Combattez les zombies du Kaiser dans les batailles du Nord de la France, échappez aux Untoten de la Cité Morte, parcourez les vastes espaces du fareast sibérien en compagnie des chevaucheurs d'ours cosaques, rejoignez les pirates des Mers du Sud, les contrebandiers des Cités Libres et les rebelles asiatiques dans leur lutte contre l'Impérium nippon, devenez un chevalier du Grimnoir et affrontez les samouraïs de la garde de fer ou les ninjas de la garde fantôme...
Attention gros coup de cœur, sans doute le roman le plus fun depuis bien des lustres ! Champagne !!!
Un roman du tonnerre qui pourrait facilement nourrir un jdr du tonnerre !
Le 4ème de couverture a le bon goût de ne pas dégainer la gatling à superlatifs :
il ne ment absolument pas sur la marchandise en nous révélant une phylogénie particulièrement riche !
Un Roman Noir ?

Pas trop difficile à démasquer Jake et Delilah...
Les références sont explicites sur la forme comme sur le fond puisqu'on apprend dans l'épilogue
que l'expert comptable héroïque (sic) qui voulait devenir écrivain s'appelle... Raymond Chandler !
Dès le 1er chapitre on est plongé dans l'Amérique du début des années 30 entre Prohibition et Grande Dépression avec un propriétaire terrien portugais et une réfugiée okie tous les 2 directement sortis des Raisins de la Colère, un magnat des affaires misanthrope à mi chemin entre Rockfeller et Howard Hughes et un bagnard solitaire en quête de rédemption ou à défaut de seconde chance. On croise ensuite des détectives blasés, des agents du FBI, des mafieux ambitieux, des politiciens carriéristes, des hommes d'affaires narcissiques, des jolies pépés, des goldenboy...tout autant que les classes populaires victimes du chômage de masse.
On retrouve bien évidemment quelques grandes figures de l'époque : Telsa, Edison, Roosevelt (Théodore et Franklin Delano), Edgar Hoover, Eliott Ness, Lenny Torrio... et tout ceux que je n'ai pas repérés tellement j'étais pris dedans !
Grosse marge de progression puisque que cet aspect est surtout exploité dans le 1er quart du roman et aurait pu être plus approfondi.
Un roman uchronique ?
L'univers de Larrey Correia revisite l'histoire et tout se tient de la Révolution Industrielle à la destruction de Berlin par les Rayons de la Paix qui clôt la Grande Guerre : on est dans le même souci de construction que les Alternated Earths du jdr GURPS.
Pour un peu, on pourrait croire à une suite des westerns fantastiques de Jake Bird, ou à une suite de la 1ère Guerre Mondiale magique d'Arrowsmith, mais cela va bien plus loin que cela, car magie mise à part, on se retrouve quelque part entres les uchronies moorcockiennes (l'un des fondateurs du steampunk, et ici on pense à la trilogie du Nomade du Temps) et les animes japonais rétrofuturistes (Laputa, Conan Fils du Futur...) avec ces dirigeables géants civils ou militaires qui sillonnent le monde entier.
Quand à la magie proprement dite : les actifs présentent des dons plus ou moins puissants classés en différentes catégories qui peuvent rappeler dans son efficacité et sa solidité l'allomancie brandersonienne tandis que kanjis et formules magiques ne sont pas très loin des runes de David Farland (transferts/renforcements de capacités...).
Grosse marge de progression là encore car la société américaine est survolée, les sociétés européennes sont à peine évoquées, et on ne sait rien sur la Russie bolchévique, l'Amérique latine, l'Afrique, le Moyen-Orient, l'Empire des Indes...
Un hommage aux comics ?
Cette opposition entre normaux et actifs attisé par un groupe qui justifie l'oppression par la loi du plus fort (l'Impérium) et apaisé par un groupe qui prône l'intégration par la protection des plus faibles (le Grimnoir) renvoie aux mutants de Marvel divisés entre les protégés du Professeur Xavier et les émules de Magnéto.
Les duels à répétition entre Jake, le fort qui protège les faibles, et Madi l'encore plus fort qui méprise les faibles n'est pas sans rappeler la bonne vieille rivalité Wolverine / Sabretooth... Et pour les connaisseurs Faye l'okie voyageuse n'est pas sans rappeler Blink la téléporteuse surdouée !
Et à y regarder de plus près l'Asie du Baron Tokugawa ressemble un peu à l'Amérique de
l’Ère d’Apocalypse (pour les curieux l'unité 731 a véritablement existé, et le Dr Mengele et ses sbires font petits joueurs comparés à Shiro Ishii et à son équipe).
Avec ses membres aux dons puissants dans des domaines spécialisés, la société américaine du Grimnoir fait très
Ligue des Justiciers. Et pour faire une transition avec la composante suivante, les Chevaliers de New York menés par le Général Pershing m'ont fait penser à l'hommage aux héros de pulps réalisé par Warrens Ellis dans le comic
Planetary...
Un hommage à la grande époque des pulps ?
Sur la forme, on pourrait retrouver le plaisir de la ligne droite où une péripétie mène sans détour ni longueur à une autre péripétie, mais c'est encore mieux car on ne sacrifie pas ni la richesse de l'univers, ni la profondeur des personnages.
Sur le fond : Péril Jaune, savants fous, rayons de la mort, machines de l'apocalypse, apprentis maître du monde, sociétés secrètes, nécromanciens & sorciers, espions & assassins, bagarres et fusillades à gogo... Tous les ingrédients sont servis par un auteur motivé !
Le dur à cuir Jake Sullivan, vétéran traumatisé de la Grande Guerre, n'est pas si éloigné que cela du Steve Costigan d'Howard.
Et avis aux amateurs d'armes à feu, Larry Correia n'est pas avare d'informations sur les pistolet, fusils, mitrailleuses ainsi que les différents calibres utilisés : cela canarde de tous les côtés lors de terribles gunfights !
Le résultat : un mélange entre les grands classiques du noir et blanc et les blockbusters à la sauce J.J. Abrams.
Nous avons donc un pulp moderne très efficace, un page turner assez addictif avec un univers uchronique fascinant et un système de magie bien élaboré, des personnages très attachants, de l'action, de l'émotion, des actes d’héroïsme face à un super-vilain d'anthologie...