokhs du Kopet-Dag...
Ces enclos remplis de bétail humain, qui ressemblent furieusement à des camps de concentration, et ces des sources chaudes sulfureuses dans lesquels on le jette en holocauste, qui ressemblent furieusement çà des fours crématoires, sont une allégorie pas très finaude de la Shoah… qui ne sert pas spécialement et le récit, d’autant plus qu’on explique aucunes le pourquoi les djinns agissent comme ils le font…
- il n’est plus censé âme qui vive, humaine ou animal, sui vive entre Bagdad et Samarkand, et on nous explique que subsistent et survivent depuis des décennies de nombreux groupes de montagnard, de nomades ou magiciens… Dont les fameux Seigneurs des tempêtes qui donnent le nom au cycle par en étant le fer de lance de la résistance à la domination des djinns ! Leur intervention dans le goulag souterrain est spectaculaire, mais privée d’interaction avec les personnages principaux, car l’auteur fait planer le mystère sur leur identité, leur origine et leurs mobiles (pour mieux préserver ses effets de surprises pour la suite de son cycle)

Et puis, je n’ai pas vraiment adhéré au design des djinns, qui ressemblent à crustacés cul-de-jatte humanoïdes, se déplaçant par lévitation et se parant de scalps, de peaux et de membres humains…

Le dernier quart est un peu plan-plan voir en roue-libre car on traverse le Moyen-Orient en quelques courts chapitres.
Le récit reprend à l’arrivée en Irak avec les Gardes Faucons menés par l’éclaireur byzantin Almarik, qui amènent Sabatea et Tarik à la capitale du monde dirigée par le calife Haroun el-Rachid.
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C’est l’occasion de la révélation de la véritable identité de Sabatea, qui tombe à plat… Depuis son apparition dans le roman, c’est claire comme de l’eau de roche qu’elle cachait beaucoup de choses, et le whodunit avait été éventé à mi roman par l’apparition et la disparition en une page du personnage de Kaneia la fausse goûteuse.
C’est aussi l’occasion de mieux comprendre la malédiction de l’œil noir (ah le gros clin d’œil à Das Schwarze Auge, l’équivalent allemand de Donjons & Dragons !) : Amaryllis pensait qu’il le voyait le futur avec son œil gauche maudit, Tarik lui comprend qu’il voit un présent alternatif. Cela m’a fait pensé à la malédiction qu’avait infligé l’auteur anglais Michael Moorcock à son héros Corum Jhaelen Irsei qui d’un œil voyait le monde des vivants, et de l’autre le monde des morts…

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Par contre c’est un peu de café de balancer 5 gros cliffhangers dans la dernière page du tome 1 :
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- Tarik en plein délire hallucinatoire est recueilli par la super sentinelle byzantine Almarik
- Junis est vivant, recueilli par les Seigneurs des Tempêtes quoi semble dirigés par… Maryam !
- Sabatea a été envoyé par l’émir pour assassin le calife, mais ce dernier en a été parfaitement informé
Cela fait un surtout gros teasing pour le tome 2, intitulé La Guerre des vœux, qui oblige carrément à lire la suite !


Niveau prose, c’est quand même la première fois que je frotte à l’auteur Kai Meyer, mais plus encore, c’est la première fois que je me frotte aux univers de la fantasy allemande (ce que ne m’a pas empêché de me rappeler à de bons souvenir rôlistiques germaniques : Ah La Fille du calife, ou Les Esclaves d’Al’Anfa…).
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C’était mieux écrit que ce à quoi je m’étais attendu, et le récit a été conçu pour faciliter la lecture : les chapitres sont nombreux, courts et signifiant. On est donc en présence d’un nouveau descendant du roman-feuilleton !
Si on ajoute les partis intéressants (mais peut-être clivants aussi), c’est suffisant pour m’avoir donné envie de poursuivre le cycle, et de m’intéresser aux autres cycles de l’auteur allemand, notamment son cycle fantasy consacré à la Chine (Le Peuple des nuées) et celui d’urban fantasy qui se déroule dans la Sicile mafieuse (Arkadien erwacht).

[video]https://www.youtube.com/watch?v=lJjYIzYFR98[/video]
Modifié en dernier par Albéric le 27 nov. 2016, 18:52, modifié 1 fois.
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Albéric
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Re: [Cycle] Les Seigneurs des Tempêtes / Kai Meyer

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Résumé tome 2 : La Guerre des voeux
Tarik et la troublante Sabatea ont atteint Bagdad, abandonnant Junis dans le désert. Mais Sabatea, dont la mission était d'empoisonner le calife, est retenue au palais, et Tarik n'a de cesse de la délivrer. Réduit à l'impuissance par son imprudence, il se fond dans les obscures ruelles des quartiers mal famés, où il rencontre le Commerçant Muet qui lui confie des informations ultrasecrètes sur le Troisième Voeu, un pouvoir dont les djinns entendent se rendre maîtres pour combattre l'humanité. Tarik se résout à se mettre en quête de ce nouveau mystère. Il y va de la survie de la population de Bagdad et de Sabatea, le grand amour de Tarik, mais aussi du destin de Junis, son frère, qui, aux côtés des Seigneurs des Tempêtes et de Maryam, prépare une attaque désespérée contre les djinns.

Dans ce tome 2, intitulé La Guerre des vœux, on alterne dans la métropole de Bagdad les tribulations de Tarik et Sabatéa qui tournent autour du palais du calife, et dans les grands espaces sauvages les tribulations de Junis et Maryam qui tournent autour de l’armée des djinns (avec une sympathique inversion des rôles puisque le frère aîné se met à parler avec ses poings alors que le frère cadet se met à se battre avec ses mots).
Traques, cavales, infiltrations, exfiltrations, escarmouches et finalement bataille rangée entre les Seigneurs des Tempêtes et les Princes des Djinns sont parsemées de gros clins d’œil à l’oriental fantasy hollywoodienne avec ses génies, ses chevaux d’ivoires, ses assassins de kali et ses voleurs de Bagdad… Longue vie à l’héritage de ce merveilleux magicien qu’était Ray Harryhausen certes, mais ici on est dans le post-apo et le survivalisme !
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(avec des Grillons Grégaires qui jouent le rôle de kaijûs alors que dans les deux équipes on retrouve des débats moraux issus de l’Histoire de la WWII)
Car effectivement il y a un côté désespéré dans l’univers décrit par l’auteur allemand Kai Meyer, avec par exemple le calife Hâroun ar-Rachîd qui explique qu’il n’est pas fait pour être le souverain de la dernière bataille de Bagdad car il sait qu’il a échoué et qu’il ne veut pas être celui qui assistera à l’extinction de l’humanité, ou le magicien Khalis qui est moins intéressé par le sort du monde que par celui de sa défunte fille enfermée dans un cercueil de miel…
Toujours est-il qu’entre l’exploit de Tarik au début du roman qui prend d’assaut à lui tout seul le palais de calife, et l’exploit de Junis à la fin du roman qui s’attaque aux magiciens des chaînes et aux princes djinns à lui tout seul, le roman manque quand même sacrément de peps… Au final rien n’est à incriminer, mais il manque quelque chose dans les personnages, dans les situations et dans l’univers pour que l’ensemble monte vraiment d’un cran… Car les personnages passent pas mal de temps à raconter leurs histoires, à poser des questions, et à recevoir des réponses…
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Et au fil des révélations, on retrouve un peu comme dans la série télé Fringe avec un monde parallèle sacrifié pour la viabilité du monde qui se croit originel... Du coup on comprend que tous les personnages de la trilogie sont en réalité enfermés dans une bouteille au fond de l’Océan Indien avec la Magie Sauvage et toutes les créatures qui en sont issus…

Au final, alors que la Bataille de Bagdad n’est même pas entamée, la team Tarik file vers le Sud pour rejoindre la légendaire cité de Skarabapur où les djinns souhaitent s’emparer du Troisième Vœux volé aux efrits pour anéantir l’humanité, et où les hommes souhaitent s’emparer du Troisième Vœux volé aux efrits pour anéantir les djinns, tandis que telle ou telle faction / individualité souhaite s’en emparer pour réaliser ses propres ambitions…
Car oui, il y a toute une allégorie philosophique voire métaphysique autour du Troisième Vœu, celui qui doit réparer toutes les erreurs causées par les premiers et deuxièmes vœux qui représentent les ambitions démesurées et insensées de l’humanité….

Il y a clairement un côté pulpien avec des rebondissements incessants (on va de A à B pour revenir à A), et un côté picaresque avec tous ses personnages qui entrent et sortent du récit un peu trop rapidement pour être autrement que fonctionnels, mais au final on ne cesse de passer à la bonne grosse fantasy de L’Œil Noir à la Dark Fantasy des familles de Dark Sun. Au final c’est assez déstabilisant, et personnellement je suis assez curieux de voir comment la formule de l’auteur se déploie dans une fantasy moins sombre et plus traditionnelle…
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