Terre de Héros 2 : A Pierre Fendre
Autant le dire tout de suite, je suis très en colère contre Richard Morgan.
Cela commençait fort bien avec des esclaves planifiant leur grande évasion, Archeth se rendant à mystérieux rendez-vous dans les landes kiriathes, et Egar enquêtant dans les bas-fonds d’Yheltheh sur les fanatiques religieux de la Citadelle.
Quand on apprend l’identité du Démon du Nord, on se dit que cela va être énorme ! Et bien non…
Quand on apprend l’identité du contact d’Archeth, on se dit que cela va être énorme ! Et bien non…
Il nous sort la même structure en point of view qui hache de manière lourde les histoires de Ringil, Archeth et Egar qui n’ont rien à voir les unes avec les autres pendant ¾ du roman pour se retrouver avec une mise en place de 400 pages sur un total de 500 : j’ai acheté un 2e tome et j’ai l’impression de me retrouver avec une version 1.1 de
Rien que l’Acier.
Chaque personnage fait son truc dans son coin :
- Archet la toxicomane lesbienne continue d’être hantée par ses origines métisses et les devoirs de sa charge
- Ringil le toxicomane gay fuit sa famille et son passé : il calme ses nerfs par du sexe et de la violence
- Egar le queutard ressasse ses vieux souvenirs de guerres en attendant une occasion de maraver des tronches
Et au milieu du roman, l’auteur nous refait le coup de l’hommage à Steph Swainston avec des chapitres sous acides complètement incompréhensibles qui se finissent par l’inévitable scène de cul homosexuelle.
Les personnages finissent quand même par se retrouver, et les choses s’accélèrent enfin à 100 pages de la fin.
Mais pour cela on se du farcir du tirage à la ligne avec des tonnes de dialogues complètement superflus pour ne pas dire inutile et des personnages qui apparaissent et disparaissent sans rien apporter du tout ni à l’univers, ni à l’intrigue (Dame Quilien de Gris est le parfait exemple de ces rallongis littéraires douteux).
Et que c’est lourdingue tous ses deux ex machina au sens strict du terme qui ne sont là que pour faire avancer l’intrigue quand l’auteur ne parvient pas à dénouer ou à renouer les fils de son histoire.
Et au bout de ces 500 pages qu’apprend-on de plus par rapport au tome 1 ? Et bien pas grand chose !
Qui sont les Ecailleux ? Comment s’est formée la Grande Alliance, comme s’est déroulée la Grande Guerre ?
Qui sont les Kiriaths ? Où sont-ils partis ? Que sont les Pilotes ? Que mijotent-ils ? (ils font très IA de SF)
Qui sont les Aldrains ? D’où viennent-ils ? Que veulent-ils vraiment ?
Qui est la Cour Sombre ? Quelles sont leurs ambitions ?
Comment Ringil a-t-il acquis sa sorcellerie, qui est Hjel cet ange déchu auquel il fait allusion ?
Que sont que ces histoires de révolte et de guerre civile à Demlarashan ???
Bref, 1ère page du 20e chapitre nous en apprend plus sur l’univers que toutes les autres réunies !
Et finalement on se retrouve avec donc un gros teaser de 900 pages pour le 3e tome, bref un foutage de gueule.
Sur la forme, on est quand même dans la bonne voie : le nouveau traducteur Fred le Berre a lâché du lest sur la vulgarité des dialogues, et l’auteur sur la crudité des scènes de cul… C’est donc plus lisible que le 1er tome.
Egar prend la place de Ringil et ses chapitres l’ensemble assument pleinement leur ascendance howardienne : c’est un vrai régal de voir un remake déguisé de
la Tour de l’Eléphant.
Du coup c’est Ringil qui fait pièce rapporté à l’intrigue avec une succession de péripéties sans intérêt.
Et on retrouve Archeth coincée entre les intrigues de cour de l’Empire qu’elle a juré de protéger et les celles des Pilotes laissés par son peuple auxquelles elle ne comprend pas grand chose….
J’aime bien la riche phylogénie littéraire de l’auteur (Moorcock, Karl Edward Wagner, Poul Anderson, John Harrisson, Steph Swainston, Glen Cook), ses antihéros so badass, son univers moorcockien dark à souhait, cette amoralité qui transpire dans tous les chapitres, cette prose couillue et sans concession, ces chouettes scènes d’action…
Mais pour l’instant en Fantasy Richard Morgan n’a rien prouvé du tout. Et c’est dommage !