Les tentacules de la pieuvre

La partie principale sur le cycle
kofboay
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Les tentacules de la pieuvre

Message non lu par kofboay »

Voici ma tentative de traduction de "The arms of the kraken" qui, jusqu'à preuve du contraire, n'a pas encore été traduit en français. J'ai commencé cette trad sur la ML valar_dohaerys mais étant tout seul à traduire ça traîne trop. J'espère donc trouver sur ce forum d'autres bonnes volontés pour m'aider à avancer plus vite.

Ceux qui veulent avoir la VO pour faire la traduction, envoyez-moi un mail et je vous l'envoie. Pour des raisons légales je pense qu'on ne peut pas poster ici la VO.

Si vous pensez trouver des termes qui ne conviennent pas dans la traduction (je ne suis pas anglophone :oops: ...) n'hésitez pas à me corriger.

kof
Modifié en dernier par kofboay le 02 avr. 2004, 12:40, modifié 1 fois.
kofboay
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CHAPITRE I - LE PROPHETE

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LES TENTACULES DE LA PIEUVRE


LE PROPHETE

Aeron Damphair noya des hommes sur Grand Wyk lorsqu’ils vinrent lui annoncer la mort du roi.

C’était une matinée morne et froide, et la mer était aussi plombée que le ciel. Les trois premiers hommes avaient offert leurs vies au Dieu Noyé sans aucune crainte, mais le quatrième avait peu de foi, et commençait à se débattre tandis que ses poumons manquaient d’air. Debout, les vagues lui arrivant à la taille, Aeron saisit le garçon nu par ses épaules et rejeta sa tête en arrière tandis qu’il essaya de reprendre son souffle. « Sois courageux » dit-il. « Nous venons de la mer, et dans la mer nous devons retourner. Ouvre ta bouche et bois la bénédiction de dieu. Remplis tes poumons d’eau, que tu puisses mourir et renaître. Cela ne sert à rien de résister. »

Ou bien le garçon ne pouvait pas l’entendre avec sa tête sous l’eau, ou bien sa foi l’avait complètement déserté. Il commençait à donner des coups de pied et se débattait si frénétiquement qu’Aeron dut appeler de l’aide. Quatre de ses noyés vinrent pour saisir le malheureux et le maintenir sous l’eau. « Seigneur Dieu qui s’est noyé pour nous, » le prêtre pria, avec une voix aussi profonde que la mer, « laisse ton servant Emmond renaître de la mer, comme toi. Bénit le par le sel, bénit le par la pierre, bénit le par le fer. »

Finalement ce fut fait. Plus aucune bulle d’air ne sortait de ses poumons, et toute force s’en fut allée de ses membres. La face sous la mer peu profonde Emmond flottait, pâle et froid et paisible.

Ce fut à moment-là que Damphair remarqua trois cavaliers parmi ses noyés sur le rivage caillouteux. Aeron reconnut le Sparr, un vieil homme aux yeux humides dont la voix chevrotante faisait force de loi dans cette partie de Grand Wyk. Son fils Steffarion l’accompagnait, avec un autre jeune homme dont le manteau de fourrure rouge foncé était épinglé aux épaules avec une broche ornée du cor de guerre noir et or Bonfrère. Un des fils de Gorold, trancha le prêtre d’un coup d’œil. L’épouse de Bonfrère avait eu trois fils à un âge avancé, après une douzaine de filles, et on disait que personne ne pouvait distinguer un fils des autres. Aeron Damphair ne daigna pas essayer. Que celui-ci fût Greydon ou Gormond ou Gran, le prêtre n’avait pas de temps à lui consacrer.

Il gronda un ordre brusque, et ses noyés s’emparèrent du garçon mort par ses bras et jambes pour le soulever au dessus des vagues. Le prêtre suivit, nu mais une peau de phoque couvrait ses parties intimes. Ayant la chair de poule et dégouttant d’eau de mer il pataugea vers la terre ferme, à travers le sable froid et mouillé et les galets sans cesse frottés par la mer. Un de ses noyés lui tendit une lourde robe rugueuse tachetée de verts, de bleus et de gris, les couleurs de la mer et du Dieu Noyé. Aeron revêtit la robe et libéra ses cheveux. Noirs et humides étaient ses cheveux ; Aucune lame ne les avait touchés depuis que la mer l’avait rendu. Ils drapaient ses épaules tel un manteau en lambeaux et tombaient jusqu’à sa taille. Aeron tissait des fils d’algues à travers ses cheveux et sa longue barbe enchevêtrée.

Ses noyés formèrent un cercle autour du garçon mort et prièrent. Norjen s'occupa de ses bras pendant que Rus s’agenouilla à califourchon sur lui, pompant sa poitrine, mais tous s’écartèrent pour laisser place à Aeron. Il écarta les lèvres froides du garçon avec ses doigts, et donna à Emmond le baiser de la vie, encore et encore, jusqu’à ce que la mer ressortît de sa bouche. Le garçon commença à tousser et cracher, et ses yeux clignèrent, pleins de peur.

Un autre était revenu. C’était un signe de la faveur du Dieu Noyé, disaient les hommes. Tous les autres prêtres perdaient un homme de temps en temps, même Tarle le Thrice-Noyé, qui avait une fois été considéré comme tellement saint qu’il fut choisi pour couronner un roi. Mais jamais Aeron Greyjoy. Il était le Damphair, qui avait vu la demeure aquatique de dieu et était revenu pour en parler. « Lève-toi » dit-il au garçon en train de bafouiller, tandis qu’il lui donna une tape dans son dos nu. « Tu étais noyé et nous as été rendu. Ce qui est mort ne saurait mourir à nouveau. »

« Alors relève-toi. » Le garçon toussa violemment, rendant encore plus d’eau. « Relève-toi à nouveau. » Chaque mot était prononcé avec douleur, mais le monde était comme cela; un homme devait se battre pour vivre. « Relève-toi à nouveau. » Emmond tituba. « Plus fort. Et plus vigoureux. »

« Tu appartiens désormais au dieu, » lui dit Aeron. Les autres noyés se recueillirent, et lui donnèrent chacun un coup de poing et un baiser pour l’accueillir dans la fraternité. Quelqu’un l’aida à vêtir la rugueuse robe tachetée de bleu, de vert et de gris. Un autre lui remit le gourdin de bois flotté. « Tu appartiens à la mer maintenant, et la mer t'a armé, » dit Aeron. « Nous prions pour que tu saches manier ton gourdin férocement, contre tous les ennemis de notre dieu. »

Alors seulement le prêtre se tourna vers les trois cavaliers qui regardaient la scène depuis leurs selle. « Etes-vous venus pour être noyés mes seigneurs ? »

Le Sparr toussa. « J’ai été noyé lorsque j’étais jeune, » dit-il, « et mon fils depuis le jour où il a récu son nom. »

Aeron grogna. Que Steffarion Sparr eût été donné au Dieu Noyé aussi tôt après sa naissance il n’en doutait pas. Il connaissait cette coutume, un rapide plongeon dans une baignoire d’eau de mer qui humidifiait à peine la tête de l’enfant. Les fer-nés avaient été conquis, eux qui avaient étendu une fois leur domination partout où on entendait le son des vagues. « Ce n’est pas la vrai noyade, » dit-il aux cavaliers. « Celui qui ne meurt pas véritablement ne peut espérer revenir d’entre les morts. Pourquoi êtes-vous venu si ce n’est pas pour prouver votre foi ? »

« Le fils de lord Gorold est venu vous chercher pour vous apporter une nouvelle. » Le Sparr indiqua le jeune au manteau rouge.

Le garçon paraissait n’avoir pas plus de six ou sept ans. « Oui, et lequel êtes-vous ? » demanda Aeron.

« Gormond. Gormond Bonfrère pour vous servir mon seigneur. »

« C’est le Dieu Noyé que nous devons servir. Avez-vous déjà été noyé Gormond Bonfrère ? »

« Le jour où on m’a nommé, Damphair. Mon père m’a demandé de vous trouver et vous amener à lui. Il a besoin de vous voir. »

« Et bien me voici. Que lord Gorold vienne et assouvisse ses yeux. » Aeron prit de Rus un ballon en cuir, fraîchement rempli d’eau de mer. Le prêtre arracha le bouchon et but une gorgée.

« Je suis venu pour vous mener au château, » insista le jeune Gormond du haut de sa monture.

Il avait peur de descendre de cheval, de crainte de mouiller ses bottes. « J’ai du travail pour dieu. » Aeron Greyjoy était un prophète. Il ne supportait pas que d’insignifiant seigneur lui donnât ainsi des ordres.

« Gorold a reçu un oiseau, » dit le Sparr.

« Un oiseau de mestre, de Pyk, » confirma Gormond.

Noires ailes, noires nouvelles, « Les corbeaux volent à travers sel et pierre. S’il y a des nouvelles me concernant, dites-moi maintenant. »

« Le genre de nouvelles que nous apportons est destiné à vos oreilles seules Damphair, » dit le Sparr. « Je n’aimerais pas en parler devant les autres. »

« Ces autres sont mes hommes noyés, serviteurs de dieu, comme moi. Je n’ai nul secret à leur dissimuler, ni à dieu dont la mer sacrée se trouve juste à côté de moi. »

Les cavaliers s’échangèrent des regards. « Dites-lui, » dit le Sparr, et le jeune garçon au manteau rouge rassembla son courage. « Le roi est mort, » dit-il simplement. Quatre petits mots, cependant la mer elle-même tremblait lorsqu'il les prononçait.

Il y avait quatre rois à Westeros, cependant Aeron n’avait pas besoin de demander de qui il s’agissait. Balon Greyjoy régnait dans les Iles de Fer, et pas un autre. Le roi est mort. Comment est-ce possible ? Aeron avait vu son frère aîné il y avait moins d’une lune de cela, lorsqu’il était retourné aux Iles de Fer après avoir pillé le "Stony Store". Les cheveux gris de Balon étaient devenus à moitié blancs pendant que le prêtre était ailleurs, et ses épaules étaient plus voûtées que lorsque les navires avaient mis les voiles. Cependant le roi ne semblait pas malade.

La vie d’Aeron Greyjoy réposait sur deux puissants piliers. Ces quatre mots venaient d’en abattre un. Il ne me restait plus que le Dieu Noyé. Puisse-t-il me rendre aussi fort et infatigable que le mer. « Dites-moi comment est mort mon frère. »

« Sa majesté traversait un pont à Pyke lorsqu’il est tombé, et s’est fracassé sur les roches en dessous.»

Le bastion des Greyjoy se trouvait sur un promontoire cassé, ses donjons et tours construits au sommet d’un empilement de pierres massives qui sortaient de la mer. Les ponts reliaient Pyke ensemble ; des ponts en arches de pierres taillées, séparés par des cordes de chanvre et des planches de bois. « La tempête faisait-elle rage quand il est tombé ? » leur demanda Aeron.

« Oui, » dit le garçon.

« Le Dieu des Tempêtes l’a abbatu, » annonça le prêtre.




A SUIVRE...
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Supernounours
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Message non lu par Supernounours »

Merci kofboay c'est cool 8)
En bel effort qui fera patienter certains (comme moi !)
tofleraleur
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Message non lu par tofleraleur »

ouai bravo c sympa à lire.
juste une question, ça correspond au prochain tome a feast for crows ou c une nouvelle à part
kofboay
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Message non lu par kofboay »

tofleraleur a écrit :ouai bravo c sympa à lire.
juste une question, ça correspond au prochain tome a feast for crows ou c une nouvelle à part
C'est une nouvelle à part (the arms of the kraken). Elle raconte les gesticulations et agitations côté Greyjoy après la mort de Balon.

kof
"L'âge de pierre ne s'est pas terminé par pénurie de pierres. On n'est pas passé du cheval à l'automobile par pénurie de foin."
tofleraleur
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Message non lu par tofleraleur »

ok merci, et surtout t'arrete pas de traduire, j'en veux encore stp :D
Lecture : Le Louvetier

je râle pas, j'explique
nadine
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Message non lu par nadine »

un petit cadeau avant de m'en aller (et comme j'ai encore l'accès) j'espère n'avoir marché sur aucune plate bande et si oui ben... sorrrryyy.
ahh et n'hésitez pas à me corriger, j'ai sûrement fait des erreurs, personne n'est parfait.

:D :D :D


Depuis des milliers et milliers d'années, le ciel et la mer ont été en guerre. De la mer viennent les Fer-nés, et le poisson qui les soutiennent même au plus profond de l'hiver, mais les tempêtes n'apportent que malheur et chagrin. "Mon frère Balon nous a rendus grands à nouveau, ce qui nous a valu la colère du Dieu des Tempêtes. Il festoie maintenant dans les salles humides du Dieu des Noyés, avec des sirènes pour le servir. Cela sera votre devoir pour vous qui restez dans cette vallée sèche et morne : achever son oeuvre." Il reboucha sa gourde de peau, "Je dois parler avec ton père. Quelle distance d'ici à Hammerhorn?"

"Six lieues. Vous pouvez monter en croupe avec moi."

"Un est plus rapide que deux. Donne-moi ton cheval, et le Dieu des Noyés te bénira."

"Prends mon cheval, Damphair," offrit Steffarion Sparr.

"Non. Sa monture est plus robuste. Ton cheval, mon garçon."

L'adolescent hésita le temps d'un battement de cil puis démonta et tendit les rennes à Damphair. Aeron fourra un pied nu noir dans l'étrier et se hissa en selle. Il n'appréciait pas trop les chevaux - c'était des créatures des terres vertes, qui rendaient les hommes faibles - mais la nécessité faisait loi. Ailes noires, noires nouvelles. Une tempête se préparait, il pouvait l'entendre dans les vagues et les tempêtes n'apportaient rien d'autre que du malheur. "Retrouvez-moi à Pebbleton sous la tour du Seigneur Merlyn, dit-il à ses Noyés, comme il tournait la tête de sa monture.
Le chemin était difficile, des collines et des forêts et des défilés de roches tout le long d'un chemin étroit qui semblait disparaître souvent sous les sabots du cheval. Great Wyl était la plus large des Iles de Fer, si vaste que certains Seigneurs avaient des propriétés qui ne faisaient même pas face à la Mer Sainte.
Gorold Goodbrother (Bonfrère) était un de ceux là. Son donjon était dans les collines d'Hardstone (PierreDure), aussi loin du royaume du Dieu des Noyés que n'importe quel endroit dans les Iles. Ses gens trimaient dans ses mines, roches noires sous la terre. Certains vivaient et mourraient sans même avoir jamais vu la mer. Pas étonnant que de tels gens soient hargneux et louches.

En chevauchant, les pensées d'Aeron se tournèrent vers ses frères.

Neuf fils étaient nés des reins de Quellon Greyjoy, le seigneur des Iles de Fer. Marlon, Quenton, et Donel étaient nés de sa première femme, originaire de Stonetrees (Arbres de pierre). Balon, Euron, Victarion, Urrigon et Aeron étaient ceux de sa seconde femme, une Sunderly de Saltcliffe. Comme troisième femme, Quellon prit une fille des terres vertes, qui lui donna un fils idiot et maladif nommé Robin, le frère oublié. Le prêtre n'avait aucun souvenir de Quenton et Donel, morts dans l'enfance. Marlon, il s'en souvenait vaguement, assis la mine grise sans bouger dans une salle de la tour sans fenêtre et parlant d'une voix basse qui allait diminuant à mesure que des écailles grises transformaient sa langue et ses lèvres en pierre. Un jour, nous festoieront ensemble de poisson dans les salles humides du Dieu des Noyés, nous quatre et Urri aussi.

Neuf fils étaient nés des reins de Quellon Greyjoy, mais seulement quatre avaient survécu jusqu'à l'âge adulte. C'était ainsi dans ce monde froid, où les hommes pêchaient dans la mer et creusaient le sol et mourraient, pendant que les femmes donnaient vie à des enfants à la vie courte dans des lits de sang et de souffrances. Aeron fut le dernier et le moindre des quatre krakens, Balon l'aîné et le plus hardi, un fier et téméraire garçon qui ne vécut que pour restaurer les Fer-nés dans leur ancienne gloire. A dix ans il escalada la tour hantée des falaises de silex du Seigneur Aveugle. A treize ans il pouvait (manœuvré?) un drakkar et danser la danse du doigt aussi bien qu'aucun homme dans les îles. A quinze ans il avait navigué avec Dagmer Cleftjaw jusqu'au Stepstones et passé un été à piller. Il tua son premier homme là, et prit ses deux premières femmes salées. A dix-sept ans Balon commandait son propre bateau. Il était tout ce qu'un frère aîné devrait être bien qu'il n'ait jamais montré à Aeron autre chose que du mépris. J'étais faible et rempli de péché et le dédain était plus que ce que je ne méritais. Mieux vaut être méprisé par Balon le brave qu'aimé d'Euron Crow's Eye (oeil de corbeau). Et si l'âge et le chagrin ont rendu Balon amer avec les années, ils l'ont aussi rendu plus déterminé qu'aucun homme vivant. Il était né fils de Seigneur et mort en Roi, assassiné par un Dieu jaloux, pensa Aeron, et maintenant une tempête venait, une tempête telle que ces îles n'en avaient jamais connu.

La nuit était tombée depuis longtemps quand le prêtre aperçut enfin les pointes ferrées des créneaux de Hammerhorn déchirant la lune descendante. Le donjon de Gorold était d'un bloc et massif, ses grandes pierres apportées de la falaise qui se profilait derrière lui. En dessous de ses murs des entrées de caves et d'anciennes mines baillaient comme des bouches noires édentées. Les portes ferrées de Hammerhorn avaient été fermées et barrées pour la nuit. Aeron les frappa à l'aide d'une pierre, jusqu'à ce que le raffut réveille un garde.

L'adolescent qui le fit entrer avait le visage de Gormond, celui à qui il avait prit le cheval. "Et toi, qui es-tu?" Aeron lui demanda.

"Gran. Mon père vous attend à l'intérieur."

La salle était humide et brouillon, remplie d’ombres. Une des filles de Gorold offrit une corne de bière au prêtre. Une autre tisonna un feu maussade qui donnait plus de fumée que de chaleur. Gorold Goodbrother lui-même parlait doucement avec un homme mince vêtu de superbes robes grises, qui portait à son cou une chaîne faite de nombreux métaux l’identifiant à un mestre de la Citadelle.

« Où est Gormond ? » Gorold demanda quand il vit Aeron.

« Il revient à pied. Renvoies tes femmes, Seigneur. Et le mestre aussi. » Il n’avait aucun amour pour les mestres. Leurs corbeaux étaient des créatures du Dieu des Tempêtes, et il n’avait aucune confiance en leur talent de guérisseurs, pas depuis Urri. Aucun homme digne de ce nom ne choisirait une vie d’esclavage, ni ne forgerait une chaîne de servitude pour la porter à son cou.

« Gysella, Gwin, laissez-nous. » Goodbrother dit courtoisement. « Toi aussi Gran. Mestre Murenmure restera. »

« Il partira » insista Aeron.

« Je suis chez moi, Damphair. Ce n’est pas à toi de dire qui reste et qui pars. Le mestre restera. »

L’homme vit trop loin de la mer, se dit Aeron. « Alors, c’est moi qui pars, » dit-il à Goodbrother. La sécheresse fit bruisser les craquelures de ses plantes de pied nus noirs comme il se tournait et marchait majestueusement vers la sortie. Il semblait qu’il avait chevauché bien longtemps pour bien peu, Damphair était presque à la porte quand le mestre s’éclaircit la voix et dit : « Euron Crow’s Eye occupe le trône de la Mer de pierre.

Le Damphair se retourna. Un grand froid tomba soudain dans la salle. Le Crow’s Eye est à la moitié d’un monde d’ici. Balon l’a banni il y a deux ans et jura qu’il y laisserait sa vie s’il revenait. « Dites-moi tout » dit-il d’une voix rauque.

« Il est arrivé à Lordsport le jour suivant de la mort du roi et a revendiqué le château et la couronne de par son droit d’aînesse sur Balon, » dit Gorold Goodbrother. « Maintenant il envoie des corbeaux de toute part, sommant les capitaines et les rois de chaque île depuis Pyke, à venir plier le genou et lui rendre hommage comme leur roi.

« Non. » Aeron Damphair ne pesait pas ses mots. « Seul un homme de foi peut s’asseoir sur le trône de la Mer de pierre. Le Crow’s Eye n’adore rien d’autre que sa propre fierté. »

« Tu étais sur Pyke il y a peu et vu le roi, » dit Goodbrother. « Balon t’a t’il parlé de la succession ? »

Oui. Ils avaient parlés dans la Tour de la Mer, comme le vent hurlait au-dehors des fenêtres et que les vagues s’écrasaient sans cesse en dessous. Balon avait secoué la tête de désespoir quand Aeron lui avait parlé de son dernier fils « les loups en ont fait une femmelette, comme je le craignais, » avait dit le roi. « Je prie Dieu qu’ils l’aient tué, ainsi il ne pourra pas se tenir sur le chemin d’Asha. » C’était l’aveuglement de Balon ; il se voyait dans sa sauvage et entêtée de fille et croyait qu’elle pourrait lui succéder. Il avait tort, et Aeron avait essayé de lui faire comprendre. « Aucune femme ne dirigera jamais les Fer-nés, pas même une femme comme Asha, » insista t-il, mais Balon savait être sourd aux choses qu’il ne souhaitait pas entendre.

Avant que le prêtre puisse répondre à Gorold Goodbrother, la bouche du mestre claqua de nouveau « De bon droit, le trône échoit à Théon, où Asha si le prince est mort. C’est la loi. »

« La loi des terres vertes, » dit Aeron avec mépris. « Qu’est ce que c’est à nos yeux ? Nous sommes des Fer-nés, les fils de la mer, choisis par le Dieu des Noyés. Aucune femme ne règnera sur nous, et ni aucun homme impie. »

« Et Victarion ? » demanda Gorold Goodbrother. “ Il a la flotte de Fer. Va t-il faire une revendication, Damphair ? »

« Euron est l’aîné… » commença le mestre.

Aeron le réduisit au silence d’un regard. Aussi bien dans les petits villages de pêcheurs que dans les grands donjons de pierre, un tel regard de Damphair feraient s’évanouir les jeunes filles et enverraient les enfants gémir dans les jupes de leur mères, et il fut plus que suffisant pour étouffer l’esclave à la chaîne. « Euron est l’aîné, » le prêtre dit, « mais Victarion est plus pieux. »

« Y aura t-il une guerre entre eux ? » demanda le mestre.

« Les Fer-nés ne doivent pas répandre le sang des Fer-nés. »

« Un pieu sentiment, Damphair, » dit Goodbrother, « mais pas un que tes frères partagent. Il a fait noyer Sawane Botley pour avoir dit que le trône revenait de droit à Théon. »

« S’il a été noyé, aucun sang n’a coulé, » dit Aeron.

Le mestre et le seigneur échangèrent un regard. « Je dois envoyer une réponse à Pyke, et rapidement, » dit Gorold Goodbrother. « Damphair, je voudrais ton conseil. Qu’elle sera t-elle, hommage ou défi »

Aeron tira sur sa barbe, et réfléchit. J’ai vu la tempête, et son nom est Euron Crown’s Eye. « Pour le moment, ne renvoie que ton silence, » dit-il au seigneur. « Je dois prier pour ceci. »

« Pries tant que tu veux, » le mestre dit, « ça ne change pas la loi. Theon est le véritable héritier, et Asha ensuite. »

« Silence ! » rugit Aeron. « Trop longtemps les Fer-nés vous ont écouté, vous les mestres enchaînés discourant des terres vertes et de leurs lois. Il est temps d’écouter la mer à nouveau. Il est temps d’écouter la voix de Dieu. » Sa propre voix résonna dans cette salle enfumée si pleine de puissance que ni Gorold Goodbrother ni son mestre n’osa répliquer. Le Dieu des Noyés est avec moi, pensa Aeron. Il m’a montré la voie.

Goodbrother lui offrit l’hospitalité du château pour la nuit mais le prêtre la refusa. Il avait à peine fermé l’œil dans une chambre de château et jamais si loin de la mer. « Le confort, je le connaîtrais dans les salles humides du dieu des noyés sous les vagues. Nous sommes nés pour souffrir, afin que par elles nous soyons rendus plus forts. Tout ce que je demande, c’est un cheval frais qui me portera jusqu’à Pebbleton. »

Ce que Goodbrother était content de fournir. Il envoya son fils Greydon aussi, afin de montrer au prêtre le plus court chemin à travers les collines jusqu’à la mer. Il restait encore une heure avant le lever du soleil quand ils se mirent en route mais leurs montures étaient hardies et avaient le pied sûr, et ils tinrent bon train malgré la nuit. Aeron ferma ses yeux et pria silencieusement et après quelque temps commença à somnoler en selle.

Le son vint doucement, le crissement d’une charnière rouillée. « Urri, » murmura t-il et il s’éveilla, effrayé. Il n’y a aucune charnière, aucune porte et pas d’Urri. Une hache volante avait emporté la moitié de la main d’Urri quand il avait quatorze ans, jouant à la danse du doigt pendant que son père et ses frères aînés étaient partis en guerre. La troisième femme du Seigneur Quellon avait été une Piper du château de Pinkmaiden, une fille avec de gros seins doux et des yeux de biche marrons. Au lieu de soigner la main d’Urri de l’ancienne façon, avec de l’eau salée et du feu, elle le confia aux soins de son mestre de terre verte, qui jura qu’il pourrait recoudre les doigts manquants. Ce qu’il fit, et plus tard il utilisa des potions et des cataplasmes et des herbes, mais la main se mortifia et la fièvre gagna Urri. Au temps où le mestre lui scia son bras, il était trop tard.

Le seigneur Quellon ne revint jamais de son dernier voyage ; le Dieu des Noyés dans sa mansuétude lui accorda une mort en mer. Ce fut le Seigneur Balon qui revint, avec ses frères Euron et Victarion. Quand Balon apprit ce qu’il était advenu à Urri, il ôta trois des doigts du mestre avec un hachoir de cuisine et envoya sa belle-mère de Piper les lui recoudre. Les cataplasmes et les potions marchèrent aussi bien sur le mestre qu’elles l’avaient fait sur Urrigon. Il mourut en délirant et la troisième femme du Seigneur Quellon le suivit peu après, comme la sage femme tirait une fille morte née de sa matrice. Aeron avait été content. Ça avait été sa hache qui avait cisaillé la main d’Urri, alors qu’ils dansaient la danse du doigt ensemble comme des frères ou des amis le feraient.

.....

A SUIVRE !!!

(édité pour cause de corrections)
Modifié en dernier par nadine le 27 avr. 2004, 12:51, modifié 1 fois.
Si tu le construis... il viendra
kofboay
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Message non lu par kofboay »

nadine a écrit :un petit cadeau avant de m'en aller (et comme j'ai encore l'accès) j'espère n'avoir marché sur aucune plate bande et si oui ben... sorrrryyy.
ahh et n'hésitez pas à me corriger, j'ai sûrement fait des erreurs, personne n'est parfait.

:D :D :D

merci nadine. Ne t'inquiète pas, tu ne marches sur aucune plate bande de personne : la seule règle est de traduire ce qui n'est pas encore traduit, ce que tu as fait :).

Pour des raisons pratique pour le lecteur il faut traduire à chaque fois la suite immédiat de ce qui a été traduit, ce que tu as fait aussi.

Excellente traduction en plus.

kof
"L'âge de pierre ne s'est pas terminé par pénurie de pierres. On n'est pas passé du cheval à l'automobile par pénurie de foin."
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Supernounours
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Message non lu par Supernounours »

Merci Nadine d'avoir accéder à notre requète 8) .
La traduction me parait très réussie... :D
T'as du y passer du temps, c'est vraiment sympa de nous faire ce cadeau. Il est donc normal que je te décerne (officieusement) le titre de Reine du Forum :wink:
Reviens nous vite !
arsenie
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Message non lu par arsenie »

Bravo, Nadine et merci! :D
Excellente idée, SNounours :Nadine, reine du forum 8) je vote pour :lol:
En espérant que l'exil sera court, à Bientôt! :wink:
tofleraleur
Porte Etendard
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Message non lu par tofleraleur »

merci nadine, revient vite on veut la suite :wink:
Lecture : Le Louvetier

je râle pas, j'explique
nadine
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Message non lu par nadine »

houlà.. :oops: :oops: arrêtez z'allez me faire rougir... merci :D
Si tu le construis... il viendra
nadine
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Message non lu par nadine »

LA SUITE....


Il se rappelait toujours avec honte les années qui avaient suivi la mort d’Urri. A seize ans il se déclara un homme mais en vérité il n’était qu’une outre de vin sur pieds. Il chantait, il dansait (mais pas la danse du doigt, plus jamais) il plaisantait et bredouillait et se moquait. Il jouait de la cornemuse, il jonglait, montait à cheval et pouvait boire bien plus que les Wynche et les Botley et la moitié des Harlaw aussi. Le Dieu des Noyés avait fait un don à tous les hommes, même à lui ; aucun homme ne pouvait pisser plus loin ni plus longtemps qu’Aeron Greyjoy, comme il le démontrait à chaque fête. Une fois, il avait même parié son nouveau drakkar contre un troupeau de chèvres qu’il pourrait éteindre un feu de cheminée seulement avec sa bite. Aeron festoya de chèvre durant un an, et nomma son drakkar Tempête Dorée, bien que Balon l’aie menacé de le pendre à son mât quand il eut vent de quelle sorte de tête de proue son frère voulait équiper son navire.

Finalement le Tempête Dorée coula au large de Fair Isle pendant la première rébellion de Balon, coupé en deux par une galère de guerre appelée Furie quand Stannis Baratheon prit Victarion au piège et écrasa la Flotte de Fer. Mais le Dieu n’en avait pas terminé avec Aeron et il s’échoua sur une plage. Quelques pêcheurs le retinrent prisonnier et le conduisirent enchaîné à Port Lannis où il passa le reste de la guerre dans les entrailles de Casterly Rock, prouvant que les krakens peuvent pisser plus loin et plus longtemps que les lions, les ours ou les poulets.

Cet homme n’est plus. Aeron s’était noyé et était né de nouveau de la mer, prophète de son dieu. Aucun homme ne lui faisait peur désormais, pas plus que les ténèbres…, ni les souvenirs, ossements de l’âme. Le bruit d’une porte qui s’ouvre. Le crissement d’une charnière rouillée. Euron était de retour. Cela n’avait pas d’importance. Il était Damphair le prêtre, bien aimé de son dieu.

« Y aura t-il la guerre ? » demanda Greydon Goodbrother comme le soleil éclairait les collines. « une guerre fratricide ? »

« Si c’est la volonté du Dieu des Noyés. Aucun homme impie ne saurait s’asseoir sur le Trône de la Mer de Pierre. » L’œil de corbeau se battra, ça c’est certain. Aucune femme ne le vaincra, pas même Asha ; les batailles des femmes se trouvaient dans les lits de l’enfantement. Et Theon, s’il était vivant, était tout aussi désespérant, un garçon fait de bouderies et de sourires. A Winterfell il avait démontré sa valeur, autant soit-elle, mais l’œil de Corbeau n’avait rien d’un enfant estropié. Les ponts des vaisseaux d’Euron étaient peints en rouge, pour mieux dissimuler le sang dont ils étaient imprégnés. Victarion. Le roi doit être Victarion, ou la tempête va tous nous emporter.

Au lever du soleil, Greydon le laissa pour porter les nouvelles de la mort de Balon à ses cousins aux tours de Downdelving, au donjon de Crow Spike et au lac Corpse. Aeron poursuivit seul, gravissant des collines et dévalant des vallées suivant un chemin rocailleux allant s’élargissant et plus usité à mesure qu’il se rapprochait de la mer. Il s’arrêta pour prêcher dans chaque village ainsi que dans chaque cour de petit seigneur. « Nous sommes nés de la mer, et à la mer nous retournerons » leur dit-il, d’une voix aussi profonde que l’océan, et aussi tonitruante que les vagues. « Le Dieu des Tempêtes a arraché Balon à son château pour le jeter à la mer, dans sa colère et maintenant il festoie dans les salles humides du Dieu des Noyés » Il leva ses mains « Balon est mort ! Le roi est mort ! Déjà un autre viendra ! Car ce qui est mort ne mourra plus mais se dressera de nouveau, plus vigoureux et plus fort ! Un roi se lèvera ! »

Quelques-uns uns de ceux qui l’entendirent jetèrent leurs houes et leurs pioches pour le suivre, si bien que quand il entendit le rugissement des vagues, une douzaine d’hommes marchaient derrière son cheval, touchés par la grâce et désireux d’être noyés.

Pebbleton était le fief d’environ un millier de pêcheurs et leurs familles occupant des masures entassées autour d’une tour carrée flanquée d’une tourelle à chacun de ses coins. Deux (score) marquages? des noyés d’Aeron l’y attendait, campés le long d’une plage de sable gris dans des tentes de peaux de phoques et des abris faits de bois flotté. Leurs mains étaient durcies par l’eau salée, écorchées par les filets et les lignes, calleuses par les rames, pioches et haches, mais maintenant ces mains agrippaient des gourdins de bois flotté aussi dur que du fer, car le dieu les avaient armés avec son propre arsenal sous-marin.

Ils avaient construit un abri pour le prêtre juste au-dessus de la ligne de la marée. Il y rampa avec gratitude une fois qu’il eut noyé ses nouveaux disciples. Mon dieu, pria t-il, parle moi dans le vacarme de tes vagues et montre moi le chemin. Les capitaines et les rois attendent ta réponse. Qui nous dirigera à la place de Balon ? Chante-le-moi dans la langue du Léviathan que je connaisse son nom. Dis-moi, oh seigneur sous les vagues, qui aura la force de combattre la tempête de Pyke ?

Alors que son périple jusqu’à Hammehorn l’avait laissé épuisé, Aeron Damphair était inquiet dans son abri de bois flotté, recouvert du chiendent noir de la mer. Les nuages se déroulèrent pour voiler la lune et les étoiles, et les ténèbres descendirent aussi épaisses sur les eaux que sur son âme. Balon préférait Asha, l’enfant de sa chair, mais une femme ne pouvait régner sur les fer-nés. Il faut que ça soit Victarion. Neuf fils étaient nés des reins de Quellon Greyjoy, et Victarion était le plus fort, un homme taureau, sans peur et dévoué. Et de là vient notre danger. Un frère cadet doit obéissance à son aîné, et Victarion n’était pas homme à naviguer à contre-courant. Il n’avait aucune sympathie pour Euron, pourtant. Pas depuis la mort de la femme.

A l’extérieur, sous le ronflement de ses noyés et la vivacité du vent, il pouvait entendre le cognement des vagues, le marteau de son dieu l’appelant à la bataille. Aeron rampa hors de son petit abri dans la nuit fraîche. Nu il se tint, pâle, décharné et grand, et nu il avança dans les flots noirs salés. L’eau était gelée, pourtant il ne recula pas sous la caresse de son dieu. Une vague s’écrasa sur sa poitrine, le renversant. La suivante s’écrasa au-dessus de sa tête. Il sentit le sel sur ses lèvres et son dieu tout autour de lui, et dans ses oreilles résonnèrent son chant glorieux. Neuf fils étaient nés des reins de Quellon Greyjoy, et j’étais le moindre d’eux tous, aussi faible et effrayé qu’une fille. Mais plus maintenant. Cet homme a été noyé et le dieu m’a rendu fort. L’eau froide salée l’entourait, l’embrassait, pénétra sa chair faible d’homme et toucha ses os. Os, pensa t-il. Les ossements de l’âme. Les ossements de Balon et d’Urri. La vérité est dans nos os, car la chair pourrit et les os persistent. Et sur la colline de Nagga, les ossements de la grande salle du Roi Gris…

Et décharné et pâle et frissonnant, Aeron Damphair avança péniblement jusqu’au rivage, en homme plus sage que lorsqu’il y était rentré. Parce qu’il avait trouvé sa réponse dans ses os et que la voie était claire devant lui. La nuit était si froide que son corps semblait fumer comme il regagnait son abri, mais un feu brûlait dans son cœur et le sommeil le gagna rapidement pour cette fois, ininterrompu par les crissements d’une charnière de fer.

Quand il s’éveilla, la journée était brillante et venteuse. Aeron déjeuna d’un bouillon de clams et d’algues cuisiné sur un feu de bois flotté. A peine avait-il terminé que Le Merlyn descendit de sa tour avec une demi-douzaine de gardes le cherchant, « Le roi est mort, » lui dit le Damphair.

« Oui. J’ai eu un oiseau. Et maintenant un autre, » Le Merlyn était un homme chauve rond bien en chair qui se désignait lui-même « Seigneur » à la manière des terres vertes, et se paraît de fourrures et de velours. « Un corbeau me sommant à Pyke, un autre au Dix Tours. Vous les krakens avez trop de bras, vous écartelez un homme en morceaux. Que dis-tu, prêtre ? Ou dois-je envoyer mes drakkars ? »

Aeron se renfrogna. « Aux Dix Tours, dis-tu ? Quel kraken t’appelle là-bas ? » Les Dix Tours étaient le siège du Seigneur d’Harlaw.

« La princesse Asha. Elle a tourné ses voiles vers sa maison. Le Lecteur envoie des corbeaux, sommant tous ses amis à Harlaw. Il prétend que Balon voulait qu’elle s’assoie sur le Trône de la Mer de Pierre. »

« Le Dieu des Noyés décidera qui s’assiéra sur le Trône de la Mer de Pierre, » le prêtre répondit. « Agenouilles-toi, que je te bénisse. » Le Seigneur Merlyn tomba à genoux, et Aeron déboucha son outre et versa un filet d’eau de mer sur son crâne chauve. « Seigneur Dieu qui s’est noyé pour nous, laisses Meldred ton serviteur renaître de la mer. Bénis le avec le sel, bénis le avec la pierre, bénis le avec le fer. » L’eau coula sur les grosses joues de Merlyn jusqu’à sa barbe et son manteau de renard, « Ce qui est mort ne peut plus mourir, » finit Aeron, « mais se relèvera, plus vigoureux et plus fort. » Mais quand Merlyn se releva, il lui dit, « Restes et écoutes, pour que tu puisses répandre la parole de dieu. »

Trois pieds au-dessus de l’eau des vagues se brisaient sur une grosse pierre de granite arrondie roulée. C’était là qu’Aeron Damphair se tenait afin que tous puissent le voir, et puissent entendre ses paroles. « Nous sommes nés de la mer, et à la mer nous retournerons, » commença t-il, comme il l’avait déjà fait des centaines de fois. « Le Dieu des Tempêtes a arraché Balon à son château pour le jeter à la mer, dans sa colère et maintenant il festoie sous les flots » Il leva ses mains. « Le roi de fer est mort pourtant un roi devra revenir ! Car ce qui est mort ne mourra plus mais se relèvera, plus vigoureux et plus fort ! »

« Un roi se relèvera ! » les noyés crièrent.

« Il devra. Il doit. Mais qui ? » Le Damphair écouta un instant, mais seules les vagues lui répondirent. « Qui sera notre roi ? »

Les noyés commencèrent à frapper leur gourdin de bois flotté l’un contre l’autre. « Damphair ! » crièrent-ils. « Damphair Roi ! Aeron Roi ! Donne-nous Damphair ! »

Aeron secoua sa tête. « Si un père a deux fils et donne à l’un une hache et à l’autre un filet, lequel est destiné à devenir un guerrier ? »

« La hache est pour le guerrier, » Rus lui cria, « le filet pour le pêcheur des mers. »

« Oui, » dit Aeron. « Le dieu m’a emporté loin sous les flots et a noyé la pauvre chose inutile que j’étais. Quand il m’a ramené, il m’avait donné des yeux pour voir, des oreilles pour entendre et une voix pour répandre sa parole, pour que je sois son prophète et enseigne la vérité à ceux qui l’ont oubliée. Je ne suis pas destiné à m’asseoir sur le Trône de la Mer de Pierre … pas plus qu’Euron Œil de Corbeau. Car j’ai entendu la voix de dieu qui disait, aucun homme impie ne saurait s’asseoir sur le Trône de la Mer de Pierre ! »

Le Merlyn croisa ses bras sur sa poitrine. « Ce sera Asha, donc ? ou Victarion ? Dis-nous, prêtre ! »

« Le Dieu des Noyés vous le dira, mais pas ici. » Aeron pointa son doigt sur la grosse figure blanche de Merlyn. « Ne regarde pas vers moi, ni vers les lois des hommes, mais vers la mer. Lève tes voiles et détache tes rames, mon seigneur, et va à Old Wyk. Toi, et tous les capitaines et les rois. Ne te rends pas à Pyke, te courber devant l’impie, ni à Harlaw frayer avec des femmes intrigantes. Dirige ta proue vers Old Wyk, où se tient la grande salle du Roi Gris. Au nom du Dieu des Noyés, je vous somme. Je vous somme tous ! Quittez vos salles et vos masures, vos châteaux et vos donjons, et retournez à la colline de Nagga dresser une assemblée royale ! »

Le Merlyn en fut bouche bée. « Une assemblée royale? Il n’y a pas eu de véritable assemblée royale depuis… »

« …bien trop longtemps ! » Aeron s’écria avec angoisse. « Pourtant à l’aube des temps les fer-nés choisissaient leurs propres rois, désignant le plus méritant d’entre eux. Il est temps de retourner aux vieilles traditions, car seulement ce faisant, nous regagnerons notre grandeur. Ce fut une assemblée royale qui désigna Urras Pied de Fer comme Roi Suprême, et plaça une couronne de bois flotté sur son front. Sylas NezPlat, Harrag Hoare, le Vieux Kraken, l’assemblée royale les désigna tous. Et de cette assemblée royale devra immerger un homme capable de finir le travail commencé par le Roi Balon et nous rendre notre liberté à tous. N’allez pas à Pyke, ni aux Dix Tours d’Harlaw, mais à Old Wyk, je le répète. Cherchez la colline de Nagga et la grande salle des ossements du Roi Gris, car c’est à cet endroit saint quand une lune se sera noyée et sera revenue que nous nous trouverons un roi méritant, un roi pieux. » Il releva ses mains décharnées. « Ecoutez ! Ecoutez les vagues ! Ecoutez la voix de dieu ! Il vous parle et vous dit, Nous n’aurons pas d’autre roi que celui désigné par une assemblée royale! »

Un rugissement s’éleva à ces mots, et les noyés battirent leur gourdin les uns contre les autres. « Une assemblée royale! » crièrent-ils. « Une assemblée royale, une assemblée royale. Aucun roi sans une assemblée royale!” Et la clameur qui s’éleva fut si tonitruante que sûrement l’œil de corbeau l’entendit depuis Pyke, et le vil dieu des Tempêtes jusque dans ses salles nuageuses. Et Aeron Damphair sut qu’il avait bien agi.

Fin du premier chapitre

A SUIVRE :
The Kraken's Daughter (La Fille du kraken)


:D :D :D
(édité pour cause de corrections)
Modifié en dernier par nadine le 27 avr. 2004, 12:53, modifié 2 fois.
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Galan Dracos
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Message non lu par Galan Dracos »

Et il n'y a pas non plus les co****** du Kraken...? Non? Bon, c'était qu'une plaisanterie :P sinon jolie traduction et surtout, RAPIDE! Waw!
Ran Borune
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Message non lu par Ran Borune »

Rapide ? Non nadile l'a déja traduit il y a 4-5 mois :D
nadine
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Message non lu par nadine »

ah bon? :shock: t'es sûr? :? mince alors... faut que je recherche ça dans mes fichiers. :evil: et ça veut dire que je viens de passer presque 7h sur le suivant pour rien alors... :(

Tiens à propos comment est traduit le nom des sept dieux en français? The Crone = la Vieille?
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Alysanne
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Message non lu par Alysanne »

nadine a écrit :ah bon? :shock: t'es sûr? :? mince alors... faut que je recherche ça dans mes fichiers. :evil: et ça veut dire que je viens de passer presque 7h sur le suivant pour rien alors... :(
A ce niveau là, ça ne serait plus des trous mais des gouffres de mémoire ... :lol:
En tout cas, c'est vraiment sympa vos traductions, n'ayant pas lu The arms of the kraken, j'attends la suite avec impatience !!! Merci merci merci :D

Les noms des Sept : le Père, la Mère, le Guerrier, le Ferrant, la Jouvencelle, l'Aïeule et l'Etranger. :wink:
nadine
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Message non lu par nadine »

un grand merci Alysanne :D

(heu oui... question mémoire je suis pas vraiment gâtée... :( )
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Alysanne
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Message non lu par Alysanne »

2 rien :wink: Tu l'avais vraiment déjà traduit ? :shock:
tofleraleur
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Message non lu par tofleraleur »

je vais me repeter mais bravo c sympa à lire et ça fait patienter de lire du martin qui a un lien avec le trone de fer.
sinon si tu l'as deja traduit c pas grave tu as du le traduire plus vite la seconde fois :lol:
bravo nadine et si ta deja la suite sous la main te gene pas va tu peux nous l'envoyer :wink:
Lecture : Le Louvetier

je râle pas, j'explique
nadine
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Message non lu par nadine »

Alors après avoir vérifié, en fait non, je n'ai pas déjà traduit d'après le texte original mais d'après un premier résumé que Kof nous avait donné sur la ng Valar Dohaerys -et d'ailleurs, Kof et Ran avaient aussi contribué largement- donc c'est bon ! pas de fichiers cachés ou secrets ! LOL :shock: :?

Eh oui, j'ai la suite sous la main -enfin une première partie- mais j'avais encore quelques petites vérifications à faire et vu qu'en ce moment mon ordi se plaît à planter et .. replanter -ça doit être la saison- je n'ai pas pu le faire hier. Voili. (ah et comme à partir de vendredi je n'aurais plus internet -cette fois c'est la bonne !- il faudra vous débrouiller pour les 2 chapitres restants, je tâcherai moi-même de finir la trad de celui-ci. -je peux d'ailleurs envoyer le fichier word à ceux qui le voudront) :wink:

Allez ! assez papoté !


LA FILLE DU KRAKEN

La salle bruissait de Harlaw saouls, tous de distants cousins. Chaque seigneur avait suspendu sa bannière derrière les bancs où ses hommes étaient assis. Trop peu, pensa Asha Greyjoy, regardant jusqu’au fond de la galerie, bien trop peu. Les bancs étaient au trois-quarts vides.

Quarl le jouvenceau l’avait annoncé, quand Vent Noir avait approché de la côte. Il avait compté les drakkars amarrés sous le château de son oncle et ses lèvres s’étaient serrées. « Ils ne sont pas venus, » observa t-il « ou pas assez. » Ce n’était rien de plus que l’exacte vérité, mais Asha n’avait pas osé donner son accord, étant à portée d’ouie de son propre équipage. Elle ne doutait pas de leur fidélité, jusqu’à la mort, mais même des fer-nés hésiteraient à gaspiller leur vie pour une cause perdue d’avance.

Ais-je vraiment si peu d’amis ? Parmi les bannières, elle vit le poisson d’argent des Botley, l’arbre de pierre des Stonetrees, le Léviathan noir des Volmark, les nœuds coulants des Myres. Le reste étaient les faux des Harlaw. Boremund avait placé la sienne sur un fond bleu pâle, celle d’Hotho était entourée par une bordure en forme de créneaux, et le Chevalier avait partagé la sienne en quatre avec le paon criard de sa maison maternelle. Même Sigfryd CheveuxD’argent montrait deux faux inter changées sur un fond séparé en diagonale. Seul le Seigneur Harlaw déployait la faux d’argent clairement sur un fond de nuit noire, comme si elle avait survolé l’aube des temps : Rodrik, surnommé le Lecteur, Seigneur des Dix Tours, Seigneur de Harlaw, Harlaw de Harlaw … son oncle préféré.

Le siège du Seigneur Rodrik était vide. Deux faux d’argent frappé croisées au-dessus, si gigantesques que même un géant les auraient brandies avec difficulté, mais en dessous il n’y avait que des coussins vides. Asha n’était pas surprise. Le festin était terminé depuis longtemps. Seuls des os et des plats graisseux traînaient encore sur les tables posées sur des tréteaux. Le reste buvait et son oncle Rodrik n’avait jamais été friand de la compagnie de soûlards querelleurs.

Elle se tourna vers Trois Dents, une vieille femme d’un âge effrayant qui avait été l’intendante de son oncle depuis qu’elle était connue sous le nom de Douze Dents. « Mon oncle est avec ses livres ? »

« Oui, où pourrait-il être ? » La femme était si âgée qu’un septon avait dit un jour qu’elle avait servi de nourrice à l’Aïeule. C’était quand la Foi était encore tolérée dans les îles. Le Seigneur Rodrik avait gardé des septons aux Dix Tours, pas pour le bien être de son âme mais pour ses livres. « Avec ses livres, et Botley. Il était avec lui aussi. »

L’étendard des Botley pendait dans la salle, un banc de poissons d’argent sur un fond vert pâle, bien qu’Asha n’ait pas vu son Nageoire vive parmi les autres drakkars. « J’ai entendu dire que mon oncle Œil de Corbeau avait noyé le vieux Sawane Botley. »

« C’est le Seigneur Tristifer Botley, celui là. »

Tris. Elle se demanda ce qui était arrivé à Harren, le fils aîné de Sawane. Je le saurais bien assez tôt, pas de doutes. Ce serait embarrassant. Elle n’avait pas vu Tris Botley depuis … non, elle ne devrait pas s’appesantir là-dessus. « Et madame ma mère ? »

« Couchée, » dit Trois-Dents, « dans la tour de la veuve. »

Bien sûr, où pouvait-elle être ? La veuve qui avait donné son nom à la tour était sa tante. Dame Gwynesse était revenue chez elle pour pleurer après que son mari fut tombé à Fair Isle pendant la première rébellion de Balon. « Je resterai le temps que mon chagrin passe, » avait-elle dit à son frère, « bien que de droit les Dix Tours soient à moi, car je suis ton aînée de sept ans. » De longues années étaient passées depuis, mais la veuve s’attarda, pleurant et marmonnant de temps à autre que le château devrait être le sien. Et maintenant le Seigneur Rodrik a une autre veuve à moitié folle sous son toit, pensa Asha. Pas étonnant qu’il recherche un soulagement dans ses livres.

Encore maintenant, il était difficile de croire que la frêle Dame Alannys avait survécu à son mari le Seigneur Balon, qui avait semblé si résistant et si fort. Quand Asha était partie guerroyer, elle l’avait fait le cœur lourd, craignant que sa mère puisse bien mourir avant qu’elle puisse revenir. Pas un instant elle n’avait songé que son père pourrait périr le premier. Le Dieu des Noyés nous joue à tous de vilains tours, mais les hommes sont bien plus cruels, une tempête soudaine et une corde rompue avait envoyé Balon Greyjoy par le fond. Ou du moins c’est ce qu’ils prétendaient.

Asha avait vu sa mère pour la dernière fois lorsqu’elle s’était arrêtée aux Dix Tours pour faire le plein d’eau douce, sur sa route pour frapper Deepwood (BoisProfonds) Motte. Alannys Harlaw n’était pas le genre de beauté que les ménestrels aimaient chanter, mais sa fille aimait son visage fier et fort ainsi que ses yeux rieurs. Lors de son dernier passage, par contre, elle avait trouvé Dame Alannys assise devant une fenêtre emmitouflée sous une pile de fourrures, les yeux fixés sur la mer. Est-ce ma mère, ou son fantôme ? avait-elle pensé alors qu’elle lui avait déposé un baiser sur la joue. La peau de sa mère ressemblait à un fin parchemin, ses longs cheveux étaient blancs. Un peu de fierté subsistait dans sa façon de porter sa tête mais ses yeux étaient sombres et voilés, et ses lèvres avaient tremblées quand elle avait demandé des nouvelles de Théon. « M’as-tu amené mon petit garçon ? » avait-elle demandé. Théon n’avait que dix ans quand il avait été emmené comme otage à Winterfell et dans l’esprit de Dame Alannys il avait toujours dix ans, semblait-il. « Théon n’a pas pu venir, » Asha avait dû lui répondre. « Père l’a envoyé piller le long de Stony Stone. » Dame Alannys n’avait rien à répondre à ça. Elle acquiesça doucement, bien qu’il soit évident de voir combien les mots de sa fille l’avaient blessée.

Et maintenant je dois lui annoncer la mort de Théon et lui planter une autre dague dans le cœur. Il y avait déjà deux poignards plantés là. Dessus étaient écrits les noms de Rodrik et de Maron et plus d’une fois ils s’étaient retournés cruellement dans leur plaie la nuit tombée. Je la verrai demain, Asha se promit-elle. Son voyage avait été long et épuisant, elle ne pouvait pas affronter sa mère tout de suite.

« Je dois parler au Seigneur Rodrik, » dit-elle à Trois Dents. « Occupes-toi de mon équipage, une fois que Vent Noir sera déchargé. J’ai des prisonniers. Je veux qu’ils aient un bon lit et un repas chaud. »

« Il y a du bœuf froid dans les cuisines. Et de la moutarde dans une grosse jarre de pierre, de Oldtown (Vieilleville). » Penser à cette moutarde fit sourire la vieille femme. Une longue dent marron et solitaire poussait sur ses gencives.

« Cela n’ira pas. Nous avons eu une dure traversée. Je veux qu’ils aient quelque chose de chaud dans leurs estomac. » Asha passa son pouce dans sa ceinture. « Dame Glover et ses enfants ne voudront ni nourriture, ni chaleur. Mets-les dans une tour, pas dans les oubliettes. Le bébé est malade. »

« Les bébés sont souvent malades. La plupart meurent et les gens ont de la peine. Je devrais demander à mon seigneur où mettre ces loups. »

Elle attrapa le nez de la vieille femme entre son pouce et son index et pinça. « Tu feras ce que j’ai dit. Et si ce bébé meurt, personne ne sera plus désolé que toi. » Trois Dents piailla et promit d’obéir jusqu’à ce qu’Asha la relâche et partit retrouver son oncle.

C’était agréable de marcher entre ces murs de nouveau. Asha s’était toujours sentie chez elle aux Dix Tours, bien plus que sur Pyke. Pas un seul château mais dix châteaux aplatis les uns contre les autres, avait-elle pensé, la première fois qu’elle les avait vus. Elle se souvenait des courses effrénées à travers les escaliers, les allées et les ponts couverts, des parties de pêche sur le quai de Long Stone, des nuits et des jours de perdus parmi l’opulence des livres de son oncle. Le grand-père de son grand-père avait bâti le château, le premier sur les îles. Le Seigneur Théomore Harlaw avait perdu trois fils au berceau et avait blâmé les caves inondées, les pierres humides et le nitrate suppurant de l’ancienne demeure des Harlaw. Les Dix Tours étaient plus aérées, plus confortables, mieux situées … mais le Seigneur Théomore était un homme d’humeur changeante, comme n’importe laquelle de ses épouses auraient pu en témoigner. Il en avait eu six, et toutes aussi différentes que ses dix tours.

La Tour du Livre était la plus imposante des dix, de forme octogonale et faite de grands blocs de pierres taillées. L’escalier était bâti à l’intérieur de l’épaisseur des murs. Asha grimpa prestement jusqu’au cinquième étage et la pièce où son oncle lisait. Comme s’il n’y avait qu’une seule pièce ou il lisait. Le Seigneur Rodrik était rarement vu sans un livre à la main, était-il dans son cabinet privé, sur le pont de son Chanson Maritime, ou pendant qu’il tenait audience. Asha l’avait souvent vu lisant sur son haut siège sous les faux d’argent. Il écoutait chaque cas qui était plaidé devant lui, prononçait son jugement … et replongeait dans son livre jusqu’à ce que son capitaine des gardes lui amène le plaignant suivant.

Elle le trouva voûté au-dessus d’une table à côté d’une fenêtre, entouré de parchemins qui devaient provenir de Valyria avant la Tragédie et de lourds volumes reliés de cuir avec des fermetures de bronze et de fer. Des bougies de cire d’abeille aussi épaisses et longues que le bras d’un homme brûlaient de chaque côté de son siège, sur des bougeoirs de fer forgé. Le Seigneur Rodrik Harlaw n’était ni gros, ni mince, ni grand, ni courtaud, ni disgracieux, ni gracieux. Ses cheveux étaient bruns, ainsi que ses yeux, bien que la courte barbe nette qu’il portait était devenue grise. Finalement, il était un homme ordinaire, qui se distinguait seulement par son amour des écrits, que tellement de fer-nés trouvaient non viril et pervers.

« Mon oncle. » Elle ferma la porte derrière elle. « Quelle lecture est si importante que vous deviez laisser vos invités livrés à eux-mêmes ?»

« Le Livre des Livres Perdus, de l’archmestre Marwyn. » Il leva son nez de sa page pour l’étudier. « Hotho m’en a rapporté une copie de Oldtown (Vieilleville). Il a une fille qu’il veut me faire épouser. » Le Seigneur Rodrik tapota le livre avec un ongle long. « Tu vois ça ? Marwyn prétend avoir trouvé trois pages de Signes et Présages, les visions écrites par la jouvencelle d’Aenar Targaryen avant que la Tragédie frappe Valyria. Est-ce que Lanny sait que tu es là ? »

« Pas de suite. » Lanny était le diminutif affectueux utilisé par son oncle pour sa mère, il était le seul à l’appeler de la sorte. « Laisses-la se reposer. » Asha déplaça un rayon de livres d’un tabouret et s’assied. « Trois Dents semble avoir perdu encore deux de ses dents. L’appelles-tu Une Dent maintenant ? »

« Je l’appelle rarement. Cette femme me fait peur. Quelle heure est-il ? » Le Seigneur Rodrik jeta un œil à la fenêtre, à la mer baignée de la clarté lunaire. « C’est la nuit, déjà ? Je n’avais pas remarqué. Tu viens tard. Nous t’attendions quelques jours plus tôt. »

« Les vents étaient contraires, et j’avais des prisonniers à m’occuper. La femme de Robett Glover et ses enfants. Le dernier tète encore au sein et le lait de Dame Glover s’est tari pendant la traversée. Je n’ai pas eu d’autre choix que de mouiller à Stony Shore pour envoyer mes hommes chercher une nourrice. Ils n’ont trouvé qu’une chèvre à la place. L’enfant ne prospère pas. Y a t-il une nourrice dans le village ? Deepwood est important pour mes plans. »

« Tes plans doivent changer. Tu viens trop tard. »

« Tard et affamée. » Elle étira ses longues jambes sous la table et tourna les pages du livre le plus proche, le discours d’un septon sur la guerre de Maegor le Cruel contre les Pauvres Hères. « Oh, et j’ai soif aussi. Une corne de bière sera la bienvenue, mon oncle. »

Le Seigneur Rodrik pinça ses lèvres. « Tu sais que je ne permets aucune nourriture ou boisson dans ma bibliothèque. Les livres- »

« -pourraient en souffrir. » Asha s’esclaffa.

Son oncle se renfrogna. « Tu adores me provoquer. »

« Oh, ne soies pas si chagrin. Je n’ai jamais rencontré un homme que je n’aimais pas provoquer, tu devrais le savoir depuis le temps. Mais assez parlé de moi. Comment vas-tu ? »

Il haussa les épaules. « Assez bien. Mes yeux s’affaiblissent. J’ai envoyé chercher une lentille à Myr qui devrait m’aider à lire. »

« Et comment se porte ma tante ? »

Le Seigneur Rodrik soupira. « Toujours mon aînée de sept ans, et convaincue que les Dix Tours devraient être à elle. Gwynesse perd la mémoire mais ça elle ne l’oublie pas. Elle pleure son mari décédé aussi fervemment que le jour où il est mort, bien qu’elle ne se souvienne pas toujours de son nom. »

« Je ne suis pas certaine qu’elle ait jamais connu son nom » Asha referma le livre du septon avec un bruit sourd. « Mon père a t-il été assassiné ? »

« C’est ce que croit ta mère. »

Il fût un temps où elle l’aurait volontiers assassiné elle-même, pensa t-elle. « et mon oncle, que croit-il ? »

« Balon est mort à cause d’une corde de pont rompue sous lui. Une tempête se levait, et le pont oscillait et se tordait avec chaque rafale de vent. » Rodrik haussa les épaules. « Selon leur version. Ta mère a reçu un oiseau de Mestre Wendamyr. »

Asha sortit sa dague de son fourreau et commença à se curer les ongles avec. « Trois ans en exil, et l’œil de Corbeau revient le jour même où mon père meurt. »

« Le jour suivant, d’après leurs dires. Silence était toujours en mer quand Balon est mort, ou c’est du moins ce qu’ils prétendent. Quand bien même, le retour d’Euron était … opportun, dirons-nous ? »

« Ce n’est pas ce que je dirais » Asha planta la pointe de sa dague dans la table. « Où sont mes bateaux ? J’ai compté deux drakkars amarrés plus bas, même pas le minimum pour chasser l’œil de Corbeau du Trône de mon père. »

« J’ai envoyé les sommations. En ton nom, pour l’amour que je te porte et celui de ta mère. La Maison Harlaw s’est rassemblée. Ainsi que Stonetree, et Volmark, quelques Myres… »

« Tous de l’Ile de Harlaw … une île, sur les sept. J’ai vu seulement la bannière esseulée des Botley dans la salle, de Pyke. Où sont les vaisseaux de Saltcliffe, de Orkwood, des Wyks ? »

« Baelor MaréeNoire est venu depuis MaréeNoire (Blacktyde) pour me consulter et aussi soudainement il est reparti. » Le Seigneur Rodrik referma Le Livre des Livres Perdus. « Il est à Old Wyk maintenant. »

« Old Wyk ? » Asha avait craint qu’il ne lui dise qu’ils étaient tous partis pour Pyke, pour rendre hommage à l’œil de Corbeau. « Pourquoi Old Wyk ? »

« Je pensais que tu en aurais entendu parler. Aeron Damphair a convoqué une assemblée royale. »

Asha renversa sa tête en arrière et rit. « Le Dieu des Noyés a dû fourrer un poisson piquant au cul de mon oncle Aeron. Une assemblée royale ? Est-ce encore un tour ou y croie t-il vraiment ? »

« Le Damphair n’a pas joué de tours depuis qu’il s’est noyé. Et les autres prêtres ont secondé l’appel. Beron Backtyde l’aveugle, Tarle le Thrice-Noyé, … même le Vieux Goéland Gris a quitté son rocher, pour prêcher cette assemblée royale à travers tout Harlaw. Les capitaines se rassemblent sur Old Wyk en ce moment même. »

Asha était sidérée. « Est-ce que l’œil de Corbeau est d’accord pour assister à cette farce sainte et pour se soumettre à sa décision ? »

« L’œil de Corbeau ne me fait pas de confidences. Depuis qu’il m’a sommé de lui rendre hommage à Pyke, je n’ai eu aucun contact avec Euron. »

Une assemblée royale. Ça c’était quelque chose de nouveau … ou plutôt, quelque chose de très ancien. » Et mon oncle Victarion ? Que fait-il de l’idée de Damphair ? »

« Victarion a reçu la nouvelle de la mort de ton père. Et de l’assemblée royale aussi, je n’en doutes pas. Mais je ne saurais en dire plus. »

Mieux vaut une assemblée royale qu’une guerre. « Je crois que j’embrasserais les pieds puants du Damphair et que j’enlèverais le chiendent d’entre ses orteils, » Asha arracha sa dague et la remis au fourreau. « Une satanée assemblée royale ! » (jeu de mots avec sanglant)

« Sur Old Wyk, » confirma le Seigneur Rodrik. « Bien que je prie qu’elle ne soit pas satanée. J’ai consulté l’histoire des fer-nés de Haereg. Quand les rois de sel et les rois de pierre se sont rencontrés la dernière fois pour une assemblée royale, Urron de Orkmont a lâché ses guerriers armés de haches parmi eux et les os de Nagga sont devenus rouges de sang. La Maison des Greyiron a régné non désignée pendant un millier d’années depuis ce Jour Noir, jusqu’à l’arrivée des Andals. »

« Tu dois me prêter le livre de Haereg, mon oncle. » Elle aurait besoin d’apprendre tout ce qu’elle pouvait des assemblées royales avant de parvenir à Old Wyk.

« Tu peux le consulter ici. Il est ancien et fragile. » Il l’étudia, en fronçant les sourcils. « L’archmestre Rigney a écrit une fois que l’histoire est une roue, car la nature de l’homme est fondamentalement toujours la même. Ce qui s’est déjà produit va forcément se reproduire encore, d’après lui. Je pense à ça quand je contemple l’œil de Corbeau. Euron Greyjoy sonne étrangement comme Urron Greyiron à mes vieilles oreilles. Je ne devrais pas aller à Old Wyk. Ni toi non plus. »

Asha sourit. « Et manquer la première assemblée royale appelée en … combien de temps, mon oncle ? »

« Quatre milles ans, si l’on en croit Haereg. La moitié, si tu acceptes les arguments de Mestre Denestan dans Questions. Aller à Old Wyk ne servira à rien. Tu ne voudras sans doutes pas entendre ça Asha mais tu ne seras pas choisie. Aucune femme n’a jamais régné sur les fer-nés. Gwynesse a sept ans de plus que moi, mais à la mort de mon père, c’est moi qui aie hérité des Dix Tours. Ce sera pareil pour toi. Tu es la fille de Balon, pas son fils. Et tu as trois oncles. »

« Quatre. »

« Trois oncles kraken. Je ne compte pas.”

A SUIVRE
Modifié en dernier par nadine le 27 avr. 2004, 22:28, modifié 1 fois.
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LA SUITE

« Pour moi si. Aussi longtemps que j’aurais mon oncle des Dix Tours, j’aurais Harlaw. » Harlaw n’était pas la plus vaste des Iles de Fer mais c’était la plus prospère et la plus peuplée, et le pouvoir du Seigneur Rodrik ne devait pas être pris à la légère. Sur Harlaw, Harlaw n’avait aucun rival. Les Volmarks et les Stonetrees avaient de vastes domaines sur l’île et des capitaines vantards invétérés ainsi que de cruels guerriers, mais même les plus féroces devaient se plier devant la faux. Les Kennings et les Myres, naguère d’amers ennemis, avaient été depuis longtemps ramenés au rang de vassaux.

« Mes cousins me doivent allégeance, et à la guerre il serait de mon devoir des commander leur flotte et leur armées. Dans une assemblée royale, par contre … » Le Seigneur Rodrik secoua la tête. « Sous les ossements de Nagga, tous sont égaux. Quelque-uns crieront ton nom, je n’en doutes pas. Mais pas assez. Et quand leurs cris réclameront Victarion ou Oeil de Corbeau, quelques-uns de ceux qui boivent maintenant dans mes murs rejoindront les autres. Je te le redis, ne t’aventures pas dans cette tempête. Ta lutte est vaine. »

« Aucun combat n’est vain tant qu’il n’a pas été accompli. J’ai la meilleure revendication. Je suis l’héritière de la chair de Balon. »

« Tu es toujours une enfant volontaire. Penses à ta pauvre mère. Tu es tout ce qu’il lui reste. Je mettrai moi-même le feu à Vent Noir pour te forcer à rester si besoin. »

« Quoi, et me forcer à rejoindre Old Wyk à la nage ? »

« Une baignade bien froide pour une couronne que tu n’auras pas. Ton père avait plus de courage que de bon sens. Les vieilles traditions nous ont bien servi tant que nous étions qu’un petit royaume parmi les autres mais la conquête d’Aegon y a mis fin. Balon refusa de se rendre à l’évidence. Les vieilles traditions sont mortes avec Harren Le Noir et ses fils. »

« Je sais tout cela. » Asha avait adoré son père mais elle n’était pas dupe. Balon avait été aveugle à bien des égards. Un homme courageux mais un mauvais seigneur. « Cela veut-il dire que nous devions vivre et mourir sous le joug du Trône de Fer ? S’il y a des récifs à tribord et une tempête à bâbord, un capitaine avisé cingle vers une nouvelle route. »

« Montres-moi cette nouvelle route. »

« Bien sûr … à mon assemblée royale. Mon oncle, comment peux-tu seulement penser à ne pas venir ? C’est de l’histoire, en direct … »

« Je préfère mon histoire moins vivante. La mienne s’écrit avec de l’encre, la tienne s’écrit avec du sang. »

« Préfères-tu mourir vieux et lâche dans ton lit ? »

« Pourquoi pas ? Mais pas avant d’avoir fini mes lectures. » Le Seigneur Rodrik alla à la fenêtre. « Tu n’as pas demandé des nouvelles de ta mère. »

Je le craignais. « Et comment va t-elle ? »

« Mieux. Elle peut très bien nous enterrer tous. Et toi sûrement, si tu persistes dans cette folie. Elle mange plus maintenant qu’à son arrivée et a de meilleures nuits. »

« Bien. » Ces dernières années sur Pyke, Dame Alannys n’arrivait plus à dormir. Elle errait dans les couloirs la nuit une chandelle à la main, à la recherche de ses fils. « Maron ? » appelait-elle d’une voix perçante. « Rodrik, où es-tu ? Théon, mon bébé, viens voir maman. » Plus d’une fois Asha avait vu le mestre retirer des échardes des talons de sa mère au petit matin, après qu’elle ait traversé le pont branlant de la Tour de Mer pieds nus. « Je la verrai dans la matinée. »

« Elle demandera après Théon. »

Le Prince de Winterfell. « Que lui as-tu dit ? »

« Le moins possible. Il n’y avait rien à dire. » Il hésita. « Tu es bien certaine qu’il est mort ? »

« Je ne suis sûre de rien. »

« Tu as trouvé son corps ? »

« On a retrouvé des morceaux de plusieurs corps. Les loups nous avaient devancés … ceux à quatre pattes, mais ils n’ont montré qu’un maigre respect pour leurs congénères. Les restes du massacre étaient éparpillés, fracassés pour leur moelle. En vérité, c’était difficile de savoir ce qui s’est passé là-bas. On avait l’impression que les nordiques s’étaient battus entre eux.

« Les corbeaux se battront pour un cadavre, et s’entretueront pour ses yeux. » Le Seigneur Rodrik fixait la mer, contemplant le jeu du clair de lune sur les flots. « Nous avions un roi, puis cinq. Maintenant je ne vois que des corbeaux, se chamaillant sur le cadavre de Westeros. » Il ferma les volets. « Ne vas pas à Old Wyk, Asha. Restes avec ta mère. Elle n’en a plus pour longtemps, je le crains. »

Asha remua sur son siège. « Ma mère m’a appris à être audacieuse. Si je n’y vais pas je vais passer le reste de ma vie à me demander ce qui se serait passé. »

« Si tu y vas, ce qui te restera à vivre sera trop court pour te poser des questions. »

« Ça vaut mieux que de passer le reste de sa vie à se plaindre que le Trône aurait dû m’échoir. Je ne suis pas Gwynesse. »

Cela le fit broncher. « Asha, mes deux fils nourrissent les crabes de Fair Isle. Je ne suis pas prêt de me marier. Restes, et je te nommerai héritière des Dix Tours. C’est mieux que rien. »

« Les Dix Tours ? » Si seulement je pouvais. « Tes cousins ne vont pas apprécier. Le Chevalier, le vieux Sigfryd, Hotho le Bossu- »

« Ils ont leurs terres et leurs places fortes. »

C’est vrai. L’humide, le pourrissant Harlaw Hall appartenait au vieux Sigfryd Harlaw, Cheveux d’Argent ; Hotho Harlaw le Bossu avait sa place forte à la Tour de la Lueur, un rocher escarpé au-dessus de la côte ouest. Le Chevalier, Ser Harras Harlaw, gardait sa cour à Jardin Gris ; Boremund le Cafardeux régnait au sommet de la colline de Harridan. Mais tous étaient les sujets du Seigneur Rodrik. « Boremund a trois fils, Sigfryd Cheveux d’Argent a des petit-fils, et Hotho a des ambitions » dit Asha. « Ils pensent tous te succéder, même Sigfryd. Celui-là a l’intention de vivre éternellement. » « Le Chevalier sera le Seigneur de Harlaw après moi » lui dit son oncle « mais il peut tout aussi bien régner depuis Jardin Gris que depuis ici. Jures-lui allégeance pour le château et Ser Harras te protègeras. » « Je peux me protéger toute seule. Je suis un kraken, mon oncle. Asha, de la Maison Greyjoy. » Elle se remit sur pieds. « C’est le Trône de mon père que je veux, pas le vôtre. Tes faux me semblent périlleuses. Une des deux peut tomber et me couper la tête. Non, ce sera le Trône de la Mer de Pierre. »

« Alors tu n’es qu’un autre corbeau, criant pour de la viande avariée. » Rodrik se rassit derrière sa table. « Va. Je souhaite retourner à l’Archmestre Marwyn et à ses recherches. »

« Fais-moi savoir s’il retrouve une autre page. » Son oncle était fidèle à lui-même. Il ne changerait jamais. Il viendra à Old Wyk, peu importe ce qu’il dit.

Son équipage devait manger dans la salle à cette heure. Asha savait qu’elle devait les rejoindre, pour parler de ce rassemblement sur Old Wyk et de sa signification pour eux. Ses hommes resteraient fidèlement à ses côtés, mais elle aurait aussi besoin de tous les autres, ses cousins Harlaw, les Volmarks et les Stonetrees. Ce sont ceux-là que je dois convaincre. Sa victoire à Deepwood Motte lui donnerait un avantage, une fois que ses hommes auraient commencé à s’en vanter, comme elle savait qu’ils le feraient. L’équipage de son Vent Noir prenait une fierté perverse dans les exploits de leur capitaine féminin. La moitié d’entre eux l’adoraient comme leur propre fille, et l’autre moitié voulait lui écarter les cuisses mais tous étaient prêts à mourir pour elle. Et moi pour eux, pensa t-elle comme elle s’engageait à travers la porte au pied des marches, dans la cour éclairée par le clair de lune.

« Asha ? » Une ombre sortit de derrière le puits.

Sa main se porta immédiatement à sa dague … jusqu’à ce que le clair de lune transforme la forme noire en un homme portant un manteau de peau de phoque. Un autre fantôme. « Tris. Je pensais te trouver dans la salle. »

« Je voulais te voir. »

« Quel morceau, je me demande bien ? » ricana-elle. « Eh bien, me voilà, tout entière. Regardes tout ton saoul. »

« Une femme. » Il se rapprocha. « Et magnifique. »

Tristifer Botley avait minci depuis la dernière fois qu’elle l’avait vu, mais il avait toujours la même chevelure sauvage dont elle se souvenait et des yeux aussi grands et confiants que ceux d’un phoque. Des yeux doux, vraiment. C’était le problème avec Tristifer, il était trop doux pour les Iles de Fer. Il est devenu charmant, pensa t-elle. Plus jeune, Tris avait eu beaucoup de problèmes de boutons. Asha avait souffert de la même affliction, c’était peut-être ce qui les avait rapprochés.

« Je te présente mes condoléances pour ton père » lui dit-elle.

« Et les miennes pour le tien. »

Pourquoi ? Asha demanda presque. C’était Balon qui l’avait renvoyé de Pyke pour être le pupille de Baelor Blacktyde. « Est-ce vrai que tu es le Seigneur Botley maintenant ? »

« De nom, au moins. Harren est mort à Moat Cailin. Un de ces diables des marais l’a touché avec une flèche empoisonnée. Mais je suis le seigneur de rien du tout. Quand mon père a refusé sa revendication au Trône de la Mer de Pierre, l’œil de Corbeau l’a noyé, et a fait jurer allégeance à mes oncles. Même après ça, il a donné la moitié des terres de mon père à Iron Holt. Le Seigneur Wynch a été le premier à plier le genou devant lui et à l’appeler roi. »

La Maison Wynch était importante sur Pyke, mais Asha prit soin de dissimuler sa consternation. « Wynch n’a jamais eu le courage de ton père. »

« Ton oncle l’a acheté » dit Tris. « Le Silence est rentré avec ses cales pleines de trésors. Des plats et des perles, des émeraudes et des rubis, des saphirs aussi gros que des œufs, des sacs d’or si lourds qu’aucun homme ne peut les lever … l’œil de Corbeau s’est acheté des amis à tour de bras. Mon oncle Germund s’est déclaré Seigneur Botley et règne maintenant sur Lordsport en tant qu’homme de ton oncle. »

« Tu es de droit le véritable Seigneur Botley » lui assura t-elle. « Quand je serais sur le Trône de la Mer de Pierre, je te rendrais les terres de ton père. »

« Si tu veux. Ça m’est égal. Tu es si belle dans ce clair de lune Asha. Une vraie femme maintenant, mais je me souviens quand tu n’étais qu’une enfant toute maigre et pleine de boutons. »

Pourquoi faut-il toujours qu’ils parlent des boutons ? « Je m’en souviens aussi. » Mais pas aussi tendrement que toi. Des cinq garçons que sa mère avait ramené à Pyke comme protégés après que Ned Stark lui ait pris son dernier fils vivant en otage, Tris avait été le plus proche d’Asha en âge. Il n’avait pas été le premier qu’elle avait embrassé mais il avait été le premier à dénouer les lacets de sa veste et à glisser une main moite en-dessous pour sentir ses seins naissants.

Je lui aurais fait sentir bien plus que ça s’il en avait eu l’audace. Ses premières règles étaient venues pendant la guerre et avaient éveillé ses sens, mais même avant cela Asha avait été curieuse. Il était là, il avait mon âge, et il était consentant, ce n’était rien de plus … ça, et les menstruations. Même alors, elle avait appelé cela de l’amour, jusqu’à ce que Tris commence à imaginer les enfants qu’elles lui feraient ; une douzaine de fils, pas moins, et oh, quelques filles aussi. « Je ne veux pas avoir une douzaine de fils » lui avait-elle dit, terrifiée. « Je veux avoir des aventures. » Peu de temps après, Mestre Qualen avait surpris leurs petits jeux et le jeune Tristifer Botley avait été envoyé à Blacktyde.

« Je t’ai écrit » dit-il, « mais Mestre Joseran ne voulait pas envoyer mes lettres. Une fois j’ai donné un cerf (pièce de monnaie) à un marin d’un navire marchant en partance pour Lordsport, qui m’a promis de te remettre ma lettre. »

« Ton marin t’a entortillé et a jeté ta lettre à la mer. »

« C’est ce que je craignais. De toute façon il ne m’aurait pas donné les tiennes. »

Je n’en ai écrites aucune. En vérité, elle avait été soulagée quand Tris avait été éloigné. A ce moment, elle avait commencé à se lasser de ses tâtonnements. Ça n’était pas quelque chose qu’il aimerait entendre, de toute façon. « Aeron Damphair a convoqué une assemblée royale. Viendras-tu et parleras-tu pour moi ? »

« J’irai n’importe où avec toi, mais … le Seigneur Blacktyde dit que cette assemblée est une dangereuse folie. Il pense que ton oncle leur tombera dessus et les tuera tous, comme Urron. L’œil de Corbeau a rassemblé des hommes sur Pyke.Orkwood de Orkmont lui a apporté vingt drakkars et Jon Myre Figure Pincée, douze. Lucas le Gaucher Codd est avec eux. Ainsi que Harren demi-Hoare, le Rameur Rouge, Kemmett Pyke le bâtard, Rodrik Né Libre, Torwold Dents Marron … »

« Des hommes peu importants. » Asha les connaissaient tous et n’en aimait aucun. « Des fils de femmes de sel, des petit-fils d’esclaves. Les Codds … connais-tu leur devise ? »

« Bien que tout hommes nous méprisent » dit Tris « mais s’ils t’attrapent dans leurs filets, tu seras aussi morte que s’ils avaient été des seigneurs dragons. Et il y a pire. Œil de Corbeau a rapporté des monstres de l’Est … oui, et des sorciers aussi. »

« Mon oncle a toujours eu une tendresse particulière pour les fous et les phénomènes de foire. » dit Asha. « Mon père et lui avaient l’habitude de se disputer à ce sujet. Laisses les sorciers en appeler à leurs dieux. Le Damphair en appellera au nôtre et les noiera. Aurais-je ta voix, à l’assemblée royale Tris ? »

« Tu peux m’avoir tout entier. Je suis à toi, pour toujours. Asha, je t’épouserais. Ta mère m’a donné son consentement. » Elle réprima un grognement. Tu aurais pu me demander d’abord … bien que tu n’aies pas aimé autant la réponse.

« Je ne suis plus un second fils maintenant » continua t-il. « Je suis le Seigneur Botley de droit, comme tu l’as dit toi-même. Et tu es- »

« Ce que je suis sera déterminé sur Old Wyk. Tris, nous ne sommes plus des enfants se tâtonnant pour voir ou va quoi. Tu penses que tu veux m’épouser, mais tu ne veux pas. »

« Je le veux. Tu es tout ce dont je rêve. Asha, je le jure sur les ossements de Nagga, je n’ai jamais touché une autre femme. »

« Va. Touches-en une … ou deux, or dix. J’ai touché plus d’hommes que je ne puis en compter. Quelques-uns avec mes lèvres, encore plus avec ma hache. » Elle avait abandonné sa vertu à seize ans, à un magnifique marin blond d’une galère marchande à destination de Lys. Il ne connaissait que six mots de la Langue Courante mais « baiser » avait été un de ceux-là, le mot exact qu’elle espérait entendre. Après ça Asha avait eu le bon sens de trouver une sorcière des bois qui lui montra comment préparer le thé de la lune pour garder son ventre plat.

Botley cligna des yeux, comme s’il n’avait pas tout à fait compris ce qu’elle avait dit. « Tu … je pensais que tu attendrais. Pourquoi … » Il se frotta la bouche. « Asha, as-tu été forcée ? »

« Si forcée que j’ai déchiré sa tunique. Tu ne veux pas m’épouser, crois-moi. Tu es un gentil garçon et tu l’as toujours été mais je ne suis pas une gentille fille. Si on se mariait, tu en viendrais très vite à me haïr. »

« Jamais. Asha, je … j’ai souffert pour toi. »

Elle en avait entendu assez. Une mère malade, un père assassiné, une assemblée royale et un fléau d’oncles étaient bien assez pour une seule femme ; elle n’avait pas besoin en plus d’un chiot malade d’amour. « Trouves-toi un bordel, Tris. Ils te guériront de cette souffrance. »

« Je ne pourrais jamais … » Tristifer secoua sa tête. « Toi et moi sommes faits l’un pour l’autre, Asha. J’ai toujours su que tu serais ma femme et la mère de mes fils. » Il lui saisit le bras.

En un clin d’œil, sa dague fut sur sa gorge. « Enlèves ta main, où tu ne vivras pas assez longtemps pour concevoir un fils. Tout de suite. » Quand il relâcha sa main, elle baissa sa lame. « Tu veux une femme, très bien. Tu en auras une dans ton lit ce soir. Prétends que c’est moi, si ça peut te faire plaisir, mais ne t’avises pas de m’agripper encore. Je suis ta reine, non ta femme. Souviens-toi-en. » Asha remit sa lame au fourreau et le laissa planté là, avec une grosse goutte de sang dégoulinant doucement le long de son cou, noir dans la pâle lueur de la lune.

Fin du chapitre

A SUIVRE : LE CAPITAINE DE FER
Si tu le construis... il viendra
Alysanne
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Message non lu par Alysanne »

Un grand MERCI pour cette traduction, ça permet de patienter jusqu'à ce Feast of Crows qui n'en finit pas de se faire attendre ...
Je veux bien la VO aussi, si ce n'est pas trop tard ? :oops:

Vraiment dommage que nous quittes ce soir Nadine, j'espère que tu pourras revenir bientôt dans La bibliothèque de notre hôte ... :wink: :D
nadine
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Message non lu par nadine »

:?: minuit quatre et je suis toujours là :shock:

DE RIEN ! je t'ai envoyé en PM les deux chapitres manquants Alysanne ! ENJOY !!
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Alysanne
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Message non lu par Alysanne »

Bien reçu, **** MERCI Nadine !!! **** :D
Hé hé ... vraiment prometteur ce dénouement ...

Le Roi est mort, Vive le Roi !!! :twisted:
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