Le Royaume Blessé / Laurent Kloetzer

Forum consacré au reste de la fantasy et au fantastique, avec notamment les oeuvres écrites par les célèbres J.K. Rowling, David Gemmell, J.-P. Jaworski, Michael Moorcock, David Eddings, Greg Keyes, Pierre Grimbert, Terry Pratchett, Alain Damasio, Roger Zelazny et bien d'autres encore.
arsenie
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Le Royaume Blessé / Laurent Kloetzer

Message non lu par arsenie »

Du très très bon 8) mais pas facile !
Le plus dur, est de "rentrer", je l'ai commencé puis laissé tomber, puis recommencé... et là, captivée jusqu'à la fin !
Non par l'histoire, ou les histoires "factuelles", car c'est un gros pavé!
mais par l'ambiance, le "ton"! c'est un livre "épique":
du "bruit et de la fureur", des héros, des batailles, en veux-tu? en voila!
C'est un gigantesque hommage aux conteurs, aux pouvoirs d'évocation...
Mais, bien mieux que moi, Vvarden a fait une superbe critique que je vous mets
Près de 750 pages, 29 euros, l'ouvrage inspire le respect. Surtout quand il s'agit du dernier Lunes d'encre sorti. Une fois l'ouvrage en main, surprise, là où on s'attend à trouver un poids lourd anglo-saxon, l'on découvre un jeune auteur français, Laurent Kloetzer, qui, s'il n'est pas un inconnu, n'a pas spécialement défrayé le microcosme avec ses trois précédents ouvrages.
Monsieur Dumay continue donc de nous surprendre. Mais dans quel sens ? A nous de le voir maintenant, tentons l'aventure !
Le monde se partage en deux. A l'ouest la fabuleuse Atlantide, empire moyenâgeux finissant, conquérant d'une grande partie du monde connu, aujourd'hui géant un peu assoupi, maintenant la Pax Romana sur l'ensemble de ses possessions. A l'est, une mosaïque d'états barbares qui s'étend largement au-delà de l'Oural formant un ensemble culturel celte réuni sous la dénominations de 'Keltes'. Au sud, quelques états et empires mal définis ou seules émergent réellement les franges mésopotamiennes. Au nord les inaltérables pictes.
Deux petites cartes ouvrent le roman et elles ne sont pas de trop pour situer les pérégrinations des différents acteurs, même quand on se moque de la géographie. Ah, j'oubliais de parler d'un protagoniste important, les Thiléens, Tsiganes apatrides arpentant les fleuves comme autant de chemins.
A l'ouest, donc, un peuple sur le chemin de la Renaissance, à l'est une bande de braillards, entre la bière la cuisse et l'honneur, comme il se doit pour tout celte normalement constitué.
Le décor est posé. La lumière décroît. Les héros s'avancent sur la scène, et sur sept cent pages le barde va vous expliquer comment le père et le fils s'élèveront vers les faîtes de la gloire, dans un bain de sang et une fuite perpétuelle, avant de ... Mais ceci est dans l'histoire ! Ce n'est pas à moi de la livrer.
Les évènements sont narrés par une troisième personne, dont l'identité se forge au cours du récit pour donner naissance au chroniqueur. Celui ci suit la piste d'Eylir (le Héros) et relève toujours les faits, au cours de la première moitié du livre, d'une tierce personne, ce qui fournit l'occasion d'avoir une histoire dans l'histoire. L'équilibre est bien maîtrisé, le récit agréable. L'histoire devient d'ailleurs plus confuse lorsque le conteur rencontre son héros et le récit perd de son sens épique pour gagner en aventure, ce qui, dans le contexte, ne me paraissait pas souhaitable. Mais bon, je suis le lecteur, pas l'écrivain. Quant à la fin... Logique, nous dirons, logique. Un petit effort aurait été bienvenu, Monsieur Kloetzer !
Alors que reste-t-il du livre une fois fini ? Le cadre ? Non, il est banal. Les références ? Pas vraiment, l'auteur s'est juste fait plaisir en intégrant des références directes sur Howard, Tolkien et autres. Le scénario? Non plus, plaies, bosses, bières et filles plus ou moins faciles (dures chez les celtes, douces et cultivées chez les atlantes, de feu chez les Thiléens, bref tout le monde à sa place comme il se doit, vive les mariages mixtes).
Alors ? Et bien il reste l'essentiel. L'âme. Le sens of wonder, le feeling, comme vous le nommez, je n'en sais rien. La marque du destin, le ciel sombre qui donne les couleurs de la nuit à la roche. La lande, la mer, les ombres du souvenir, les amours impossibles, la pluie, bref toute la panoplie. Même quant on suit notre petit monde dans le désert, on a l'impression de voir l'enclume du destin en toile de fond. Ainsi qu'un ciel gris. Le comble, non ?
Peut-être que natif de notre belle façade maritime bien humide (on craint pas l'eau chez nous, on craint la soif ; Celte on vous dit.) et ayant passé plus de temps dans des coins très variés en nuances de gris et très ventés que sous les cocotiers, je suis programmé pour bien ressentir ces émotions. Peut-être. Mais j'ai quand même bien le sentiment que le souffle passe dans le livre. Le grand beau souffle de l'Epique. Quand même servis, par une bonne galerie de personnages intéressants.
Voilà. Vous pouvez passer commande à votre bibliothèque.
Si, un dernier conseil, si je peux me permettre. Lecture un peu déconseillée aux dépressifs, les détours de l'âme celte sont traditionnellement assez éloignés des figures comiques classiques.
j'espère que Vvarden voudra bien s'inscrire au forum et nous faire partager ses lectures ! :wink:
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Bran Noircorbac
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Message non lu par Bran Noircorbac »

et bien ça à l'air sympathique tout ça. :)
Votre talent [lecture de textes vains] vient d'augmenter d'un point
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tam-tam
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Message non lu par tam-tam »

La voie du cygne- Folio SF- 486 pages

La jeu de l'oie vous vous rappellez? On y a tous joué au moins une fois quand on était enfant. Et tout le roman de la voie du cygne tourne autour de ce jeu. A l'instar d'autres romans qui s'inspirent aussi de jeux de société (comme l'échiquier du mal de dan Simmons par exemple avec les echecs).
On assiste dans ce roman à une double partie de jeu de l'oie, au sens propre comme au figuré. Les principales cases (puits, hôtel prison, labyrinthe...) correspondent à des péripéties de l'intrigue.

L'histoire se passe dans le royaume de Dvern, pendant une époque ressemblant comme 2 gouttes d'eau à notre renaissance. Jéophras Dénio est un génial inventeur dont l'ambition n'est autre que de mettre au point une machine volante. Malheureusement pour lui, sa fille adoptive, Carline, est accusée du meurtre d'un prince d'un domaine voisin. Il va alors se muer en enquêteur afin d'essayer d'innocenter la jeune femme.
Au cours de ses investigations il va découvrir un terrible secret de famille dans une ville perverse et décadente.

Un roman réjouissant qui m'a vraiment emballé malgré quelques petites maladresses. Notament au niveau du langage parfois inutilement trop vulgaire... Mais rien de très méchant. Laurent Kloetzer: un auteur à découvrir

Le royaume blessé est dispo à la bibliothèque aussi vu la critique enthousiaste d'Arsenie ce bouquin fera l'objet d'une de mes lectures prochaines.
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Nous sommes faits de l'étoffe dont sont tissés les vents - Alain Damasio
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arsenie
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Message non lu par arsenie »

8) Je suis en train de lire la voie du cygne!
et je suis perplexe pour les "recoupements" avec "le royaume" :roll:
mais, ptêt que Tam-tam y verra plus clair, en lisant dans l'ordre d'écriture?
:wink:
On y retrouve "Atlantis", l'"unique", mais les keltes sont nommés "kelts"
Le "royaume" semble antérieur- moyen-âge- et le "cygne" -renaissance
Je ne localise pas à coup sur la Dvern volcanique du "cygne"
mais je vois une "cité" italienne"-pas Venise pour le paysage
Je ne suis jamais allée en Sicile, mais ptêt que ça conviendrait?
Moi, j'imagine une cité "blanche" et pierreuse, comme dans les souvenirs que j'ai du film "padre padrone" en Sardaigne, je crois ?
Et les furtives silhouettes masquées, les yeux argents, les "dépouillées" au corps peints hantent pour moi la petite Dvern!
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tam-tam
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Message non lu par tam-tam »

arsenie a écrit :8) Je suis en train de lire la voie du cygne!
Tu parles d'une coïncidence! C'est le "cygne" qu'on a les mêmes goûts! :lol:

Sinon pour répondre à tes questions voici les références que j'ai retenues:
Tout d'abord, il y a la mythologie grecque. Icare au tout début et surtout
le labyrinthe du minotaure
à la fin.
Pour moi les keltes sont peut être les celtes, mais finalement on en apprend que très peu sur cette culture.
Pour Dvern, J'avais pensé à Venise qui convient assez bien pour les masques la décadence, les noms de famille... mais effectivement pas pour le cadre géographique: un volcan et pas de gondoles (Et Venise sans gondole c'est comme un défilé sans trompette^^)
Je te fais entièrement confiance pour pour la Sardaigne.
Sinon Jéophras me fait terriblement penser à Léonard de Vinci c'est comme ça que je me le suis représenté tout au long de ma lecture.

Pour info, il y a encore un autre roman qui se déroule dans le monde de Dvern: Mémoire vagabonde. C'est le 1er ouvrage de l'auteur. Il a de la suite dans les idées le gaillard!
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arsenie
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Message non lu par arsenie »

Terminé : lecture plus que sympathique,
surement à cause du "royaume blessé" lu précédemment
Objectivement, "le cygne" a encore beaucoup du "vilain petit canard"
Mais l'ossature est solide : en triptyque souvent!
labyrinthe du passé, meurtre du jeu de l'oie-euh, du cygne, enquète "policière"
il y a un certain déséquilibre,
que j'interprète comme "la révolte" des personnages contre le "carcan" de la construction du roman
Koestler est un conteur, ses lieux et ses persos ne demandent qu'à s'envoler dans les rêves de chaque lecteur :wink:
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arsenie
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Re: Le Royaume Blessé / Laurent Kloetzer

Message non lu par arsenie »

Terminé "Mémoire vagabonde" : le premier roman de Laurent Kloetzer dans le même univers :
J'ai lu l'édition remaniée par l'auteur, et je ne conseillerais pas de commencer le cycle par ce premier :
son atout majeur est l'ambiance
Ici, la quète est celle de l'identité : une histoire d'écrivain dans l'histoire : des miroirs aux multiples facettes 8)
De la magie -en plus de celle de l'écriture! :wink:
Un peu trop de sexe (faut bien que jeunesse se passe! :mrgreen: )
On retrouve la cité de Dvern et sa duelle : la "petite Dvern", beaucoup plus dévoilée dans ce tome
Ce promener dans ce monde et s'y perdre dans ses rêves aux multiples éclairages m'est un grand plaisir de lecture
Laissez vous entraîner! :twisted: vous ne finirez pas "dépouillés" :mrgreen:
J'éditerais pour mettre l'adresse du site de L Kloetzer
http://www.noosfere.org/heberg/kloetzer/
Et la date de parution en poche du "royaume blessé" : en mars!
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tam-tam
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Re: Le Royaume Blessé / Laurent Kloetzer

Message non lu par tam-tam »

Merci arsenie d'essuyer les plâtres!

Je le mets dans ma pile "à l'occasion pourquoi pas".
Mais ce qui est sûr c'est que je lirai avant le royaume blessé dont tu dis le + grand bien.
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tam-tam
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Re: Le Royaume Blessé / Laurent Kloetzer

Message non lu par tam-tam »

J'ai jeté l'éponge à la 600 ème page (sur 750) pourtant j'ai persévéré. Mais je ne suis jamais rentré dans l'histoire.
Ca s'étale sur une trop longue période, je ne me suis jamais attaché aux personnages et puis il y a au moins 300 pags de trop dans ce bouquin.
Ca ne veut pas dire que ça ne plaira pas à d'autres car il y a un gros potentiel dans ce roman: péripéties, actions, souffle épique...
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arsenie
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Re: Le Royaume Blessé / Laurent Kloetzer

Message non lu par arsenie »

:oops: désolée de t'avoir embarqué dans une galère!
J'aurais du préciser davantage que les "héros" n'étaient absolument pas sympathiques :roll:
Eylir en particulier... :mrgreen:
J'ai eu bien du mal à "entrer " dans le livre : le véritable sujet est les mythes : créatures et créateurs ... les keltes et le barde!
Laisse décanter, Tam-tam ! et ... par un soir de tempête, au coin du feu avec une bonne bière, refais un essai?
qui sait? le charme opérera?
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tam-tam
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Re: Le Royaume Blessé / Laurent Kloetzer

Message non lu par tam-tam »

C'était loin d'être une galère Arsenie ne t'en fait pas! Ca ne m'empèchera pas de continuer à suivre tes conseils car je sais qu'on a très souvent les mêmes goûts!
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Albéric
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Re: Le Royaume Blessé / Laurent Kloetzer

Message non lu par Albéric »

"Écoutez ! Ma parole est vérité ! Voici l'histoire d'Eylir Ap'Callaghan !"

Laurent Kloetzer l’une des plus belles plumes des littératures de l’imaginaire VF et le Royaume Blessé nous en apprend beaucoup sur son univers :
- une immense empire atlante qui entre dans la modernité
- une Europe encore divisée en peuples et en tribus barbares
- une Méditerranée et un Moyen-Orient partagés entre petits royaumes et grandes cités-États

Les 100 premières pages nous content l'ascension et la chute d'un Alexandre le Grand celtique (Allander = Alexander ?)
La suite du roman est un magnifique chassé-croisé entre Eylir à la poursuite de la gloire de son frère aîné et Kyle à la poursuite du héros dont il conte les aventures.

Mon Dieu ! Qu'est-ce que LK écrit bien ! Dans tous les les chapitres, quels que soient lieux traversés par les personnages, on est plongé dans une ambiance incroyable où soufflent toutes les formes des vents de l'aventure !
Après 730 pages je me suis dit : C'est déjà fini ? Mais j'en veux encore et encore moi !"

Mais il y a quand quelques trucs chiffonnants, qui pourraient rebuter une partie de ses lecteurs :
on dira donc que cela serait plutôt réservé à des lecteurs avertis...
SpoilerAfficher
- la thématique des 3 rois (blanc = paix, rouge = guerre, noir = mort) n'est pas explicitée jusqu'à son terme
- les chapitres quezako : les passages où Eylir et Kyle voyagent jusqu'aux frontières de la folie (qu'ils franchissent plus ou loin allègrement d'ailleurs) sont assez confus et nébuleux pour moi (oui je sais c'est fait exprès, mais c'est bizarre quand même)
- le destin d'Eylir, roi de la loose particulièrement scoumouneux
("tomber 7 fois, se relever 8" : avec Eylir, je ne sais pas si on doit parler d'abnégation, de fatalisme ou de stupidité)
- le basculement dans le fantastique nous offre de magnifiques moments mais aussi une fin à la limite du WTF


Et puis j'ai adoré les hommages aux grands auteurs :
- le Picte Mak Morn et l'Harmoréen, aventurier la longue chevelure noire et à la musculature puissante qui se déplace tel une panthère
- le titre et le contenu du chapitre "l'arbre du malheur" qui rappelle fortement une scène d’un film en 1981

Toutefois le roman est si dense et si intense, qu’une fois passé l’amère fin on ne peut (veut ?) pas replonger dedans.

Qualité d'écriture et esprit d'aventure sont souvent compatibles, LK le prouve une fois de plus

PS : Mémoire Vagabonde et La Voie du Cygne sont très différents mais bien également, à bons lecteurs salut !
Fans de Gemmell ? Venez nous rejoindre : http://david-gemmell.frbb.net/
Albéric
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Re: Le Royaume Blessé / Laurent Kloetzer

Message non lu par Albéric »

Concernant la Voie du Cygne qui se déroule dans le même univers :

Après Mémoire Vagabonde, nous retrouvons avec plaisir la cité de Dvern coincée dans une forme d’intemporalité à mi-chemin entre Renaissance italienne et Siècles de Lumières français.
Comme Guy Gavriel Kay, autre auteur qui cultive la sensibilité, Laurent Kloetzer fait le pont entre fantasy et littérature blanche.
La Voie du Cygne est à la fois bon roman policier et un bon roman fantasy.
L’alchimie entre les 2 est excellente !
La démarche est assez peu usitée de prime abord mais les romanciers français semblent souvent y exceller.
L’aspect policier, au début assez sobre et classique, est finalement bien mené et construit rigoureusement.
Les mystères s'épaississent au fur et à mesure des avancées de l’intrigue, jusqu'à une conclusion d'une logique implacable. Les indices semés ça et là par l’auteur permettent de nous mettre dans la peau du personnage principal pour reconstituer le fil des évènements, et de dévoiler le ténébreux passé qui semble rassembler les princes de Dvern et leur invité assassiné. L’auteur a ainsi transformé un Agatha Christie en une terrifiante histoire de famille royale qui réécrit de façon magistrale le mythe de Thésée et du Minotaure.

Car dernière Lethys et Dvern se cachent Athènes et Knossos : l’empire d’Atlantys est bâti sur une civilisation gréco-romaine comme le rappellent de nombreux indices (le disque de Faïst étant par exemple une référence au célèbre disque de Phaïstos).
La narration fait alterner le parcours initiatique du Prince Nerio, qui donne son nom au roman puisque son emblème est le cygne, la partie de jeu de l’oie de Carline lors de la soirée fatidique et l’enquête de son « oncle » Denio Jeophras.
Le découpage du roman suit les règles du jeu de l’oie puisqu’à chaque chapitre correspond un jet de dé, un résultat, un déplacement, une case éponyme (hôtel, prison, puits…) et une avancée ou un recul dans le déroulement de l’enquête.
Le tout forme une toile d’araignée admirable qui emprisonne les acteurs et les lecteurs, les uns marchant dans les pas des autres et les fils d’Ariane déroulés par l’auteur finissent par tous se rassembler avec le dénouement de l’intrigue.
Mais quel est le véritable Labyrinthe ? Le Palais des 3 lunes, les rues de Dvern ou la narration de l’auteur ?
Mais qui est véritable Thésée ? Le prince Nerio, l’universitaire Denio ou le lecteur ?
Mais qui sont les joueurs ? Le Prince Jaran, le Roi Arenki, ou l’auteur ?
Mais qui sont les pions ? Carline, les princes héritiers, ou les lecteurs ?
Ne soyez pas dupes : derrière les intrigues des puissants et les badinages des courtisans se cachent une histoire très cruelle…

Outre la délicieuse ambiance que dégage l’ensemble on appréciera que la plume de l’auteur, toujours aussi talentueuse, arrive à personnaliser les protagonistes dans la manière dont ils s’expriment : l’ambigüité maniérée de Jaran, l’indécision de Melki, la culture de Denio, la naïveté et la sensualité de Carline, l’argot d’Alexis l’ado des rues…
Le lecteur devra toutefois se montrer toutefois très attentif aux comportements des uns et des autres : la complaisante Carline, la secrète Lara, l’insondable Jaran, le beau Nerio, le sombre Arenki… dévoilent assez imperceptiblement les contours de leurs personnalités…

On pourrait regretter un petit manque d’intensité (apprentis enquêteurs et apprentis dictateurs respirent quelque peu le fatalisme), quelques inégalités dans le rythme, quelques gimmicks propre à l’auteur, l’envie de se plonger dans Mémoire Vagabonde pour comprendre les renvois faits à cette œuvre, l’envie de se plonger dans Royaume blessé pour en apprendre davantage sur l’empire atlante, les royaumes keltes et les cités-Etats orientales…
… mais à tous les niveaux difficile de prendre l’ouvrage en défaut ! Bref, autant de maitrise de son sujet force le respect.
Bonnes lectures à tous, car il vous serait dommage de passer à côté de Laurent Kloetzer, l’une des belles plumes de la SFFF française.
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