
Résumé de l'épisode 1 : Vieux Démons
Je m'appelle Taylor, John Taylor. Ma carte de visite dit que je suis détective privé, mais en fait je suis plutôt expert pour retrouver les objets perdus. Ça fait partie du don avec lequel je suis né... dans le Nightside.
J'en suis parti il y a pas mal de temps, pour sauver ma peau et ce qu'il me restait de raison. Aujourd'hui, je gagne ma vie au grand jour. Mais ces derniers temps, les clients se font rares. Aussi, lorsque Joanna Barrett a débarqué dans mon bureau, le fric suintant par tous les pores de sa peau, pour me demander de retrouver sa fugueuse de fille, je n'ai pas pu dire non.
C'est là que j'ai découvert où sa fille s'était barrée. Dans le Nightside : deux kilomètres carré d'enfer en plein cœur de Londres, un endroit où il est toujours trois heures du mat' ; où l'on croise des mythes à tous les coins de rue ; où l'on peut boire un pot avec un monstre. Faut pas s'y fier aux apparences et tout y est possible.
J'avais juré de ne jamais y remettre les pieds. Mais une jeune fille est en danger, et sa mère compte sur moi. Alors je n'ai pas le choix : il faut que je rentre à la maison...
John Taylor, détective désabusé en rupture, rempile pour sa richissime cliente qui souhaite retrouver sa fille fugueuse Cathy. Joanna, forte femme d’affaires, va craquer et se révéler plus fragile que de prime abord…qui a dit femme fatale ?
Ce n’est pas comme si le héros et son créateur ne connaissait pas leur Raymond Chandler sur le bout des doigts…
John Taylor, comme ses frères cachés Harry Dresden et Félix Castor, emprunte au célèbre John Constantine, et c’est tant mieux !

On emprunte autant aux univers de Neil Gaiman (on ici presque dans une version Hard Boiled de Neverwhere) qu’à ceux du maître du fantastique Clive Barker, qui nous dépeint bien souvent la réalité du quotidien comme l’antichambre de l’enfer.
Sororité chitineuse, loubards démons, Équarrisseurs, yuppies druidiques aux serpes bien aiguisés, cafards intelligents qui ont trop regardé Alien, et cette mystérieuse sirène urbaine qui joue le rôle de fil directeur du roman…

Nous sommes bien dans un ouvrage horrifique, et ici le monstre c’est le Nightside lui-même. Le Nighside qui après tout n’est qu’une version fantasmapourrique de Londres... Car ce cœur maléfique de la capitale anglaise, où tours d’affaires côtoient taudis miséreux, est une métaphore de l’embourgeoisement / pourrissement du centre-ville londonien, et des autres quartiers de ce Londres parallèle assez weird on ne connaitra que les noms : la chute des ombres, la rue des Dieux, Haceldama…
Simon R. Green nous offre un Nightside « it’s bigger inside » où toutes les époques se mélanges (cf l’épisode de Dr Who intitulé The Wedding of River Song), toujours bloqué quelque part vers 3 heures du matin (cf. le Dark City d’Alex Proyas). Son anti-héros, qui emprunte ici à Virgile son rôle de guide des Enfers, promène Joanna, et ainsi les lecteurs / lectrices, vers les lieux où il pense trouver des indices pour retrouver Cathy :
- le Horla, un bar eighties construit sur la tombe de Merlin Fils de Satan
- la Forteresse, un refuge pour grands paranoïaques, adeptes de la théorie du complot et autres X-Filiés
- le Papillon de Fer, le fantôme d’une boîte yé-yé qui a décidé de rester bloquer à l’époque du swinging London pour faire la nique aux infâmes écoles de commerce néolibérales
La galerie de personnages est un peu restreinte, vu que le livre ne fait de 250 pages, mais est fort sympathique :
- Suzie la Mitraille, sosie d’Hazel D’Ark (Traquemort), elle-même sosie de Princesse Julia (Darkwood)

- Walker la version maléfique du Steed de Chapeau melon et bottes de cuir et le mystérieux Collectionneur

- Eddie le Rasoir, Alex Morissey, les sœurs Coltrane (remember Stevie Blue)…
On est clairement dans un récit d’exposition, les péripéties servant surtout à introduire ces personnages, de manière un peu forcée certes…
Au rayon des bémols, un comique de répétition qui peut se laisser trop facilement deviner et quelques répétitions en bonne et due formes qui relève des méthodes d’écritures de l’auteur qui nous a offert 50 livres très cool en 25 ans.
Au rayon des bémols toujours, un trou d’air au milieu du roman quand les héros glisse dans le Londres du futur postapocalyptique.
Et puis on sent quand même trop de foreshadowing pour un tome d’exposition aussi court :
- quels sont les secrets de John Taylor ? quels sont les secrets de Walker ?
- qui sont les ennemis du héros ? qui est cette mère non humaine qui veut à tout prix la peau de son rejeton ?
On veut nous montrer qu’un destin à la Hellboy attend notre détective blasé à demi-humain…

John Taylor peut retrouver n’importe quoi, pas seulement un objet ou une personne, mais aussi un point faible, un porte entre les mondes (coucou Neil Gaiman) ou une solution à n’importe quel problème… s’il en existe une.
Quelque part, derrière l’habillage du détective hard boiled, c’est un problem solver. Il y a donc du Dr Who en lui !

Je connais assez bien son reboot et son spin-off grimm & gritty Torchwood pour affirmer sans crainte que les scénaristes de la franchise ont forcément du emprunter aux univers de l’auteur britannique (déjà la malédiction d’Eddie le Rasoir est quasiment la même que celle du Capitaine Jack Harkness)
Cet épisode pilote fort agréable car so british nous plonge dans l’univers du Nightside par le biais de l’humour noir de son narrateur, car tout est raconté à la 1ère personne du point de vue de John Taylor, et tout cela est bien rendu par la chouette traduction de Grégory Bouet ici comme un poisson dans l’eau.
Les concepts sont très cool, l’écriture est très visuelle et on sent vite qu’on pourrait facilement décliner le concept en films, en séries, en comics, en manga ou je ne sais quoi… ^^ Vivement la suite quoi !

PS : Sinon si ce n’était pas déjà évident avec ses autres ouvrages, Simon R. Green appartient bien au courant rock’n’roll de la SFFF anglaise… Ben oui, le héros s’appelle John Taylor et cotoie le Dieu Punk du Rasoir, Morissey, Coltrane…