[Manga] Saint Seiya / Masami Kurumada

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Albéric
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[Manga] Saint Seiya / Masami Kurumada

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[video]https://www.youtube.com/watch?v=Bu533OKYHyc[/video]

Les véritables héros ne meurent jamais, et ceux de la saga Saint Seiya démarrée en 1986 sont plus vivants que jamais :
- 6 séries en manga et 8 séries en anime
- 6 films (donc le dernier en 3D sort dans les salles français en février 2015)
- 11 jeux vidéos officiels, des jeux de rôles et des jeux de bastons amateurs en veux-tu en voilà !
- des milliers et des milliers de fanfictions, de fanarts, de fanfilms réalisés aux quatre coins du monde
La série initiale a marqué une génération, et la formule marche bien avec les nouvelles générations. ^^

Masami Kurumada a eu une idée géniale : associer mythologie et astrologie à tous les ingrédients du nekketsu (qu’on associe bien souvent, et à juste titre, au genre shonen en France). Mais, je reste persuadé qu’il n’a jamais été à la hauteur de cette idée : il suffit de comparer les avatars de la saga qu’il a supervisé et ceux qu’il n’a pas supervisé pour voire que la différence de qualité saute aux yeux.


C’est typiquement années 80 avec une narration à la va comme je te pousse (Pavlik copyright ^^) et des transitions abruptes entre les scènes. Je me suis demandé plusieurs fois s’il ne manquait pas des pages ici ou là (j’ai même rouspété contre mon libraire de l’époque tellement j’étais persuadé qu’il manque 1 planche ou 2 … c’est vous dire ! ^^)
Les arcs suivent peu ou prou le même modèle : cette gourdasse de Saori Kido (mélange de déesse de la guerre et de bouddha rédempteur) saute à pied joint dans le piège du grand méchant du moment, et ses 5 chevaliers de bronze vont devoir successivement affronter en duel les membres de la garde rapprochée dudit méchant du moment. Seiya ouvre et clôture les combats, Shiryu se sacrifie et perd la vue avec un droit de quota de flashbacks, Hyoga doit combattre un être cher tout en pleurant sa défunte mère avec un droit de quota de flashbacks, Shun crie à la face du monde son amour de la paix et son dégoût de la violence, ce qui oblige son frère badass à rappliquer pour lui sauver les miches. Il meurt et ressuscite, ou il ressuscite puis il meurt (c’est selon en fait ^^).
Le manga peut vite devenir répétitif puisque qu’il utilise continuellement les mêmes trucs narratifs ou visuels avec une effrayante régularité (mais même cette répétitivité est devenue légendaire)… Genre les personnages dont les visages restent masqués par l’ombre du casque pour mieux révéler leurs identités ultérieurement, ou les dialogues du style :
- Quoi ? C’est impossible ! Un chevalier de bronze ne peut pas blablabla…
- Oui, mais une même attaque ne marche pas deux fois sur le même chevalier ! (et hop, on insère un monologue sur l’espoir et l’amitié… ^^)


Et question charadesign, c’est en permanence la guerre des clones au vu de la palette très réduite de visages et d’expression développée par le mangaka :
- le bagarreur aux cheveux courts (en version good guy ou en version bad guy)
- le bagarreur aux cheveux longs (souvent beau gosse, d’où sa ressemblance avec les personnages féminin qui a souvent trompé les comédiens de doublage français)
- le gros balaise et musclé
- le petit laid voire hideux
- le maigre fourbe et vicieux
Quand les personnages le rentre pas dans un de ces moules, ils correspondent à un mélange des modèles présentés ci-dessus.
Les personnages féminins ? Ils n’ont même pas droit à un peu de variété et sont tous des variations du même modèle initial.

Au final les dessins sont désuets voire datés, et c’est peut-être encore pire au niveau des trames utilisées. Ils l’étaient dès les années 1980 car ils lorgnent beaucoup sinon largement sur ceux de Go Nagai dont l’apogée de la carrière se situe dans la première moitié des années 1970 (on peut aussi noter une similitude dans le charadesign masculin avec les toutes premières créations de Buichi Terasawa : c’était vraiment un style seventies). Il lui emprunte vraiment pas mal de trucs : le dynamisme et l’efficacité de la mise en scène certes, ainsi que quelques répliques ou punchlines à l’occasion, mais aussi plusieurs thématiques comme un trope pour l’Antiquité grecque, un trope pour le mélange entre nekketsu et culture mecha, un trope pour l’horreur et le gore, qui pointe régulièrement le bout de son nez dans les œuvres de l’auteur avec quelques planches bien violentes sinon bien sanguinolentes…
C’est d’autant plus dommage que les décors sont souvent très détaillés et très réussis, pour ne pas dire magnifiques (dès le tome 1 on peut ainsi noter une superbe reprise de La Bataille d’Alexandre d’Albrecht Altdorfer, un très bel amphithéâtre en ruine au sanctuaire, et quelques planches du plus bel effet consacrées aux créatures mythologiques). Une telle inégalité des graphismes est vraiment frustrante, on sent bien la différence entre le manga correct et le manga d’exception… Nous étions alors à l’époque de gestation du genre shonen…


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J’ai adoré l’anime, magnifié par les travaux de 2 grands artistes : Shingo Araki le charadesigner et Seiji Yokoyama le compositeur. Je l’ai adoré au point qu’il fait désormais de moi-même et que je replonge à chaque fois. C’est pour cela que je suis autant mitigé devant les limitations narratives et graphiques du manga d’origine. Mais bon sang ne saurait mentir, car qu’est-ce qu’on nous raconte ?
Nombre des dialogues semblent sortir tout droit de la controverse des Méliens, texte retranscrit par Thucydide dans sa Guerre du Péloponnèse, où les Athéniens expliquaient qu’en ce bas monde il n’existait pas d’autre loi que celle du plus fort… avant d’être châtiés par les dieux lors de la débâcle de l’expédition de Sicile.
Dans les récits antiques, les dieux châtiait la démesure des hommes, dans Saint Seiya ce sont les hommes qui châtient la démesure des dieux, véritables allégories des puissants qui se croient au-dessus du commun des mortels.
Au XXI siècle, la réincarnation d’Athéna Saori kido se dresse contre les siens pour détruire l’ordre établi par les dieux. Elle est à fois le Bouddha Kannon (celui qui compatit et pardonne) et le Bouddha Miroku (celui qui élève et éveille).
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Au XVI siècle, les partisans du mouvement Ikko-Ikki se dressaient contre les daimyos pour détruire l’ordre féodal et fonder une société plus juste et plus égalitaire, basée sur la fraternité et la solidarité. Ils furent massacrés jusqu’au dernier par Oda Nobunaga, le premier unificateur du Japon mais aussi son premier tyran…
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Le Grande Pope, c’est un nouvel Oda Nobunaga qui veut unifier le monde par la force, mais la Bataille du Sanctuaire c’est la revanche des défenseurs des faibles et des opprimés sur les tenants de la loi du plus fort.
Même si tout est passé à la moulinette de la mythologie grecque, il faut quand avoir des couilles pour aborder ces thématiques au Pays du Soleil Levant qui a longtemps érigé en principe de vie la soumission absolue aux puissants. Et en plus Masami Kurumada enfonce le clou avec le personnage de Seiya, qui emprunte tout ou presque à celui de Joe Kabuki. Qui est Joe Kabuki ? Le héros rebelle du manga Ashita no Joe, l’œuvre fondatrice du nekketsu et l’œuvre culte de la génération 68, qui fut stoppé sur ordre du gouvernement japonais…
Bats-toi pour demain Seiya !!! :c/:

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