Joyland /Stephen King

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Toon
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Joyland /Stephen King

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Les clowns vous ont toujours fait un peu peur ?
L’atmosphère des fêtes foraines vous angoisse ?
Alors, un petit conseil : ne vous aventurez pas sur une grande roue un soir d’orage.

Après une rupture sentimentale, Devin Jones, 21 ans, débarque l’été 1973 à Joyland, petit parc d’attraction sur le littoral de la Caroline du Nord. Il est embauché avec d’autres étudiants pour compléter l’équipe de forains, à la fois étrange et joyeuse. Obsédé par le mystère du train fantôme soi-disant hanté par le spectre d’une femme égorgée 4 ans auparavant, le jeune homme se lance dans l’enquête. Un nouveau meurtre est-il possible ? Parviendra-t-il à l’éviter ? Une chose est sûre, l’aventure le changera à jamais.
Avec ce court opus(320 pages !), Stephen King confirme bien le virage amorcé déjà avec Dôme et poursuivi avec 22.11.1963, à savoir écrire des romans où le fantastique n'est qu'un prétexte ou mettre en valeur de très belles histoires de fond. (Docteur Sleep étant un exception).

Joyland est un moteur à 2 temps: La première moitiée environ se déroule durant la haute saison, période à laquelle le parc est rempli de touriste. King nous fais découvrir en détails l'univers d'un parc d'attraction, avec ses us et coutumes et ses forains aux langages si atypique. Sans être à tomber par terre, la découverte du monde forain est très plaisante et cette première partie pose les jalons de la seconde qui elle va se dérouler en basse saison juste après la fin de l'été. Et c'est la que le roman prend toute sa saveur car nous voila en face d'une très belle histoire avec des personnages très touchants.

pour information, j'ai supprimé une phrase ou 2 du 4ième de couverture qui m'ont paru être d'honteux spoilers...
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Albéric
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Re: Joyland /Stephen King

Message non lu par Albéric »

Stephen King est souvent qualifié d’Edgar Allan Poe du XXe siècle : peut-être Richard Bachman l’a-t-il été, mais pas l’auteur du présent roman (marrant d’ailleurs que Richard Bachman n’ait jamais été primé, alors que Stephen King l’a quasiment toujours été ^^)
Dans ce livre Devy Jones revient sur son passé en évoquant l’année où pour lui tout a changé : en 1973, quand il est parti travailler l’été à Joyland en Caroline du Nord alors qu’issu du Maine il n’avait pas été plus loin que Boston, et que sa copine Wendy Keegan est en train de le plaquer (vous savez, une de ces saintes-nitouches qui ne veulent pas coucher avant le mariage mais qui écartent les cuisses devant le premier BG friqué qu’elles croisent). Nous découvrons à travers ses yeux un parc d’attraction, les forains et la Parlure ! C’est symboliquement un peu l’envers du décor du rêve américain, car le narrateur parle une peu des années 1970 comme d’un temps d’innocence désormais révolu : l’auteur prend un malin plaisir à pointer du doigt Apple, Google, Facebook, l’exploitation des immigrés, les maquereaux du divertissement de la Disney Corporation, les néocons illuminés des potes à Dick Cheney, mais surtout ses vieux amis les christianistes qui ont toujours voulu sa peau… On retrouve donc le sens de la formule de Stephen King qui nous offre moult punchlines corrosives, mais aussi beaucoup de sensibilité et d’émotion. Toutefois tout est raconté volontairement dans le désordre car nous sommes plongés dans la peau d’un senior des années 2010 perdu dans les méandres de sa mémoire donc dans un flot de souvenirs du passés, issus de différentes époques, interrompus par des réflexions du présent… On flirte même avec l’autofiction postmoderne, puisque quand le narrateur imagine la vie qu’il aurait pu avoir, il imagine celle de l’auteur Stephen King ^^
Ce qui m’a fortement agacé c’est moins la narration un peu inutilement alambiquée qui alternent passé décomposé et passé récomposé, que l’histoire qui n’en finit pas de ne pas démarrer… Et on est même pas dans le vif du sujet qu’il y a déjà un trou d’air avec le narrateur qui explique comment Errin Cook et Tom Kennedy sont devenus les meilleurs amis de sa vie alors qu’ils ont un temps de parole tellement réduit qu’ils font plus office de figurants que de personnages (par contre on sent bien que l’auteur kiffe les pin-ups en jupette déguisées en Robin des Bois : il nous les décrit dès qu’il en a l’occasion, et c’est tellement redondant que cela devient un private joke ^^). L’histoire démarre finalement à moins de 100 pages de la fin, et de manière un peu poussive… L’idée, c’est qu’on est dans un roman d’apprentissage et qu’au contact d’Annie Ross la mère célibataire en froid avec son père un nabab évangéliste (je vous avais dit que Stephen King avait des comptes à régler avec les christianistes et vice-versa), et de son fils Mike gravement affaibli par la maladie et dont les jours sont comptés (il est atteint de la Myopathie de Duchenne), Devy Jones va apprendre le sens de la vie et de la mort. Ce relationship drama est touchant donc réussi, mais du coup avait-on besoin d’autres choses ?

Dans les années 1990 l’auteur a basculé du fantastique au naturalisme, et force est de constater que je le trouvais mieux avant (sans que cela n’enlève quoi que se soit à son talent qui grand). Et ici le quatrième de couverture est assez putassier :
- pour la partie thriller qui est un prétexte, le serial killer ça fait aussi partie des années 1970 mais ici c’est mal amené, mal exploité, et surtout mal ficelé et bourré clichés même si on sent un côté deuxième degré
- pour la partie fantastique qui est encore plus un prétexte, le fantôme et l’enfant qui voit des choses ça fait aussi partie des années 1970 mais c’est clairement du contreplaqué dont on aurait aisément pu se passer car j’ai déjà vu cela et en mieux dans les 130 épisodes de la série Médium
D’ailleurs c’est amusant de retrouver le serial killer, la fille fantôme, le sale gosse médium et même la très sexy mère célibataire dans le manga Diamond is Unbreakable qu’Hirohiko Araki a réalisé dans la première partie des années 1990. Sachant qu’il est un grand fan de Stephen King, je laisse le soin aux fins connaisseurs de trouver les ouvrages que l’auteur américain cannibalisé pour écrire ce Joyland…

Au final je dirais que nous sommes dans une nouvelle maladroitement étirée en roman et que cela se sent fortement : si on enlève le décorum forain, la partie thriller qui est mauvaise et la partie fantastique qui est très mauvaise on se retrouve avec un remake de Cœurs perdus en Atlantide, riche en émotion certes mais qui est mal conçu et mal exécuté (d’ailleurs le recueil de nouvelles racontait la disparition des années 1960, alors qu’ici on raconte la disparition des années 1970). J’espère que Docteur Sleep qui a été écrit la même année est de meilleure qualité…

PS : Stephen King se fait aussi plaisir avec des clins d’œil à James, Hitchcock, Columbo, Mash, Le Seigneur des anneaux, Le Chat Chapeauté, Harry Potter, Lovecraft… Mais on ne se refait pas, il déteste le Scrabble ! ^^
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