

Très beau travail d’éditeur que cette intégrale. Car la trilogie originelle a non seulement été complétement revue et corrigée par l’auteur mais elle comporte également l’ensemble des nouvelles parues à ce jour. Soit un beau pavé de 1200 pages magnifiquement illustré par Aurélien Police. Difficile de faire rentrer cette œuvre dans une case. Ses sources d’inspiration sont multiples. Fantasy ? Post Apo ? Steampunk ? Oui assurément. Et bien plus encore … C’est une œuvre inclassable donc et complètement originale qui s’offre à nous. Si je pouvais faire des comparaisons, je dirai que c’est le parfait croisement entre China Miéville et Clive Barker. Le premier pour la sa faculté à créer des mondes originaux, denses et passionnants comme celui du Bas-Lag et le second pour sa capacité à juxtaposer l’horreur et le merveilleux. (Mais l’un n’existerait pas sans l’autre n’est-ce pas ?). Je n’ai pour l’heure lu que les 2 premiers romans mais je suis assurément tombé sur quelque chose d’énorme. J’ai immédiatement été happé par cet univers complètement dingue. Je le savoure à petites doses, comme un bon whisky qu’on boit à toutes petites gorgées.De partout, l’En-Dessous vomit la Technole. Sans que l’on sache pourquoi, sourd cette bouillie toxique et nauséabonde qui, en un autre temps, dans un univers bien différent, fit la fierté des hommes, le symbole même de leur domination sur le monde. Des hommes qui, aujourd’hui, exploitent les rebuts de cet univers disparu, mythique, dans des gisements à ciel ouvert aux allures de décharges en quête des oripeaux d’une gloire révolue...
Dans les rues de Caquehan la noire, capitale tentaculaire du royaume, Obicion enquête. Et l’officieur de justice a fort à faire. Le crime est odieux. Une jeune fille. Une adolescente. énucléée. Gorge tranchée ouverte en croix. Là où, précisément, pour la première fois, la Technole fit son apparition... Et à l’horreur s’ajoute l’étrangeté la plus absolue car très vite, il s’avère que les os de la victime sont en... plastique.
Mais trêve de blabla, féerie pour les ténèbres ça parle de quoi ?
Dans les Terres Royales, des poches de Technole, rebuts de notre propre civilisation, ressurgissent on ne sait pourquoi depuis le monde de l’En-Dessous. Ces décharges sont exploitées, et les objets récupérés révolutionnent complètement les systèmes économiques et idéologiques en place. N’ayant pas encore terminé la trilogie, je ne saurais être affirmatif à 100 % mais j’imagine (j’espère) que le dénouement final nous donnera toutes les explications sur ce phénomène. On commence la découverte de cet univers par le « petit bout de la lorgnette », par le biais d’une enquête policière visant à élucider un meurtre particulièrement sordide. Mais on devine tout de suite que se trame quelque chose de beaucoup plus conséquent qu’un simple assassinat. Cette enquête, rondement menée par l’Officieur de Justice Obicion nous dévoilera petit à petit toutes les facettes de cet univers complexe. Et puisqu’on parle de personnage, j’ai les ai particulièrement apprécié. Pas de surhomme mais des héros « improbables » : un inspecteur de police quasiment à la retraite, un capitaine de vaisseau défiguré par des méduses, une ramasseuse d’éponges de mer, un troubadour épicurien. Sans parler du « petit peuple », des êtres mutilés vivants dans l’En Dessous. Je ne saurais être complet sans parler du travail d’écriture de Jérôme Noirez. Ce bouquin est extrêmement bien écrit. Ça fait du bien de lire de la belle langue française. Il y a un très gros travail sur les sonorités qui donnent une atmosphère tout particulière.
Ce livre est une véritable tuerie et un très gros coup de cœur!