
Entre dark peplum et dark fantasy, Fabrice Colin réalise à la fois un formidable hommage à la sword & sorcery d’antan (que les happy few constamment à la recherche de ce qui est hype juge poussiéreuse) et un formidable revival Métal Hurlant.La vie de Barkhan fut tragique.
Jeune nomade recueilli par le frère de l'empereur, Barkhan se sacrifie pour lui sauver la vie et échappe de justesse à l'exécution capitale. Il doit fuir. Banni de l'empire, il pense ne devoir la vie qu'à celui qu'il a si courageusement aidé. Quelques années plus tard, alors qu'il est retourné parmi les siens et qu'il s'est marié, Barkhan apprend que l'empereur est mort et que son frère a pris sa place. Il revient alors dans la cité de son enfance, espérant récolter les fruits de son sacrifice passé. De fait, le nouvel empereur le nomme aussitôt commandant d'une force spéciale, chargée de combattre l'envahisseur senthaï. Car ces soldats monstrueux, couverts de métal noir, sont aux portes de Dât Lakhan.
Mais cette bataille n'est que le premier acte d'un drame monumental : il n'était qu'un seul homme, un barbare, qui puisse sauver cette civilisation ; or celle-ci a brisé sa vie.
C'est alors que surgit un mystérieux guerrier. Il a en mains une épée mythique nommée Vengeance ; et la vengeance est ce qu'il est revenu réclamer.
Et cerise sur le gâteau, le tout est enrobé par un magnifique souffle épique.
Bref, difficile de ne pas songer par exemple au magnifique Arn de Jean-Pierre Dionnet et Jean-Claude Gal.

Il nous offre un drame eschatologique en IV Actes : espoir, trahison, manipulation, carnage
On devine aisément derrière l’Empire Asenath notre bon vieil Empire Romain tant les intrigues sordides qui le secouent ressemblent à s’y méprendre aux turpitudes de la famille des Julio-Claudiens.
Il est clair qu’il aurait pu intégrer le Prince de Néant de Scott Bakker en remplaçant de l’Empire Nansur.
Face à eux un melting pot cosmopolite de peuples barbares qui n’aspire qu’à vivre en paix…
… Et l’horreur absolue des Senthaïs qui nous rappelle aux plus belles heures de la saga Alien.
D’ailleurs ces derniers apportent une dimension psychanalytique au livre puisque qu’ils ne sont que l’incarnation des plus bas-instinct des peuples dits civilisés qui en les fuyant ou en faisant mien de les ignorer ne font que les renforcer : pour combattre le mal, il faut d’abord combattre ses propres ténèbres intérieures.
(Un concept déjà utilisé par Moorcock mais que pousse plus loin Colin en utilisant un habillage H.R. Giger)
Il faut ajouter une dimension spirituelle à ce livre tant l’Unique, dieu assassiné par les peuple dits civilisés, est remplacé par le messie guerrier et torturé qu’est Tirius Barkhan : il est venu pour racheter les fautes, pour montrer les erreurs et en trouvant la rédemption, il apporte la rédemption (tiens comme V de V pour Vendetta !).
2 bémols cependant :
- c’est dark, très (trop) dark : on n’épargne rien ni personne, et surtout pas au lecteur qui voit défiler moult crevards sans pouvoir se raccrocher à quoi que se soit car tous les personnages rencontrent une fin tragique et violente
- c’est rapide, très (trop rapide) : pas d’introduction, pas de mise en place, pas de temps de mort.
On fait la guerre au tirage à la ligne mais univers, personnages et intrigues auraient gagnés à être développés.
Avec de plus hautes ambitions et 200 pages de plus, on tenait un sacré chef-d’œuvre du genre.
Mais qu’importe puisqu’en traversant les Monts Eternels Laïshan est entré aux panthéons des héros moorcoockiens aux côté d’Elric, Corum, Hawkmoon, Erekosë et tant d’autres…
Merci Fabrice !

PS : évidemment tout le monde reconnaîtra sous les traits de Rajak Hass’n le Seigneur Sobert de Dragonlance.
