


Résumé du tome 1 :
Une trêve troublée s’est installée entre les thanes des lignées du vrai sang.
À présent qu’un nouvel hiver s’annonce, les armées de la Route Noire ont repris le chemin du sud, quittant les terres où elles furent exilées, au-delà du Val des Pierres. Pour certains, la guerre n’apportera qu’une mort rapide et violente. D’autres ne connaîtront jamais le tumulte des épées qui s’entrechoquent, ni les champs jonchés de cadavres. Pour ceux-là, la guerre n’est qu’un excellent moyen de favoriser leurs ambitions. Qu’ils se hâtent, car bientôt les ténèbres qui descendent sur le monde les engloutiront, comme les autres.
Car, tandis que la tempête des batailles fait rage, un homme s’engage sur un chemin solitaire, une voie qui éveillera un terrible pouvoir en lui. Son héritage sera un héritage de sang.
Au début je me disais que c'était entre le Sorceleur et les Royaumes d’Épines et d'Os.
J'ai vu que pas mal de gens avait identifié une formule Trône de Fer + Monarchies divines.
Et pendant pas mal de temps, c'est vrai que cela ressemble à un bon substitut au TdF : les guerres septentrionales, les intrigues méridionales, le chaos qui s'installe, les personnages qui s'en prennent plein la tronche...
Mais après lecture du tome 3, je dirais que c'est quelque part entre l'Assassin Royal et le Prince du Néant.
Effectivement dans la qualité d’écriture et le traitement des thèmes abordés, difficile de prendre l'auteur en défaut.
Écriture sobre par moment, intense en d'autres moments, et un vrai talent pour les scènes âpres et violentes avec des batailles qui se morcellent en escarmouches, en combats "individuels" pour sauver sa peau.
Mais autant le dire tout de suite, si c'est plein de qualités je n'ai pas vraiment accroché.
Punaise cela va être coton d'argumenter sans spoiler...
Beaucoup de bons éléments :

Avec son ambiance nordique, ses peuples maudits et ses conflits féodaux, on pourrait penser au très bon jdr suédois Gemini !
L'univers est intéressant, solide et bien construit avec ses lignées divisées par un schisme religieux et minées par de nombreuses et profondes rivalités internes.
On retrouve essentiellement une Écosse fantasmée avec une féodalité nettement plus achalandée qu'à l'accoutumée.
Malgré la présence des na'kyrims, des métisses psioniques stériles, on est plus dans une saga de low fantasy qu'autre chose.
(Depuis les Chroniques des Crépusculaires de Mathieu Gaborit, je rêve de lire un récit de fantasy avec des psioniques, mais une fois encore ce ne sera pas pour ce coup-là)
Comme dans le TdF une longue galerie de crevards carriéristes bouffis d'orgueil avec des aristocrates qui ne pensent qu'à gagner plus de pouvoir et des ploutocrates qui ne pensent qu'à gagner plus d'argent, tous pour encore mieux mépriser et écraser ceux qu'ils jugent inférieurs.
Comme dans le TdF une sacrée galerie de personnage féminins : Anyara, Ess'yr, Wain, Shraeve, Ilessa, Tara, Yvane, Eshenna, fichtre cela ne manque vraiment pas de forts caractères !
Foi, credo, prédestination, promesse d’un monde meilleur après la mort, ordre monastique, ordres militaires (les inkalims)...
... Pour un monde sans dieux, il est bel et bien présent le fait religieux !
Je ne sais pas si l'auteur vise la religion en général ou une confession en particulier...
... Mais dans les cas, il ne semble vraiment pas tendre envers ceux qui ont la « foi » !
Tous ces croyants qui au nom de leur religion se laissent pousser vers leurs bas instincts en semant la destruction et la chaos sur leur passage : la croisade inrithie de Scott Bakker a trouvé sa digne fille cachée !
Les kyrinins de Brian Ruckley ressemblent beaucoup aux elfes d'Andrzej Sapkowski, parfois sinon souvent racistes et vindicatifs comme les Scoia'tael : Harfang, Renard, Héron, Serpent, Faucon, Taureau, Cheval...
Tous ces clans elfiques nomades qui vivent comme les tribus amérindiennes nous offrent de très scènes belles d'actions forestières où on fuit, poursuit et combat à travers montagnes, combes et vallées...
Cela fait agréablement Dernier des Mohicans à niveau-là, et j'avoue que j'aimerais bien voir l'auteur aller dans cette voie à l'avenir.
Un prologue qui annonce la couleur, une mise en place avec un air de déjà-vu, mais ensuite j'ai vraiment été bien dedans. Toutefois plusieurs trucs ont fini par me lasser et j'ai fini par décrocher au début du 3ème tome.
Pourtant la fin était bien... mais cela faisait plusieurs centaines de page que j'étais passé en mode « aller, il faut vite en finir pour enfin passer à autre chose ».
Alors qu'est-ce qui n'a pas marché ?

C'est bien beau ces 1700 pages divisées en 3 pièces de 5 actes, mais il y avait quand même du remplissage avec des redondances :
- les portraits de personnages ou de paysages sont très réussis, pourtant une ambiance peine parfois à se dégager de l'ensemble (mais c'est nettement moins vrai sur la fin avec ce drame eschatologique qui amène donne une coloration crépusculaire à l'ensemble)
- au bout d'un moment c'était saoulant la description des émois d'Osirian (cette histoire de non-dit qui n'en finit plus ne m'a pas touché du tout), de la lente déchéance/décrépitude de celui par qui le chaos est arrivé, de l'attitude puante des aristocrates Haig, de l'attitude rigoriste des chefs Gyre et inkalim, et dans le 3ème tome
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des scènes de folie sanguinaire qui se multiplient à l'infinie...
- au bout d'un moment aller du point A au point B en passant par le point C, être obligé de se réfugier en A en passant par D, aller à nouveau à B en passant à nouveau par C... c'est lent, c'est fatiguant et cela ne fait pas avancer le schmilblick
La structure en point of view n'est pas optimisée : c'est parfois un poil décousu avec ces points de vue assez inégaux, car on suit un personnage et ensuite il faut attendre 100 pages bien tassées sinon plus pour avancer dans son histoire, sans parler de points de vue très secondaires qui n'amènent pas grand chose (qu'ont amené Torquementine et plus encore Amen le Surin ?).
Cela aboutit à un éparpillement de l'intrigue qui hache le rythme voire la narration (Osirian au début, Anyara à la fin)...
Et J'ai eu un vrai problème avec l'empathie qu'on devrait avoir pour les protagonistes.

(Car quand on est arrivé à un point où on n'en a rien à carrer de l'issue des événements, impossible de s'enflammer.)
Je trouve que trop de personnage sont restés figés dans leur personnalité : aucune évolution de leur part
Gryvan et Ragnor sont ambitieux et orgueilleux, Aewult est un imbécile égocentrique, Shraeve la reine des Corbeaux est impitoyable, Kanin est constamment animé par une rage froide, Aeglyss le pauvre ne se sent pas aimé (il est détesté parce qu'il est détestable et puis tout), Roaric est plein de ressentiment et a envie d'en découdre, Varryn reste silencieux et lève un sourcil de désappointement...
Pas mal de personnages auraient pu être plus intéressants s’ils n’avaient pas disparu à un moment ou à un autre :
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Kennet le dépressif, Leanor le sage, Inurain l'humaniste, Wain la vierge guerrière, Rothe le loyal garde-du corp, les Na'karym Cerys et Bannain qui auraient mérité plus de pages, Mordain et Tara d'un côté, Yvane et Eshanna d'un autre côté qui s'effacent complètement au cours du tome 3, Cannek se laisse exécuter, Theor se "suicide"...
Pourtant quelques survivants prennent enfin une belle épaisseur sur la fin
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Osirian, Taim, Kanin, Eska...
Je trouve également que Varryn dégageait un certain charisme, mais comme le Teal'c de Stargate-SG1 ce n’est pas avec une phrase par chapitre qu'il allait amener de l'entrain.
Et puis cela devient prévisible et cela finit cruellement par manquer de suspens :
- les « héros » subissent constamment les événements et semblent totalement prisonnier de leur enchaînement, ils ne font que fuir et ne trouvent que très rarement l'opportunité de réagir face aux nombreux malheurs qui les frappent
- les cliffhangers sont parfois annoncés longtemps à l'avance, et on au bout d'un certain temps on devine que d'une manière ou d'une autre cela va encore foirer et que les choses vont encore davantage empirer.
- l'agent du changement, et bien c'est juste un trou-du-cul nombriliste qui, comme tous ceux de son espèce qui accèdent au pouvoir, devient un sociopathe mégalomane... et avec encore plus de pouvoir il devient un psychopathe complètement taré...
Bref, pas trop de surprise le concernant !
En fait j'ai l'impression d'avoir lu 2 histoires avec l'une qui prend le pas sur l'autre quelque part dans le 2ème tome avec un twist qui me paraît être plus un deus ex machina qu'autre chose
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(j'avais eu le même problème avec Le Sang des Ambrose où un récit d'héroïc fantasy se transformait en survival horror à la Sam Raimi... avec un sorcier taré pas si éloigné d'Aeglyss )
- si on avait voulu montrer comment la haine et la violence amène des gens normaux à rechercher la guerre et son cortège de calamités, comment les mœurs se brutalisent et les esprits s'aliènent, on aurait pu rester en low fantasy sans problème il y avait largement de quoi faire
- si on avait voulu élaborer un survival horror, on s'y serait pris autrement (chacun dans son style Resident Evil, Silent Hill et Dead Space y parviennent très bien sans une mise en place de plus de 1000 pages)
Là, on oppose sadiquement un persuasif surdoué qui se transfigure en un superpsionique semi-divin avant de plonger le monde au cœur de sa propre folie... à des prestidigitateurs de 2ème zone et des seconds couteaux qui ne peuvent absolument rien faire du tout !
- si on avait voulu montrer comment la haine et la violence amène des gens normaux à rechercher la guerre et son cortège de calamités, comment les mœurs se brutalisent et les esprits s'aliènent, on aurait pu rester en low fantasy sans problème il y avait largement de quoi faire
- si on avait voulu élaborer un survival horror, on s'y serait pris autrement (chacun dans son style Resident Evil, Silent Hill et Dead Space y parviennent très bien sans une mise en place de plus de 1000 pages)
Là, on oppose sadiquement un persuasif surdoué qui se transfigure en un superpsionique semi-divin avant de plonger le monde au cœur de sa propre folie... à des prestidigitateurs de 2ème zone et des seconds couteaux qui ne peuvent absolument rien faire du tout !
Il est clair que je n'ai guère envie de me replonger un jour dans cette saga (pourtant des préquels sur la Guerre des Réprouvés ou le génocide des Whreinins, cela pourrait grave le faire), mais je suis content d'avoir découvert un auteur talentueux et je vais suivre avec beaucoup d'intérêt ses œuvres à venir...
En bref : c'est froid, sombre, désespéré sinon nihiliste...
Une saga intense donc, mais qui ne plaira pas à tout le monde loin s'en faut.
PS : j'ai enchaîné les 3 tomes en écoutant la BO des Piliers de la Terre, c'était très sympa à ce niveau là
