[Cycle] Martyrs / Oliver Péru

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Albéric
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[Cycle] Martyrs / Oliver Péru

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Résumé du Livre 1 :
Irmine et Helbrand, deux frères assassins descendant d'un ancien peuple guerrier, vivent dans les ombres de la plus grande cité du royaume de Palerkan. Alors qu'ils se croient à l'abri des persécutions dont ont souffert leurs ancêtres, leur passé sanglant les rattrape, sous les traits d'un borgne qui semble nourrir pour eux de sombres projets. Et tandis que la guerre menace d'embraser le monde, que les puissants tissent de noires alliances, ils vont devoir choisir un camp. Leur martyre ne fait que commencer...

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Martyrs c’est plus de la fantasy à intrigues que de la fantasy à action, c’est plus de la low fantasy que de la high fantasy, mais Martyrs n’est pas le Trône de fer français. Fin du rêve. Mais cela reste un bon récit de fantasy qui boxe dans la catégorie juste en dessous avec les ouvrages de John Marco, de David B. Coe ou d’Anthony Ryan
Le 1er chapitre pose tout de suite l’ambiance : nous suivons un jeune assassin, issue d’une longue lignée d’assassins, en train de terminer sa mission contractée auprès d’un paysan voulant venger sa parenté violentée par des spadassins sans foi ni loi. Dans une cité en ruine envahie par les fantômes, Oliver Péru nous présente sa Marche des Spectres, concept bien introduit dans une scène quasiment tirée du Mirrors du frenchie Alexandre Aja, mais pas tant exploité que cela… Et puis dommage ne pas être davantage allé vers un Lone Wolf & Cub fantasy. Fin du rêve x2…

La parenté avec GRR Martin se sent dans l’inversion des valeurs : vilenies et bassesses sont ici monnaies courantes chez les belles gens (comme IRL finalement ?), et les méchants qui sont l’exception dans le cape et d’épée hollywoodien sont ici la norme (comme IRL finalement ?). Fatalement, le vice devient vertu et la vertu dévient vice. Ici le roi est un monstre, son champion est un boucher, les seigneurs sont des pervers narcissiques et les preux chevaliers sont au mieux des bellâtres imbus d’eux-mêmes… Mais comme chez GRR Martin, on adore tellement les détester qu’à la fin on finit par les prendre en sympathie. ^^
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Ici un POV très important est consacré à Karmalys Charvadys, Reycorax de Palerkan, c’est-à-dire le roi du monde, qui est un couard boulimique qui n’a jamais voulu être le récipiendaire de la couronne ultime. Il se réfugie dans les plaisirs de la chair pour oublier les complots sans fin qu’il met au point pour que la paix perdure dans son immense royaume. Mais non seulement il se déteste, manque d’estime de soi oblige, mais en plus il s’ennuie plus que gravement, voire est carrément dépressif... C’est avec une révolte occidentale qu’il retrouve enfin le goût de vivre. Je n’ai pas pu m’empêcher de penser au Shérif de Nottingham du film La Rose et la flèche de Richard Lester : clairement en dépression à force d’être entouré de crétins finis, il va jusqu’à favoriser une énième révolte de Robin des Bois pour tromper son ennui, et qui sait avoir enfin un adversaire à sa mesure ?
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Question bad guy, un autre POV est consacré à Opimer Coradlance, le chef des Faucons Blancs, qui est presque un antihéros à la David Gemmell. Le Père Carnage aurait pu être dans un autre livre un good guy, le paysan révolté ayant assassiné le noble crevard qui avait provoqué le déshonneur et le trépas de sa sœur bien aimée. Au lieu de cela, il est devenu l’exécuteur des basses œuvres d’un souverain à qui il voue une fidélité sans borne. Souverain qui voit en lui l’homme de devoir qu’il aurait aimé être… Grâce au maître et son serviteur le plus dévoué on découvre le reste de la cour : la sœur aînée du roi, Akinessa la Main Douce, Irtbert l’éminence grise, les généraux Allesky et Lystin…
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Celui par qui le chaos arrive est le chef rebelle Huparn Cavall, qui lui aussi semble sortir tout droit d’un roman de David Gemmell, tant ses Liranders ressemblent aux Highlanders de La Reine faucon ou de Rigante (qui eux-mêmes sortaient des romans de Walter Scott qui eux-mêmes sortaient des heures belles ou sombres de l’histoire des Îles Britanniques). Ces habitants des îles du couchant ont du sang celte dans les veines, c’est clair ! Dommage que cela soit le POV le moins présent et le moins régulier, mais cet alter ego de William Wallace chef possède aussi un petit côté héros d’anime très plaisant.
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Et encore une fois avec cette rébellion on est loin de l’héroïc fantasy traditionnelle : complots et intrigues certes, mais aussi chantage, torture, enlèvements, assassinats, infiltrations, exfiltrations, guerre de propagande et guerre psychologique… Cela m’étonne que personne n’ait songé auparavant à développer les thèmes du terrorisme et du contre terrorisme chers aux techno-thrillers. Car ici la stratégie de Karmalys ressemblerait presque à une War Against Terror, les représailles répondant aux attentats et vice-versa, jusqu’à l’inévitable recours aux Armes de Destruction Massives. Par moment, j’ai un peu eu l’impression d’un 24h au ralenti…^^
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Mais finalement tout est raconté à travers les yeux de deux jeunes assassins, depuis longtemps orphelins : Helbrand et Irmine Lancefall. Dans leurs relations les frères aserkers ressemblent à Dean et à Sam de la série Supernatural : les frères Winchester forever !
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Mystérieux borgne semblant connaître les voies du destin, orphelins abandonnés dans une profonde forêt, fin du monde annoncée, berserkers… Il n’est pas difficile de comprendre que l’auteur a pioché avec joie dans la geste des Niebelungen !
Ils sont engagés par Rol Guyarson, l’Intendant de la plus grande ville du monde pour être les gardes du corps de sa protégée, Kassis la Dame des Ronces dont la famille est assignée à résidence depuis la fin de la Guerre d’Unification. Très fleure bleue est la romance entre le jeune assassin de 17 ans et la jeune princesse de 16 ans. Les premiers émois retranscrits en mots, ce n’est pas mon truc, alors je n’ai pas pu m’empêcher de lever les yeux aux ciels devant les étranges émotions jamais ressenties auparavant et autres floraison de sentiments nouveaux, mais quand c’est plutôt bien fait pourquoi rager hein ? ^^
Kassis Yrasen est d’ailleurs un personnage féminin plutôt attachant et émouvant, loin des têtes à claques de la fantasy romantique dont je tairais charitablement les noms…
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Niveau univers, l’auteur arrive sans peine à brosser un tableau et à installer une ambiance en quelques lignes, pourtant je reste sur ma faim car j’espère que les tomes suivants nous ferons visiter les Cités Pâles, les Îles de l’Ouest, les Forêts Suspendues, les Sables Noirs ou l’Île aux Requins… En effet dans ce tome 1, l’action se déroule essentiellement dans la ville d’Alerssen surnommée La Marchande. La suspension d’incrédulité est requise avec cette population de 11 millions d’habitant, chiffre hautement improbable dans un univers médiéval fantastique. Rome avec le tout le bassin méditerranéen pour arrière-pays dépassait difficilement le million d’âmes… Mais qu’importe puisque qu’avec sa Couronne, son fleuve traversier, ses catacombes et sa butte Montmartre on est dans l’allégorie de Paname.
Autour du corbeau royal qui remplace l’aigle impérial, on retrouve un souverain digne des empereurs romains avec leurs légions et leurs gardes prétoriens. A ce jeu là, Karmalys l’obèse reprend un peu le rôle de Claude le boiteux, Akinessa celui de Drusilla, Kallersen celui de Caligula et leur père Elkriten celui de Tibère. Mieux, la chute des Arserkers de l’Île de la Flèche repend celle des druides de l’Île de Mon, et après la disparition de leurs savoirs mystiques on assiste à une opposition entre la religion traditionnelle polythéiste (ceux-qui-tissent) et une nouvelle religion monothéiste (les Écritures) dont les prophéties contenues dans son livre sacré parlent d’au-delà et de fin du monde… Bref tous les ingrédients du peplum sont transposés dans un monde médiéval fantastique de bon aloi !
Et je crois bien que Druides du même auteur et Martyrs se déroulent dans le même univers : les 2 cartes s’emboîtent trop bien et on fait mention ici du royaume de Sonrygar qui appartient au worlbuilding de Druides… A bons entendeurs salut !

Niveau style le vocabulaire est plus recherché qu’à l’accoutumée sans être alambiqué, cela fait donc plaisir de retrouver des termes tels que « gougnafiers », « sagouins » et autres « maroufles »… ^^ Mais si tout est bien construit avec une écriture télévisuelle où un chapitre = 1 épisode avec 1 titre qui annonce la couleur, on est assez souvent dans le faux rythme. La faute à la prose qui fait la part belle à la réflexion, à l’introspection, à l’émotion voire aux sensations par moments. On est plus ou moins dans la Fantasy à la Robin Hobb alias Megan Lindholm, et à ce jeu-là les dialogues, sans être moyens, sont un peu le parent pauvre de l’ensemble. Le roman aurait sans doute gagné à être allégé de 200 pages sans que l’histoire ou l’ambiance en pâtissent, mais cela ne gênera pas les habitués des gros pavés loin s’en faut ! Par contre si vous n’avez aucun atome crochu avec l’auteure américaine, il y a peu de chance que ce roman français vous séduise réellement…
Les 100 dernières pages tirent clairement l’œuvre vers le haut : le rythme s’accélère, les tragédies s’enchaînent et les twists redistribuent carrément toutes les cartes. Le tome 2, qui sort fin août 2014, fait d’ores et déjà très envie ! blink
Les révélations finales, peut-être déjà vu ailleurs, sont ici presque inédites en Fantasy donc enjoy. blink
Mais peut-être qu’un lecteur très expérimenté pourrait trop facilement déceler les moyens utilisés par l’auteur pour emmener les lecteurs là ou il veut les voir arriver. D’un autre côté difficile de tout anticiper, donc on imaginera sans peine que le tome 2 répondra au foreshadowing tissé autour de l’Aserker borgne, d’Allena, des Ecritures, ou du Roi Silence…
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Et puis merde, je ne résiste pas à la tentation : ATTENTION SPOILER
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Va-t-on tout droit vers un Dr Who fantasy avec voyages dans le temps et paradoxes temporels à la clé ?
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Pour ne rien gâcher, le livre objet est réussi et bon marché, merci aux éditions J’ai Lu, l’auteur ayant élaboré l’illustration de couverture, les illustrations intérieures et les cartes de Palerkan et d’Alerssen, merci à Oliver Péru. En piochant dans les autres genres, dans les univers des animes et dans les univers des séries télé on apporte ici de la fraîcheur à la fantasy française parfois pas aidée par certains auteurs nombrilistes et certains prescripteurs d’opinion élitistes.
On s’est clairement posé les bonnes questions, à savoir quelle histoire raconter, comment la raconter mais surtout comment la rendre accessible au plus grand nombre. Car la qualité première de ce roman est peut-être son accessibilité. Donc on laissera les rageux habituels s’enfoncer tout seuls en parlant de clichés insupportables, de naïvetés confondantes, de prévisibilités ridicules, d’ennui profond et autres fadaises habituelles…
Modifié en dernier par Albéric le 15 août 2014, 14:54, modifié 2 fois.
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tam-tam
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Re: [Cycle] Martyrs / Oliver Péru

Message non lu par tam-tam »

Chouette critique Albéric. Qui donne vachement envie en plus!
Malheureusement j'ai déjà du mal à lire un pauvre bouquin en ce moment, alors me lancer dans un cycle... :peur:
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Re: [Cycle] Martyrs / Oliver Péru

Message non lu par Albéric »

tam-tam a écrit :Chouette critique Albéric. Qui donne vachement envie en plus!
Malheureusement j'ai déjà du mal à lire un pauvre bouquin en ce moment, alors me lancer dans un cycle... :peur:
Il y a des petits livres qui permettent de se remettre à lire... dont j'ai aussi parlé :wink:

sinon, un addentum à ma chronique :
Autour du corbeau royal qui remplace l’aigle impérial, on retrouve un souverain digne des empereurs romains avec leurs légions et leurs gardes prétoriens. A ce jeu là, Karmalys l’obèse reprend un peu le rôle de Claude le boiteux, Akinessa celui de Drusilla, Kallersen celui de Caligula et leur père Elkriten celui de Tibère. Mieux, la chute des Arserkers de l’Île de la Flèche repend celle des druides de l’Île de Mon, et après la disparition de leurs savoirs mystiques on assiste à une opposition entre la religion traditionnelle polythéiste (ceux-qui-tissent) et une nouvelle religion monothéiste (les Écritures) dont les prophéties contenues dans son livre sacré parlent d’au-delà et de fin du monde… Bref tous les ingrédients du peplum sont transposés dans un monde médiéval fantastique de bon aloi !
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