Les tentacules de la pieuvre

La partie principale sur le cycle
kofboay
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Message non lu par kofboay »

Merci Nadine,

Je vais aussi reprendre la traduction, que j'ai un peu abandonnée faute de temps. La suite sera bientôt là.

kof
"L'âge de pierre ne s'est pas terminé par pénurie de pierres. On n'est pas passé du cheval à l'automobile par pénurie de foin."
Alysanne
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Message non lu par Alysanne »

Juste une remarque à propos d'Euron Greyjoy : on traduit son surnom "Crow's Eye" par "Oeil de Corbeau", mais je pense qu'on devrait plutôt dire "Oeil de Choucas" (je sais, ça le fait moins) parce que le terme se rapporte à son aspect physique (chevelure noire, oeil bleu) et le choucas adulte a bien un iris blanc bleuté, contrairement au corbeau et à la corneille.
désolé pour le cours d'ornythologie :oops:

Et au fait, tous ces chapitres seront normalement bien intégrés à A Feast For Crows !
Modifié en dernier par Alysanne le 28 mai 2004, 23:07, modifié 1 fois.
Alysanne
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Message non lu par Alysanne »

kofboay a écrit :Je vais aussi reprendre la traduction, que j'ai un peu abandonnée faute de temps. La suite sera bientôt là.
C'est un peu tardif comme réponse :oops: mais je peux t'aider pour la fin si tu veux kof ?
Nadine m'a envoyé les 2 chapitres restants, je peux en traduire au moins un, dis-moi ce que tu préfères ?
Vardamir
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Message non lu par Vardamir »

On est avec toi alysanne ! :)
kofboay
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Message non lu par kofboay »

Alysanne a écrit :
kofboay a écrit :Je vais aussi reprendre la traduction, que j'ai un peu abandonnée faute de temps. La suite sera bientôt là.
C'est un peu tardif comme réponse :oops: mais je peux t'aider pour la fin si tu veux kof ?
Nadine m'a envoyé les 2 chapitres restants, je peux en traduire au moins un, dis-moi ce que tu préfères ?
vas-y, n'hésite pas à traduire ce que tu veux. De toute façon pour l'instant j'ai pas encore trouvé le temps de traduire

kof
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Vardamir
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Message non lu par Vardamir »

Puissent les Sept vous inspirer lors de votre travail :)
Alysanne
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Message non lu par Alysanne »

Ok je vais m'attaquer à la traduction du prochain chapitre :) mais je manque moi aussi de temps en ce moment :roll:

Mais ça va venir, promis :P ... et merci pour les encouragements Vardamir :wink: :D
Galan Dracos
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Message non lu par Galan Dracos »

Puissent les Autres vous sotutenir (autrement dit: puissiez-vous faire faire votre boulot par els autres...).
Vardamir
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Message non lu par Vardamir »

Personnellement, je leur fais plus confiance qu'à d'Autres :mrgreen:
Le totalitarisme c'est : Ferme ta gueule, la démocratie c'est : Cause toujours...
Alysanne
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LE CAPITAINE DE FER

Message non lu par Alysanne »

*** Comme annoncé, voici la suite ! :D ***

LE CAPITAINE DE FER

Le vent soufflait du nord quand le Fer Victorieux contourna la pointe, et entra dans la baie sainte appelée Le Berceau de Nagga.
Victarion rejoignit Nute le Coiffeur à sa proue. En avant apparut le rivage sacré de Vieux-Wyk et la colline herbeuse au-dessus d'elle, où les côtes de Nagga surgissaient de terre telles des troncs de gigantesques arbres blancs, aussi larges qu'un mât de dromon et deux fois aussi haut.
Les ossements de la demeure du Roi Gris. Victarion pouvait ressentir la magie de cet endroit.

« Balon s'est tenu sous ces ossements, quand il s'est nommé lui-même roi pour la première fois », se rappelait-il. Il a juré de nous regagner notre liberté, et Tarle Le Trois Fois Noyé lui a placé une couronne de bois flotté sur la tête. " BALON ! ", ils criaient. " BALON ! BALON ROI ! ".
- Ils crieront votre nom tout aussi fort », dit Nute.

Victarion acquiesça, bien qu'il ne partageât pas la certitude du Coiffeur. Balon a eu trois fils, et une fille qu'il aimait beaucoup.

Il en avait dit autant à ses capitaines à Moat Cailin, quand pour la première fois ils l'avaient poussé à revendiquer le Trône de Grès.

« Les fils de Balon sont morts », avait rétorqué Ralf le Rouge de Maisonpierre, « et Asha est une femme. Vous étiez le puissant bras droit de votre frère, vous devez ramasser l'épée qu'il a laissé tomber.»

Quand Victarion leur avait rappelé que Balon lui avait commandé de tenir le Moat contre les hommes du Nord, Ralf Kenning avait dit : « Les loups sont brisés, Seigneur. A quoi bon gagner ce marais et perdre les îles? »

Et Ralf le Boîteux avait ajouté : « L'Oeil de Corbeau a été parti trop longtemps. Il ne nous connaît pas.»

Euron Greyjoy, Roi des Îles et du Nord.

La pensée réveilla une vieille colère dans son coeur, mais quand même...
« Les mots sont du vent, leur dit Victarion. Et le seul bon vent est celui qui gonfle nos voiles. Me feriez-vous combattre l'Oeil de Corbeau ? Frère contre frère, fer-né contre fer-né ? »

Euron était toujours son aîné, peu importe l'animosité qui pourrait les opposer. Nul homme n'est plus maudit qu'un parricide.

Mais quand la sommation de Damphair était venue, l'appel à l'Assemblée du Roi, alors tout avait changé. Aeron parle avec la voix du Dieu Noyé, se rappela Victarion, et si la volonté du Dieu Noyé est que je devrais m'asseoir sur Le Trône de Grès...

Le jour suivant, il remit le commandement de Moat Cailin à Ralf Kenning, et se mit en route par voie de terre pour la rivière Fièvre où était stationnée la flotte de fer, parmi les roseaux et les saules. Les mers agitées et les vents inconsistants l'avaient retardé, mais seulement un bateau avait été perdu, et il était chez lui.

Peine et Fer Vengeur étaient tout près derrière quand le Fer Victorieux passa le cap. Derrière venaient Main de Fer, Vent de Fer, Fantôme Gris. Lord Quelbn, Lord Vikon, Lord Oagon, et le reste, les neuf dixièmes de la Flotte de Fer, naviguant sur la marée du soir en une colonne irrégulière qui s'étendaient en arrière sur de longues lieues. La vue de leurs voiles emplit Victarion Greyjoy de contentement. Aucun homme n'avait jamais aimé ses épouses moitié autant que le Lord Capitaine aimait ses bateaux.

Le long de la rive sacrée de Vieux-Wyk, les drakkars s'alignaient sur le rivage aussi loin que l'oeil pouvait se poser, leurs mâts poussaient comme des lances. En eau profonde, voguaient les prises : nefs, caraques, dromons gagnés pendant les razzias ou à la guerre, trop gros pour approcher du rivage. Aux proue et poupe et mât flottaient des bannières familières. Nute le Coiffeur loucha vers la rive.

« Est-ce là le Chanson Maritime de Lord Harlaw ?»

Le Coiffeur était un homme trapu avec des jambes arquées et de longs bras, mais ses yeux n'étaient plus aussi vifs qu'ils l'avaient été quand il était jeune. En ce temps-là, il pouvait lancer une hache si habilement que les hommes avaient dit qu'il pouvait vous raser avec.

« Chanson Maritime, oui. »
Rodrik le Lecteur a délaissé ses livres, il semblerait.

« Et là le vieux Tonnant de Drumm, avec le Vol de Nuit des Blacktyde près d'elle. » Les yeux de Victarion étaient aussi perçants qu'ils l'avaient toujours été. Même quand leurs voiles étaient ferlées et leurs bannières pendant mollement, ils les connaissaient, ainsi qu'il sied au Lord Capitaine de la Flotte de Fer.

« Le Nageoire Rapide aussi. Quelque fils de Sawane Botley. » L'Oeil de Corbeau avait noyé Lord Botley, avait entendu dire Victarion, et son héritier avait navigué jusqu'à Moat Cailin avec lui et y était mort, mais il avait eu des frères. Combien ? Quatre ? Non, cinq, de trois épouses différentes, et aucun avec une quelconque raison d'aimer l'Oeil de Corbeau.

Et soudain il le vit : un long bateau à un mât, mince et bas, avec une coque rouge foncé. Ses voiles, maintenant ferlées, étaient aussi noires qu'un ciel sans étoiles. Même à l'ancre, le Silence avait l'air à la fois cruel et rapide. A sa proue était une vierge de fer noire avec un bras tendu. Sa taille était fine, sa poitrine haute et fière, ses jambes longues et bien galbées. Une crinière noire de cheveux de fer ruisselait de sa tête, et ses yeux étaient en nacre, mais elle n'avait pas de bouche.

Les mains de Victarion se refermèrent en poings. Il avait battu quatre hommes à mort avec ces mains, et aussi une épouse. Bien que ses cheveux soient mouchetés de givre, il était aussi fort qu'il l'avait toujours été, avec une large poitrine de taureau et un ventre plat de jeune homme. Celui qui tue un parent se déshonore aux yeux des dieux et des hommes, lui avait rappelé Balon, le jour où il avait envoyé l'Oeil de Corbeau sur la mer.

« Il est là, dit Victarion au Barbier. Fais amener la voile. Nous continuons seulement avec les rames. Commande au Peine et au Fer Vengeur de se placer entre le Silence et la mer. Au reste de la flotte de sceller la baie. Nul de doit partir si ce n'est sur mon ordre, qu'il soit homme ou corbeau. »

Les hommes sur le rivage avaient aperçu leurs voiles. Des cris se répercutèrent à travers la baie comme amis et parents leur souhaitaient la bienvenue. Mais aucun en provenance du Silence. Sur son pont, un équipage bigarré de muets et de métis ne pipait mot alors que le Fer Victorieux s'en approchait. Des hommes noirs comme des loups de mer le regardaient fixement, et des autres, trapus et chevelus comme des singes de Sothoros. Des monstres, pensa Victarion.

Ils jetèrent l'ancre à vingt mètres du Silence.

« Mettez un canot à la mer. Je veux aller à terre. »

Il ceignit son ceinturon pendant que les rameurs prenaient leurs places, sa longue épée reposant sur une hanche, un poignard à l'autre. Nute le Barbier attacha le manteau du Lord Capitaine à ses épaules. Il était fait de neuf épaisseurs de drap d'or, cousu en forme de la pieuvre des Greyjoy, les tentacules pendant jusqu'à ses bottes. En dessous, il portait une lourde cotte de maille grise sur des cuirs bouillis noirs. A Moat Cailin, il s'était mis à porter de la maille jour et nuit. Des épaules douloureuses et un dos endolori étaient plus faciles à supporter que des entrailles sanglantes. Il suffisait que les flèches empoisonnées des diables des marais griffent un homme, et quelques heures plus tard, il serait en train de se vider et d'hurler pendant que sa vie s'écoulerait le long de ses jambes en gouttes rouges et marrons. Peu importe celui qui remportera le Trône de la Mer de Pierre, je devrai m'occuper des diables des marais.

Victarion revêtit un grand heaume de fer, forgé en forme de pieuvre de fer, ses tentacule s'enroulant autour de ses joues, pour se rejoindre sous sa mâchoire. A ce moment là, le bateau était prêt.

« Je te confie les coffres, dit-il à Nute alors qu'il passait par dessus le bord. Assure-toi qu'ils soient bien gardés. » Beaucoup dépendait des coffres.

« A vos ordres, Vôtre Grâce. »

Victarion se renfrogna et lui retourna un regard mauvais. « Je ne suis pas encore roi. » Il se hissa dans le bâteau.

Aeron l'attendait dans le ressac avec sa peau de phoque jetée sur un bras. Le prêtre était hâve et grand, bien que plus petit que Victarion. Son nez se dressait tel un aileron de requin sur son visage décharné, et ses yeux étaient de fer. Sa barbe lui descendait à la taille, et des torsades de cheveux emmêlées lui battaient l'arrière des jambes quand le vent soufflait.

« Frère, » dit-il comme les vagues se brisaient, blanches et froides, sur leurs chevilles. « Ce qui est mort ne saurait plus mourir.
- Mais ressurgit plus rude et plus vigoureux. »
Victarion enleva son heaume et s'agenouilla. La baie emplissait ses bottes et trempaient ses chausses tandis qu'Aeron lui versait un filet d'eau salée sur le front. Et ainsi ils prièrent.

« Où est notre frère Oeil de Corbeau ? » demanda le Lord Capitaine à Aeron Damphair quand les prières furent dites.

« Sienne est la grande tente de drap d'or, là où le vacarme est le plus fort. Il s'entoure d'hommes impies et de monstres, pire qu'avant. En lui, le sang de notre père s'est vicié.
- Le sang de notre mère aussi. » Victarion ne parlerait pas de parricide, ici, en ce lieu pieux, sous les ossements de Nagga et la Demeure du Roi Gris, mais plusieurs fois par nuit il rêvait d'envoyer son poing dans la face souriante d'Euron, jusqu'à ce que la chair éclate et que son sang vicié ruisselle rouge et libre. Je ne dois pas. J'ai donné ma parole à Balon.

« Tous sont venus ? demanda t-il à son frère le prêtre.
- Tous ceux qui comptent. Les capitaines et les rois. »
Dans les Îles de Fer, ils ne faisaient qu'un, car tout capitaine est un roi sur son propre pont, et tout roi doit être un capitaine. « As-tu l'intention de réclamer la couronne de notre père ? »

Victarion s'imagina assis sur le Trône de Grès. « Si tel est le désir du Dieu Noyé.
- Les vaguent vont parler, dit Aeron Damphair en se détournant. Écoute les vagues, frère.
- Oui. » Il se demanda comment sonnerait son nom, murmuré par les vagues et crié par les capitaines et les rois. Si on me passe la coupe, je ne la laisserai pas passer.

Une foule s'était rassemblée pour lui souhaiter bonne chance et rechercher ses faveurs. Victarion vit des hommes de chaque île, Blacktyde, Tawney, Orkwood, Stonetree, Wynche, et bien d'autres. Les Bonfrère de Vieux Wyk, les Bonfrère de Grand Wyk, et les Bonfrère d'Orkmont, tous étaient venus. Les Codd étaient là, bien que tout honnête homme les méprisât. Les humbles Shepherd, Weaver, et Netley côtoyaient des hommes de Maisons anciennes et orgueilleuses ; même les humbles Humbie, le sang des esclaves et des femmes-sel.

Un Volmark donna une claque dans le dos de Victarion ; deux Sparr pressèrent une outre à vin dans ses mains. Il but à longs traits, s'essuya la bouche, et les laissa l'entraîner vers leurs braseros pour écouter leurs histoires de guerre et couronnes et pillage, et la gloire et la liberté de son règne.

Cette nuit là, les hommes de la Flotte de Fer hissèrent une immense tente de toile à voile au delà de la ligne de marée, pour que Victarion puisse festoyer avec une centaine de fameux capitaines, de rôti de chevreau, morue salée, et homard. Aeron vint aussi. Il mangea du poisson et but de l'eau, pendant que les capitaines lampaient une quantité suffisante de bière pour mettre à flot la Flotte de Fer. Victarion perdit le compte de tous ceux qui lui promirent leurs voix. Beaucoup étaient des hommes éminents : Fralegg le Fort, l'intelligent Alvyn Sharp, le bossu Hotho Harlaw.

Hotho lui offrit une fille pour en faire sa reine.
« Je n'ai pas de chance avec les épouses. » lui dit Victarion. Sa première femme était morte en couches, lui donnant une fille mort-née. Sa seconde avait été frappée par la variole. Et sa troisième ...

« Un roi doit avoir un héritier, insista Hotho. L'Oeil de Corbeau a amené trois fils pour les montrer avant l'Assemblée du Roi.
- Des bâtards et des métis. Quel âge a ta fille ?
- Douze ans, dit Hotho. Belle et fertile, tout juste fleurie, avec des cheveux couleur de miel. Ses seins sont encore petits, mais elle a de bonnes hanches. Elle tient de sa mère plus que de moi. »

Victarion savait que cela signifiait que la fille n'avait pas de bosse. Pourtant quand il essayait de se la figurer, il ne voyait que la femme qu'il avait tuée. Chaque coup qu'il lui avait donné lui avait arraché un sanglot, et plus tard, il l'avait transportée aux pieds des rochers pour la donner aux crabes.

« Je verrai avec plaisir la fille une fois que je serai couronné. » dit-il.
C'était tout ce qu' Hotho avait osé espérer, et il s'éloigna en traînant les pieds, content.

Baelor Blacktyde était plus difficile à satisfaire. Il s'assit près du coude de Victarion, dans sa tunique en laine d'agneau de vair noir et vert, et un somptueux manteau couleur sable, ressemblant plus à un seigneur des terres vertes qu'à un homme de fer.

« Balon était fou, Aeron est plus fou encore, et Euron est le plus fou de tous, dit-il.
Qu'en est-il de vous, Lord Capitaine ? Si je crie votre nom, mettrez-vous fin à cette guerre de folie ? »

Victarion fronça les sourcils. « Voudriez-vous me voir plier le genou ?
- Si besoin est. Nous ne pouvons seuls faire face à tous les Westeriens. Le Roi Robert l'a prouvé, pour notre malheur. Balon payerait le prix pour notre liberté, c'est ce qu'il a dit, mais nos femmes ont acheté la couronne de Balon avec des lits vides. Ma mère était de celles-là. L'Antique Voie est morte.
- Ce qui est mort ne saurait plus mourir, mais ressurgit plus rude et plus vigoureux. Dans une centaine d'années, les hommes chanteront Balon le Hardi.
- Balon le Faiseur de Veuves, appelez-le. J'échangerai volontiers cette liberté pour un père. En avez-vous un à me donner ? »

Comme Victarion ne répondait pas, Blacktyde grommela et s'en alla.

La tente commençait à s'échauffer et à s'enfumer. Deux des fils de Gorold Bonfrère renversèrent une table en se battant ; Will Humble perdit un pari et dut manger sa botte ; Lenwood Tawney le Petit joua du violon pendant que Rommy Weaver chantait " La Coupe Sanglante" et "Pluie d'Acier" et les autres vieilles chansons de razzias. Qarl la Vierge et Eldred Codd dansèrent la danse du doigt. Un éclat de rire s'éleva quand un des doigts d'Elder atterrit dans la coupe de vin de Ralf le Boîteux.

Une femme étaient parmi ceux qui riaient. Victarion se leva et la vit près du rabat de la tente, chuchotant quelque chose à l'oreille de Qarl la Vierge qui le fit rire de plus belle. Il avait espéré qu'elle ne serait pas assez stupide pour venir ici, pourtant sa présence le fit sourire quand même.

« Asha, l'appela t-il d'une voix impérieuse. Nièce. »

Elle se fit un chemin jusqu'à ses côtés, mince et souple dans de hautes bottes de cuir décoloré par le sel, des chausses de laine vertes et une tunique matelassée marron, un pourpoint de cuir sans manches à moitié délacé.

« Oncle. » Asha Greyjoy était grande pour une femme, pourtant il lui fallut se mettre sur la pointe des pieds pour lui embrasser la joue. « Je suis enchantée de vous voir à mon Assemblée de la Reine.
- Assemblée de la Reine ? Victarion ne put qu'en rire. Serais-tu ivre, ma nièce ? Assieds-toi. Je n'ai pas aperçu ton Vent Noir sur la grève.
- Je l'ai échoué derrière le château de Nome Bonfrère et j'ai chevauché à travers l'île. »

Elle s'assit sur un tabouret, et se servit, sans rien demander, du vin de Nute le Barbier. Nute n'y vit aucune objection, il était ivre mort depuis quelque temps déjà. « Qui tient le Moat ?
- Ralf Kenning. Avec le Jeune Loup mort, seuls les diables des marais continuent à nous harceler.
- Les Stark n'étaient pas les seuls hommes du Nord. Le Trône de Fer a nommé le Lord de Fort-Terreur Protecteur du Nord.
- Voudrais-tu me donner une leçon de stratégie ? J'affrontais déjà des batailles que tu tétais encore le lait de ta mère.
- Et perdais des batailles aussi. » Asha prit un verre de vin.

Victarion n'aimait pas se voir rappeler Belle Île. « Tout homme doit perdre une bataille dans sa jeunesse, ainsi il ne perd pas une guerre quand il est vieux. Tu n'es pas venue pour faire une revendication, j'espère ? »

Elle le taquina d'un sourire. « Et si c'était le cas ?
- Il y a des hommes qui se rappellent quand tu étais une petite fille, nageant nue dans la mer et jouant avec sa poupée.
- J'ai joué avec des haches aussi.
- Tu l'as fait, dut-il acquiescer, mais une femme veut un mari, pas une couronne. Quand je serai roi, je t'en donnerai un.
- Mon oncle est trop bon avec moi. Devrai-je vous trouver une jolie épouse, quand je serai reine ?
- Je n'ai pas de chance avec les épouses. Depuis combien de temps es-tu là ?
- Assez pour constater qu'Oncle Damphair a réveillé plus de gens qu'il n'en avait l'intention. Les Drumm comptent faire une revendication, et on a entendu Tarle le Trois Fois-Noyé dire que Maron Volmark est le véritable héritier de la lignée noire.
- Le roi doit être une pieuvre.
- L'Oeil de Corbeau est une pieuvre. Le frère aîné vient avant le plus jeune. » Asha se pencha tout près. « Mais je suis l'enfant née du corps du Roi Balon, donc je viens avant vous deux. Ecoutez-moi, Oncle ...»

Mais un silence s'abattit soudain.
Les chansons moururent, Lenwood Tawney le Petit abaissa son violon, les hommes tournèrent la tête. Même le cliquetis des assiettes et des couteaux fut étouffé. Une douzaine de nouveaux-venus étaient entrés dans la tente de la fête. Victarion vit Jon Myre Tire-la-Tronche, Torwold Dents-Marrons, Lucas Codd Main-Gauche. Germund Botley croisa ses bras sur le plastron doré qu'il avait pris à un capitaine Lannister pendant la première rebellion de Balon. Orkwood d'Orkmont se tenait à ses côtés. Derrière eux venaient Main-de-Pierre, Quellon Humble, le Rameur Rouge avec sa chevelure flamboyante tressée. Rafe le Berger aussi, et Rate de Lordsport, et Qarl l'Esclave.

Et l'Oeil de Corbeau, Euron Greyjoy.

Il a l'air inchangé, pensa Victarion. Il a l'air le même que le jour où il s'est moqué de moi. Le Euron qui est parti avait toujours été le plus avenant des fils de Lord Quellon, et les années semblaient à peine avoir entamé sa beauté. Ses cheveux étaient aussi noirs qu'une mer de minuit, sans jamais un seul mouton en vue, et son visage était toujours lisse et pâle sous sa barbe noire bien entretenue. Une pièce de cuir noir couvrait l'oeil gauche d'Euron, mais le droit était aussi bleu qu'un ciel d'été. Son oeil souriant, pensa Victarion.

« Oeil de Corbeau, dit-il.
- Roi Oeil de Corbeau, frère. » Euron souriait. Il y avait quelque chose de bizarre à propos de ses lèvres. Elles semblaient très sombres à la lumière des lampes, meurtries et bleues.

« Nous n'aurons de roi que celui qui viendra de l'Assemblée du Roi. » Le Damphair se leva. « Nul homme impie ...
- ... ne peut s'asseoir sur le Trône de Grès, oui. » Euron jeta un coup d'oeil en direction de la tente. « Il se trouve que je me suis assis maintes et maintes fois sur le Trône de Grès ces derniers temps. Ça n'a soulevé aucune objection. » Son oeil souriant pétillait.

« Je vous le demande, mes amis, qui s'y connaît mieux que moi en dieux ? Dieux du cheval et dieux du feu, dieux faits d'or aux yeux de gemmes, dieux arrondis de cèdre, dieux scuptés à flanc de montagne, dieux de l'air libre... Je connais chaque dieu qui existe. J'ai vu leurs adeptes les couvrir de guirlandes de fleurs, et verser le sang des boucs et des taureaux et des enfants en leurs noms. Et j'ai entendu les prières de leurs peuples. A travers le monde en cent cinquante langues, ils prient tous la même chose. Guéris ma jambe abîmée, fais que la jeune fille m'aime, donne-moi un fils en bonne santé. Sauve-moi, viens à mon secours, rends-moi riche... protège-moi ! Protège-moi de mes ennemis, protège-moi de l'obscurité, protège-moi des crabes à l'intérieur de mon ventre, des seigneurs du cheval, des esclavagistes, des épées à ma porte. Protège-moi du Silence. »

Il rit. « Impie ? Voyons, Aeron, je suis le plus impi-toyable dévot de tous les hommes qui ont jamais levé une voile ! Tu sers un seul dieu, Damphair, mais j'en ai servi dix mille. De Ib à Asshai, quand les hommes voient mes voiles, ils prient. »

Le prêtre tremblait, Victarion pouvait le voir. Il leva un doigt décharné. « Ils prient des arbres et des idoles dorées et des abominations à tête de bouc. De faux dieux...
- Exactement, répondit Euron, et pour ce pêché je les tue tous. Je répands leur sang dans la mer et je plante ma semence dans leurs femmes hurlantes. Leurs petits dieux ne peuvent m'arrêter, donc à l'évidence ce sont de faux dieux. Je suis plus pieux que même toi, Aeron. Peut-être est-ce toi qui devrait t'agenouiller pour recevoir ma bénédiction. »

Le Rameur Rouge se mit à rire bruyamment à ces mots, et les autres prirent exemple sur lui.

« Des imbéciles, reprit le prêtre, des imbéciles et des esclaves et des aveugles, voilà ce que vous êtes. Ne voyez-vous pas ce qui se tient devant vous ?
- Un Roi. » dit Quellon Humble.
Le Damphair cracha, et s'éloigna dans la nuit à grandes enjambées.

Quand il fut parti, l'Oeil de Corbeau tourna son oeil souriant vers Victarion. « Lord Capitaine, n'as-tu pas de mots de bienvenue pour un frère logtemps parti ? Ni toi, Asha ? Comment se porte Madame ta Mère ?
- Mal. » Le ton d'Asha était cassant et glacial. « Un homme a fait d'elle une veuve. »

Euron haussa les épaules. « J'avais entendu dire que le Dieu des Tempêtes avait emporté Balon vers sa mort. Qui est cet homme qui l'a tué ? Dis-moi son nom, nièce, que je puisse me venger de lui. »

Asha se remit sur ses pieds. « Vous connaissez son nom aussi bien que moi. Trois années que vous nous avez quittés, et pourtant le Silence revient moins d'un jour après la mort de mon père.
- M'accuse-tu ? lui demanda Euron avec douceur.
- Le devrais-je ? » La violence dans la voix d'Asha fit tiquer Victarion. Il était dangereux de parler ainsi à l'Oeil de Corbeau, même quand son oeil souriant brillait d'amusement.

« Est-ce que je commande aux vents ? demanda t-il à ses toutous.
- Non, Vôtre Grâce, répondit Orkwood d'Orkmont.
- Nul homme ne commande aux vents, dit Germund Botley.
- Si tel était le cas, ajouta le Rameur Rouge, vous navigueriez où il vous plairait, et jamais ne feriez du surplace.
- Voilà tu as ta réponse, de la bouche même de trois honnêtes hommes, reprit Euron. Le Silence était en mer quand Balon est mort. Si tu doutes de la parole de l'oncle, je te laisse toute liberté de questionner mon équipage.
- Un équipage de muets ? Oui, cela me serait fort utile.
- Un mari te serait fort utile. » Euron se tourna à nouveaux vers ses partisans. « Torworld, je ne me souviens plus bien, as-tu une épouse ?
- Seulement celle-ci. » Torwold Dents-Marrons grimaça, et montra comment il s'était gagné son surnom.
« Je ne suis pas marié, annonça Lucas Main-Gauche Codd.
- Et pour une bonne raison, répliqua Asha. Toute femme méprise les Codd pareillement. Ne me regarde pas de cet air lugubre, Lucas. Il te reste toujours ta fameuse main. » Elle fit un mouvement de va-et-vient avec son poing.

Codd jura, jusqu'à ce qu'Euron pose une main sur sa poitrine. « Était-ce courtois Asha ? Tu as blessé Lucas au vif .
- Plus facile que de le blesser à la queue. Je lance une hache aussi habilement que n'importe quel homme, mais quand la cible est si petite...
- Cette fille s'oublie, lança d'un ton hargneux Jon Myre Tire-la-Tronche. Balon lui a laissé croire qu'elle était un homme.
- Ton père a commis la même erreur avec toi, répondit Asha.
- Donne la moi, Euron, suggéra le Rameur Rouge. Je la corrigerai jusqu'à ce que son cul soit aussi rouge que mes cheveux.
- Viens essayer, lui dit Asha. Et après, on pourra t'appeler l'Eunuque Rouge. » Une hache à lancer était dans sa main. Elle la jeta en l'air et la rattrapa adroitement. « Voici mon époux, oncle. Tout homme qui me veut devra aussi le prendre avec lui. »

Victarion abattit son poing sur la table. « En attendant, il n'y aura pas de sang versé ici. Euron, emmène tes... toutous... et va t-en.
- J'avais espéré un accueil plus chaleureux de ta part, frère. Je suis ton aîné... et bientôt, ton roi légitime. »
La face de Victarion s'assombrit. « Quand l'Assemblée du Roi parlera, nous verrons alors qui portera la couronne de bois flotté.
- Sur ce point nous sommes d'accord. »

Euron leva deux doigts jusqu'à la pièce qui couvrait son oeil gauche, et fit sa sortie. Les autres suivirent sur ses talons, comme des bâtards de chiens. Le silence persista derrière eux, jusqu'à ce que Lenwood Tawney le Petit se remette à son violon. Le vin et la bière se remirent à couler de nouveau, mais plusieurs invités avaient perdu l'envie de boire. Eldred Codd s'esquiva discrètement, en berçant sa main blessée. Puis Will Humble, Hotho Harlaw, un bon nombre des Bonfrère.

« Oncle. » Asha posa une main sur son épaule. « Venez faire quelques pas avec moi, voulez-vous ? »

A l'extérieur de la tente le vent se levait. Les nuages faisaient la course à travers la pâle face de la lune. Ils ressemblaient un peu à des galères, tirant dur sur les rames. Les étoiles étaient peu nombreuses et à peine visibles. Tout le long de la grève, les drakkars reposaient, leurs grands mâts s'élevant des vagues comme une forêt. Victarion pouvait entendre craquer les coques comme elles frottaient sur le sable. Il entendait les mélopées de leurs lignes, les claquements des banières. Au delà, dans les eaux profondes de la baie, à l'ancre, les bateaux plus gros dansaient sur l'eau, sinistres ombres frangées de brume.

Ils marchèrent ensemble le long de la grève juste au dessus des vagues, loin des camps et des braseros. « Dites-moi la vérité, oncle, dit Asha. Pourquoi Euron est-il parti si brusquement ?
- L'Oeil de Corbeau est parti razzier.
- Jamais pour si longtemps.
- Il a emmené son Silence à l'Est. Un très long voyage.
- J'ai demandé pour quelle raison il était parti, pas où. » Comme il ne répondait pas, Asha reprit : « J'étais au loin quand le Silence a pris la mer. J'avais emmené Vent Noir dans les parages d'Arbor jusqu'aux Marches de Pierre, pour voler quelques babioles aux pirates lysiens. Quand je suis revenue chez nous, Euron était parti et votre nouvelle femme était morte.
- Elle n'était qu'une femme-sel. » Il n'avait pas touché une autre femme depuis qu'il l'avait donnée aux crabes. Il me faudra prendre une femme quand je serai roi. Une vraie femme, pour devenir ma reine et porter mes fils. Un roi doit avoir un héritier.
« Mon père refusait de parler d'elle, dit Asha.
- Cela n'amène rien de bon de parler de choses qu'aucun homme ne peut changer.» Il était las de ce sujet. « J'ai vu le drakkar du Lecteur.
- Il m'a fallu user de tout mon charme pour l'extirper de sa Tour du Livre. »

Elle avait avec elle les Harlaw, alors. Le froncement de sourcils de Victarion s'accentua.
« Tu ne peux espérer gouverner. Tu es une femme.
- Est-ce pour cela que je perds toujours ces petits affrontements minables ? » Asha rit. « Oncle, ça me désole de devoir l'admettre, mais il se peut que vous ayez raison. Durant quatre jours et quatre nuits, j'ai parlé aux capitaines et aux rois, écoutant ce qu'ils disaient.. et ce qu'ils ne diraient pas. Les miens sont avec moi, et de nombreux Harlaw. J'ai Tris Botley aussi, et quelques autres. Pas assez. » Elle donna un coup de pied dans un caillou, et l'envoya valser dans l'eau entre deux drakkars. « Je suis décidée à crier le nom de mon oncle.
- Quel oncle ? demanda t-il. Tu en as trois.
- Quatre, répondit-elle. Oncle, écoutez-moi jusqu'au bout. Aucun roi ne peut gouverner seul. Même quand les dragons se sont assis sur le Trône de Fer, ils avaient des hommes pour les aider. Ils les appelaient Mains. Je placerai moi-même la couronne de bois flotté sur votre front... si vous me nommez ensuite votre Main. »

Aucun Roi des Îles n'avaient jamais eu de Main, encore moins une qui fût une femme. L'idée mettait Victarion mal à l'aise. Les hommes riraient sous cape.
« Pourquoi voudrais-tu cela ?
- Pour terminer cette guerre, avant que cette guerre ne nous termine. Nous avons gagné tout ce que nous étions susceptibles de gagner... et le perdrons tout aussi vite, à moins de faire la paix. J'ai fait montre de la plus grande courtoisie envers Lady Bolton et elle me jure que son seigneur traitera avec moi. Si nous rendons Motte-la-Forêt, Quart-Thorren et Moat Cailin, dit-elle, les hommes du nord nous céderont la Presqu'île de Merdragon et toute la Grève Glacée entre ici et Pouce-Flint. Ces terres ont une population clairsemée, jusqu'à dix fois plus vastes que toutes les îles mises ensemble. Un échange d'otages pour sceller le pacte, et chaque partie se mettra d'accord pour faire cause commune avec l'autre au cas où le Trône de Fer... »

Victarion gloussa.
« Cette Lady Bolton t'a menée en bateau, nièce. La Presqu'île de Merdragon et la Grève Glacée sont nôtres... tout comme Motte-la-Forêt, Moat Cailin et tout le reste. Winterfell est incendié et brisé, et le Jeune Loup pourrit décapité dans la terre. Nous aurons tout le Nord, comme le Seigneur ton père en rêvait.
- Quand les drakkars apprendront à ramer entre les arbres, nous l'aurons, oui. Un pêcheur peut prendre un leviathan gris, mais s'il ne le libère pas, celui-ci l'entraînera vers sa mort. Le nord est trop vaste à tenir pour nous, et trop plein d'hommes du nord.
- Retourne à tes poupées, nièce. Laisse les gains des guerres aux hommes. » Victarion serra ses deux poings, et les lui montra. « J'ai deux mains. Nul homme n'en a besoin de trois.
- Je connais un homme qui a besoin de la maison Harlaw cependant.
- Hotho Harlaw m'a offert sa fille pour être ma reine. Si je la prends, j'aurai les Harlaw. »

Cela sembla décontenancer la fille. « Rodrick est le Lord Harlaw. Hotho est son vassal.
- Rodrick n'a pas de filles, rien que des livres. Hotho sera son héritier, et je serai le roi. » Une fois qu'il avait dit les mots à haute voix, ils sonnaient justes. « L'Oeil de Corbeau a été trop longtemps parti.
- Certains hommes paraissent plus grands à distance, le prévint Asha. Promènez-vous parmi les feux de camps si vous l'osez, et écoutez. Ils ne racontent pas d'histoires à propos de votre force, ou de ma légendaire beauté. Ils parlent uniquement de l'Oeil de Corbeau... les endroits lointains qu'il a vus, les femmes qu'il a mises dans son lit et les hommes qu'il a tués, les villes qu'il a mises à sac, la façon dont il a brûlé la flotte de Lord Tywin à Port-Lannis...
- J'ai brûlé la flotte du lion, insista Victarion. De mes propres mains, j'ai lancé la première torche sur son vaisseau amiral.
- L'Oeil de Corbeau a ourdi le plan. » Asha posa la main sur son bras. « Et a aussi tué votre épouse... n'est-ce pas ? »

Balon leur avait commandé de ne pas en parler, mais Balon était mort.

« Il a mis un bébé dans son ventre et m'a fait commettre le meurtre. Je l'aurais tué aussi, mais Balon ne voulait pas de parricide dans sa demeure. Il a envoyé Euron en exil, pour ne jamais en revenir...
- ... aussi longtemps que Balon vivrait. » Asha fronça les sourcils.

Victarion regarda ses poings. « Elle m'a donné des cornes. Je n'avais pas le choix. » Si cela s'était su, les hommes se seraient moqué de moi, tout comme l'Oeil de Corbeau s'est moqué de moi quand je lui ai fait face.
" Elle est venue à moi toute humide et offerte, " s'était-il vanté. "Il semble que Victarion est grand de partout sauf là où cela compte. " Mais il ne pouvait pas lui raconter cela.

« Je suis désolé pour vous, dit Asha, et plus désolée pour elle encore.. mais vous ne me laissez pas d'autre choix que de réclamer le Trône de Grès pour moi-même. »

Tu ne peux pas. « Ton souffle t'appartiens, nièce. Tu peux le gaspiller à ta guise.
- En effet. » répondit-elle, et elle le laissa.


prochainement ... LE PRÊTRE.
Modifié en dernier par Alysanne le 29 mai 2004, 15:07, modifié 1 fois.
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Supernounours
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Message non lu par Supernounours »

Alors, je suis le lien de la section "le site et le forum"... et oh, génial, la suite tant attendue est enfin là !
Merci Alysanne !!!! :D :D :D
Trop excellent... je suis super content 8)
(oulà je comprends que cela est pris tant de temps ! :o )
Galan Dracos
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Message non lu par Galan Dracos »

Magnifique!

Une petite erreur de traduction: Seastone Chair ne se traduit pas par "Trône de la Mer de Pierre", mais "Trône de la Pierre de la Mer", et la pierre de la mer étant le Grès, "Trône de Grès".
Alysanne
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Message non lu par Alysanne »

'xact ! Je rectifie. Elle m'a échappé celle-là ! :roll: Merci :wink:

Le pire, c'est que j'avais bien vu la traduction en français, et je me demandais pourquoi diable il parlait de Grès :lol: donc du coup j'avais gardé la traduction littérale...

Je comprends mieux maintenant... :lol:
Alysanne
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Message non lu par Alysanne »

Tadaaaaaaaaaa ! Ça a été long à venir, mais voici le dernier chapitre ! :wink:
ENJOY !!!!!!!!!


LE PRÊTRE

Quand ses bras et jambes furent engourdis par le froid, alors seulement Aeron Greyjoy revint à grand-peine vers le rivage et remit ses robes.

Il s'était sauvé devant l'Oeil de Corbeau comme s'il était toujours la faible créature qu'il avait été autrefois, mais quand les vagues lui avaient déferlé par dessus la tête, elles lui avaient rappelé une fois de plus que cet homme-là était mort. Je suis né à nouveau de la mer, un homme plus rude et plus vigoureux. Aucun homme mortel ne pourrait l'effrayer, non plus que l'obscurité, ou les tréfonds de son âme, les gris et sinistres tréfonds de son âme. Le bruit d'une porte qui s'ouvre, le grincement d’une charnière de fer rouillée.

Les robes du prêtre craquaient comme il les enlevait, encore raidies par le sel _____ depuis leur dernier lavage il y avait de cela une quinzaine de jours. La laine collait à sa poitrine mouillée, buvant l'eau de mer qui coulait de ses cheveux. Il remplit son outre et la mit en bandoulière.
Alors qu'il marchait à grands-pas à travers la grève, un noyé revenant d'un appel de la nature tomba sur lui dans les ténèbres. «Tifs-Trempés», murmura t-il. Aeron posa une main sur sa tête, le bénit, et s'en alla. Le sol s'élevait sous ses pieds, gentiment d'abord, puis en pente plus raide. Quand il sentit de l'herbe rabougrie entre ses orteils, il sut qu'il avait laissé la grève derrière lui. Lentement, il grimpa, écoutant les vagues. La mer n'est jamais lasse. Il me faut être aussi infatigable.

Au sommet de la colline, quarante-quatre monstrueuses côtes de pierre sortait de terre comme autant de gigantesques arbres pâles. La vision fit battre plus fort le coeur d'Aeron. Nagga avait été le premier dragon de mer, le plus puissant qui se soit jamais élevé des flots. Elle se nourrissait de krakens et de léviathans et noyait des îles entières dans son courroux, pourtant le Roi Gris l'avait tuée et le Dieu Noyé avait changé ses os en pierre pour que les hommes ne cessent jamais de s'émerveiller devant le courage du premier des rois. Les côtes de Nagga devinrent les poutres et les piliers de sa demeure, tout comme sa mâchoire devint son trône. Durant mille et sept ans, il régna ici, se rappelait Aeron. Ici il prit sa femme sirène et dressa les plans de ses guerres contre le Dieu des Tempêtes. D'ici il gouvernait la pierre et le sel, portant des robes d'algues tissées et une grande couronne pâle faite à partir des dents de Nagga.

Mais cela se passait à l'aube des jours, quand les héros habitaient encore la terre et la mer. La demeure avait été réchauffée par le feu vivant de Nagga, dont le Roi Gris avait fait son esclave. Sur ses murs, étaient accrochées des tapisseries tissées d'algue argentées des plus agréables à l'oeil. Les guerriers du Roi gris avaient festoyé des dons de la mer sur une table en forme de gigantesque étoile de mer, assis sur des trônes sculptés en nacre. Passée, passée toute cette gloire. Les hommes étaient plus petits aujourd'hui. Leurs vies s'étaient rétrécies. Le Dieu des Tempêtes avait noyé le feu de Nagga après la mort du Roi Gris, les chaises et les tapisseries avaient été volées, le toit et les murs avaient pourri avec le temps. Même le grand trône de crocs du Roi Gris avait été avalé par la mer. Seuls les os de Nagga étaient restés pour rappeler aux Fers-Nés toute la merveille des jours passés.
Cela suffit, pensa Aeron Greyjoy.

Neuf larges marches avaient été taillées à partir du sommet de la colline. En arrière s'élevait les collines mugissantes de Vieux Wyk, avec les montagnes au loin, noires et cruelles. Aeron marqua un arrêt à l'endroit où se tenaient autrefois les portes, retira le bouchon de son outre, avala une gorgée d'eau salée, et se retourna pour faire face à la mer. Même ici, il pouvait percevoir le grondement sans fin des vagues, et ressentir le pouvoir du dieu qui restait tapi au fond des eaux. Aeron se mit à genoux. Tu m'as envoyé ton peuple, pria t-il. Ils ont quitté leurs demeures et leurs taudis, leurs châteaux et leurs donjons, et sont venus ici jusqu'aux os de Nagga, venus de chaque village de pêcheurs et de chaque vallée cachée. Maintenant accorde leur la sagesse de reconnaître le vrai roi quand il se tiendra devant eux, et la force de fuir l'imposteur. Toute la nuit il pria, parce que quand le dieu était en lui, Aeron Greyjoy n'avait nul besoin de dormir, pas plus que que les vagues, ou les poissons dans la mer.

De sombres nuages filaient dans le vent comme la première étole tendue sur le monde. Le ciel noir devint gris comme l'ardoise; la mer noire vira au gris-vert ; les montagnes noires de Vieux Wyk de l'autre côté de la baie revêtirent les nuances bleu-vert des pins soldats (?). Comme la couleur dérobée faisait son retour dans le monde, une centaine de bannières se levèrent et commencèrent à claquer. Aeron vit le poisson d'argent des Botley, la lune sanglante des Wynch, les sombres arbres verts des Orkwood. Il vit les cors de guerre, les léviathans et les faux, et partout les pieuvres énormes et dorées. Sous elles, les esclaves et les femmes-sel commencèrent à remuer, tisonnant les cendres pour les ranimer et vidant les poissons pour que les capitaines et les rois puissent rompre leurs jeûnes. La lumière de l'aube toucha la grève pierreuse, et il regarda les hommes s'éveiller de leurs sommeils et rejeter leurs manteaux en peau de phoque tout en réclamant leur première corne de bière. Buvez à volonté, pensa t-il, car nous avons le travail du dieu à faire aujourd'hui.
La mer s'agitait aussi. Les vagues devinrent plus grosses comme le vent se levait, envoyant des panaches de jets d'eau s'écraser contre les drakkars. Le Dieu Noyé se réveille, pensa Aeron. Il pouvait entendre sa voix monter des profondeurs de la mer. Je serai avec toi ici ce jour, mon solide et loyal serviteur, disait la voix. Aucun homme impie ne s'assiéra sur mon Trône de Grès.

Ce fût là sous l'arche des côtes de Nagga que ses noyés le trouvèrent, se tenant droit et ? avec ses longs cheveux noirs flottant dans le vent. « L'heure est-elle venue ? » demanda Rus. Aeron acquiesça d'un signe de tête et répondit : « Oui. Retournez vous-en et faites l'appel. »

Les noyés levèrent leurs bâtons de bois flotté et commencèrent à les frapper l'un contre l'autre pendant qu'ils redescendaient la colline. D'autres se joignirent à eux, et le bruit se répercuta à travers la grève. Quel effroi ils produisaient en claquant et s'entrechoquant, comme si une centaine d'arbres se battaient mutuellement à coups de branches. Les timbales commencèrent à battre aussi, boum-boum-boum-boum-boum, boum-boum-boum-boum-boum. Un cor de guerre mugit, puis un autre. AAAAAA ooooooooooooooooooooooo.

Les hommes délaissèrent leurs feux pour se diriger vers les os de la demeure du Roi Gris; rameurs, timoniers, voiliers, charpentiers, les guerriers avec leurs haches et les pêcheurs avec leurs filets. Certains avaient des esclaves pour les servir; certains avaient des femmes-sel. D'autres, qui avaient navigué trop souvent vers les terres vertes, étaient accompagnés de maîtres et de chanteurs et de chevaliers. Les hommes du commun se serraient en formant un croissant à la base du tertre, avec les esclaves, les enfants, et les femmes vers l'arrière. Les capitaines et les rois grimpèrent sur les pentes. Aeron Tifs-Trempés vit le joyeux Sigfry ArbredePierre, Andrik Sans-Sourire, le chevalier Harras Harlaw. Lord Baelor Blacktyde dans son manteau sable se tenait debout aux côtés de la Maison Slone (?) et leurs peaux de phoque en lambeaux.

Victarion apparut au dessus d'eux tous, à l'exception d'Andrik. Son frère ne portait pas de casque, mais sinon il était tout en armure, son manteau pieuvre pendant, doré, de ses épaules. Il sera notre roi. Quel homme pourrait poser les yeux sur lui et en douter ? Quand Tifs-Trempés éleva ses mains oseuses, les timbales et les cors de guerre firent silence, les hommes noyés levèrent leurs bâtons et toutes les voix se turent. Seul le bruit des vagues d'une violence inouïe subsistait, un rugissement qu'aucun homme ne pouvait apaiser.

« Nous sommes nés de la mer, et à la mer nous retournerons tous », commença Aeron, d'une voix douce d'abord, pour que les hommes aient à tendre l'oreille pour pouvoir l'entendre. « Le Dieu des Tempêtes dans sa colère a arraché Balon de son château et l'en a précipité au bas, et maintenant il festoie sous les vagues dans les salles humides du Dieu Noyé. » Il leva les yeux au ciel.
« Balon est mort ! Le roi de fer est mort !
- Le roi est mort ! crièrent ses noyés.
- Pourtant ce qui est mort ne saurait plus mourir, mais ressurgit plus rude et plus vigoureux, leur rappela t-il. Balon est tombé, Balon mon frère, qui a honoré l'Antique Voie et payé le fer-prix. Balon le Brave, Balon le Saint, Balon le Deux-Fois-Couronné, qui nous a regagné nos libertés et notre dieu, Balon est mort... mais un roi de fer s'élèvera à nouveau, pour s'asseoir sur le Trône de Grès et gouverner les îles.
- Un roi s'élevera !, répondirent-ils. Il s'élevera !
- Il en sera ainsi. Il le doit. » La voix d'Aeron rugit comme les vagues. « Mais qui ? Qui s'assiéra à la place de Balon ? Qui dirigera ces saintes îles ? Est-il parmi nous à cet instant ? » Le prêtre ouvrit largement ses mains. « Qui sera le roi au dessus de nous ? »

Un goéland lui cria en retour. La foule commençait à s'agiter, tels des hommes s'éveillant d'un rêve. Chaque homme examinait ses voisins, pour voir lequel d'entre eux pourrait prétendre réclamer une couronne. L'Oeil de Corbeau n'a jamais été patient, se dit Aeron Tifs-Trempés. Peut-être parlera t-il le premier. Et alors, cela causerait sa perte. Les capitaines et les rois avaient fait beaucoup de route pour venir à cette fête, et ne choisiraient pas le premier plat posé devant eux. Ils voudront goûter et avoir un avant-goût, une bouchée de l'un, un morceau de l'autre, jusqu'à ce qu'ils trouvent celui qui leur conviendra le mieux. Euron devait savoir cela aussi. Il se tenait debout, les bras croisés, au milieu de ses muets et de ses monstres. Seuls le vent et les vagues répondirent à l'appel d'Aeron.

« Les Fers-Nés doivent avoir un roi, insista le prêtre après un long silence. Je le demande à nouveau. Qui sera le roi au dessus de nous ?
- Je serai celui-là. » La réponse provenait d'en contrebas.
Soudain s'éleva un cri loqueteux " Gylbert ! Gylbert Roi ! " Les capitaines s'écartèrent pour permettre au prétendant et à ses champions de grimper la colline et de venir se placer aux côtés d'Aeron sous les os de Nagga.

Ce prétendu roi était un grand seigneur sec avec un visage mélancolique, ses mâchoires aux joues creuses rasées de près. Ses trois champions prirent position deux marches en dessous de lui, portant son épée et bouclier et bannière. Ils avaient en commun une certaine ressemblance avec le grand seigneur, et Aeron les jugea ses fils. L'un déplia sa bannière, un long drakkar noir sur fond de soleil levant. « Je suis Gylbert Farwynd, Seigneur de la Lumière Solitaire », dit le lord à l'assemblée du roi.

Aeron connaissait quelques Farwynd, des gens bizarres qui tenaient des terres sur les rivages les plus à l'ouest de Grand-Wyk et les îles éparses au delà, des rochers si petits que la plupart ne pouvait rien supporter de plus qu'une simple maison. De celles-là, la Lumière Solitaire était la plus éloignée, à huit jours de voile au nord-ouest parmi les colonies de phoques et de lions de mer, et les océans gris infinis. Les Farwynd étaient encore plus étranges que le reste. Certains disaient qu'ils étaient des métamorphes ( zomans ? = changeurs de peau ), des créatures impies qui pouvaient prendre l'apparence de lions de mer, morses, et même de baleines tachetées, les loups de la mer sauvage.

Lord Gylbert commença à parler. Il évoqua un pays merveilleux au delà de la Mer du Crépuscule, un pays sans hiver ni pauvreté, où la mort n'avait nulle emprise.
« Faites de moi votre roi, et je vous mènerai là-bas, leur cria t-il. Nous construirons dix mille navires comme le fit Nymeria autrefois, et nous metterons les voiles avec tout notre peuple vers le pays au delà du crépuscule. Là-bas tout homme sera un roi, et toute femme une reine. »

Ses yeux, vit Aeron, étaient tantôt gris, tantôt bleus, aussi changeants que les mers. Des yeux fous, pensa t-il, des yeux de fou. La vision dont il parlait était sans l'ombre d'un doute un piège tendu par le Dieu des Tempêtes pour attirer les Fers-Nés vers leur destruction. Les offrandes que ses hommes éparpillèrent devant l'assemblée du roi se composaient de peaux de phoque et de défenses de morse, des anneaux de bras faits d'os de baleine, des cors de guerre cerclés de bronze. Les capitaines regardèrent et s'en détournèrent, laissant les hommes de moindre rang se servir dans les dons.
Quand le fou finit de parler et que ses champions crièrent son nom, seuls les Farwynd relayèrent le cri, et encore pas tous. Bien assez tôt, les cris de " Gylbert ! Gylbert Roi ! " firent place au silence. Le goéland cria bruyamment au dessus d'eux, et se posa au sommet d'une des côtes de Nagga, alors que le Seigneur de la Lumière Solitaire redescendait de la colline.

Aeron monta d'une marche une fois de plus. « Je le demande encore. Qui sera roi au dessus de nous ? »
« Moi ! » rugit une voix grave, et une fois de plus la foule se fendit.
L'orateur était porté en haut de la colline dans une chaise de bois flotté sculptée, posée sur les épaules de ses petits-fils. Une grande ruine d'homme, lourd comme vingt pierres et vieux de quatre vingt-dix ans, il était drappé dans une peau d'ours blanc. Ses propres cheveux étaient également aussi blancs que neige, et son immense barbe le recouvrait telle une couverture depuis les joues jusqu'aux cuisses, de telle sorte qu'il était difficile de dire où finissait la barbe et où commençait la pelisse. Bien que ses petits-fils soient de solides gaillards, ils luttaient avec son poids sur les marches en pierre raide. Avant la demeure du Roi Gris, ils le mirent à terre, et trois d'entre eux restèrent en dessous de lui en tant que champions.

Six ans plus tôt, celui-ci aurait bien pu gagner les faveurs de l'assemblée, pensa Aeron, mais son heure était passée depuis longtemps.

« Oui, moi ! » hurla l'homme de là où il était assis, d'une voix aussi énorme qu'il l'était, lui. « Pourquoi pas ? Qui de mieux ? Je suis Erik le Fer-Faiseur, pour ceux qui sont aveugles. Erik le Juste. Erik Briseur d'Enclume. Montre-leur mon marteau, Thormor. » Un de ses champions le leva pour que tous le voient ; c'était une chose monstrueuse ; son manche enveloppé de vieux cuir, sa tête une brique d'acier aussi large qu'une miche de pain.
« Je ne peux compter le nombre de mains que j'ai réduites en charpie avec ce marteau, dit Erik, mais peut-être que quelque voleur pourrait vous le dire. Je ne peux dire non plus combien de têtes j'ai écrasées contre mon enclume, mais il y a quelques veuves qui en seraient capables. Je pourrais vous conter tous les exploits que j'ai accomplis pendant les batailles, mais j'ai quatre vingt huit ans et je ne vivrai pas assez vieux pour finir mon récit. Si vieux signifie sage, personne n'est plus sage que moi. Si énorme signifie fort, personne n'est plus fort que moi. Vous voulez un roi avec des héritiers ? J'en ai plus que je ne saurais compter. Roi Erik, oui, j'aime comme cela sonne. Allez, dites-le avec moi. ERIK ! ERIK ! BRISEUR D'ENCLUME ! ERIK ROI ! »

Comme ses petit-fils reprenaient le cri, leurs propres fils s'avancèrent avec des coffres sur leurs épaules. Quand ils les renversèrent au pied des marches de pierre, un torrent d'argent, bronze, et acier s'en répandit ; des anneaux de bras, des colliers, des dagues, des poignards, et des haches de jet. Quelques capitaines s'emparèrent d'objets choisis, et ajoutèrent leurs voix au chant qui enflait. Mais le cri avait à peine commencé à se développer qu'une voix de femme le brisa.
« __ » Les hommes se mirent de côté pour la laisser passer. Avec un pied sur la marche la plus basse, elle dit :
« Erik, levez-vous. »

Un silence tomba. Le vent soufflait, les vagues se brisaient sur le rivage, les hommes se murmuraient à l'oreille entre eux. Erik le Fer-Faiseur fixait Asha en contrebas. « Jeune fille. Trois fois maudite jeune fille. Qu'as-tu dit ?
- Levez-vous, Erik, appela t-elle. Levez-vous et je crierai votre nom avec les autres. Levez-vous et je serai la première à vous suivre. Vous voulez une couronne, d'accord. Levez-vous et prenez-la. »

Quelque part dans la foule, l'Oeil de Corbeau rit. Erik lui jeta un regard. Les mains de l'énorme homme se refermèrent fermement sur les bras de son trône de bois sculpté. Son visage vira au rouge, puis au pourpre. Ses bras tremblaient sous l'effort. Aeron pouvait voir une épaisse veine bleue battre sur son cou pendant qu'il luttait pour se lever. Pendant un moment, il sembla qu'il en serait capable, mais son souffle lui fit tout à coup défaut, il gémit et se rassit sur son coussin. Euron en rit encore plus fort. L'homme énorme laissa laissa pendre sa tête et devint vieux, tout cela en l'espace d'un clin d'oeil. Ses petits-fils le transportèrent en bas de la colline.

« Qui dirigera les Fers-Nés ? demanda à nouveau Aeron. Qui sera le roi au dessus de nous ? »

Les hommes se regardaient l'un l'autre. Certains regardaient Euron, d'autres Victarion, et quelques-uns Asha. Les vagues se brisaient, vertes et blanches, contre les drakkars. Le goéland cria une autre fois, un cri rauque, solitaire et désespéré.
« Fais ta revendication Victarion, appela le Merlyn. Finissons-en avec cette farce de mime.
- Quand je serai prêt. » lui cria Victarion en retour.
Aeron étai ravi. C'est mieux s'il attend.
Le Drumm vint ensuite, un autre vieil homme, mais pas aussi vieux qu'Erik cependant. Il grimpa la colline sur ses deux jambes, et sur sa hanche chevauchait Pluie Rouge, sa fameuse épée, forgée en acier Valyrien, du temps d'avant la Chute. Ses champions étaient des hommes de qualité : ses fils Denys et Donnel, tous deux de vaillants guerriers, et entre eux Andrik le Sans-Sourire, un géant fait homme avec des bras aussi épais que des arbres. Cela parlait en faveur de Drumm qu'un tel homme le représente.

« Où est-il écrit que notre roi doit être une pieuvre ?, commença Drumm. Quel droit a Pyke de nous gouverner ? Grand-Wyk est la plus grande des îles, Harlaw la plus riche, Vieux-Wyk la plus sainte. Quand la lignée noire fût consumée par le feu des dragons, les fers-nés donnèrent la primauté à Vickon Greyjoy, oui... mais comme seigneur, pas roi. »
C'était un bon début. Aeron entendit des cris d'aprobation, mais ils diminuèrent quand le vieil homme commença à conter la gloire des Drumm. Il parla de Dale le Terrible, Roryn le Moissonneur, les centaines de fils de Gormond Drumm le Vieux-père. Il sortit Pluie Rouge et leur conta comment Hilmar Drumm le Rusé avait gagné la lame sur un chevalier en armure avec sa présence d'esprit et un gourdin de bois. Il leur parla de bateaux depuis longtemps perdus et de batailles oubliées depuis huit cent ans, et la foule s'agita. Il parla et parla, et il parla encore plus. Et quand les coffres de Drumm furent jetés ouverts, les capitaines virent les présents misérables qu'il leur avait apportés. Aucun trône n'a jamais été acheté avec du bronze, pensa Tifs-Trempés. Cette vérité était évidente à entendre, comme les cris de " Drumm ! Drumm ! Dunstan Roi ! " se mouraient.

Aeron pouvait sentir sa gorge se serrer et il lui semblait que les vagues battaient plus fort qu'auparavant. Il est temps, pensa t-il. Il est temps pour Victarion de faire sa revendication.
« Qui sera roi au dessus de nous ? » cria le prêtre une fois encore, mais cette fois ses yeux noirs farouches trouvèrent son frère dans la foule.
« Neuf fils sont nés des reins de Quellon Greyjoy. L'un d'eux fût plus puissant que tous les autres, et ne connaissait point la peur. »
Victarion rencontra ses yeux, et acquiesça. les capitaines s'écartèrent davant lui alors qu'il grimpait les marches.

« Frère, accorde-moi ta bénédiction, » dit-il lorsqu'il atteignit le sommet. Il s'agenouilla et baissa la tête. Aeron déboucha son outre et versa un filet d'eau salée sur son front.
« Ce qui est mort ne saurait plus mourir ...», dit le prêtre,
- ... mais ressurgit plus rude et plus vigoureux. » répondit Victarion.

Quand Victarion se leva, ses champions se déployèrent eux-mêmes en dessous de lui ; Rafe le boîteux, Rafe Maisonpierre le Rouge, et Nute le Barbier, tous des guerriers estimés. Maisonpierre portait la bannière des Greyjoy, la pieuvre dorée sur champ aussi noir que la mer de minuit. Aussitôt qu'elle fût déroulée, les capitaines et les rois commencèrent à hurler à tue-tête le nom du Lord Capitaine. Victarion attendit jusqu'à ce qu'ils se calment, puis dit :

« Vous me connaissez tous. Si ce sont des mots doux que vous voulez, allez voir ailleurs. Je n'ai pas une langue de chanteur. J'ai une hache, et j'ai ceci. » Il leva ses énormes et puissantes mains pour leur montrer, et Nute le Barbier exhiba sa hache, une redoutable pièce d'acier.
« J'ai été un frère loyal, continua Victarion. Quand Balon s'est marié, c'est moi qu'il a envoyé lui chercher sa promise. J'ai conduit ses drakkars dans plus d'une bataille, et n'en ai perdu aucun. La première fois que Balon prit une couronne, ce fût moi qui navigua vers Port-Royal pour faire roussir la queue du lion. La seconde fois, ce fût moi qu'il envoya pour dépecer le Jeune Loup s'il devait revenir hurlant chez lui. Tout ce que vous obtiendrez de moi c'est plus de ce que vous avez obtenu avec Balon. C'est tout ce que j'ai à dire. »

Sur ce, ses champions commencèrent à scander : " VICTARION ! VICTARION ! VICTARION ROI ! " Plus bas, ses hommes renversaient ses coffres, une cascade d'argent, d'or et de gemmes, une fortune de pillage. Les capitaines se ruèrent pour s'emparer des pièces les plus riches, criant tandis qu'ils faisaient cela. " VICTARION ! VICTARION ! VICTARION ROI ! "
Aeron regarda l'Oeil de Corbeau. Allait-il parler maintenant, ou laisser l'assemblée du roi suivre son cours ? Orkwood d'Ormont était en train de murmurer à l'oreille d'Euron.

Mais ce ne fût pas Euron qui mit un terme aux clameurs, ce fût la femme trois-fois maudite. Elle mit deux doigts dans sa bouche et siffla, un son aigu et strident qui trancha dans le tumulte comme un couteau dans le lait caillé.

« Mon oncle ! Mon oncle ! » Se penchant, elle saisit un collier d'or tressé, et grimpa en bondissant les marches. Nute la retint par le bras, et l'espace d'un demi-battement de coeur, Aeron eut bon espoir que les champions de son frère fassent garder le silence à la stupide fille, mais Asha se dégagea d'un mouvement brusque de la prise du Barbier et dit quelque chose à Rafe le Rouge qui lui fit faire un pas de côté.
Comme elle passait devant eux, toutes les acclamations s'évanouirent. Elle était la fille de Balon Greyjoy, et la foule était curieuse d'entendre ce qu'elle avait à dire.

« C'était aimable à vous d'apporter de tels présents à mon assemblée de la reine, mon oncle, dit-elle à Victarion, mais vous n'aviez pas besoin de porter une telle armure. Je promets de ne pas vous faire de mal. » Des éclats de rire se firent entendre, tandis qu'Asha se tournait pour faire face aux capitaines.
« Il n'y a pas d'homme plus brave que mon oncle, pas de plus fort, pas de plus sauvage au combat. Et il compte jusqu'à dix aussi vite que n'importe qui, je l'ai vu faire... même s'il enlève effectivement ses bottes quand il lui faut aller jusqu'à vingt. » Cela les fit rire encore.
« Il n'a pas de fils, cependant. Ses femmes persistent à mourir. L'Oeil de Corbeau est son aîné, et a une meilleure revendication...
- En effet ! » cria d'en bas le Rameur Rouge
« Ah, mais ma revendication est meilleure encore. » Asha posa le collier sur sa tête de façon enjouée, pour que l'or étincelle sur sa chevelure sombre.
« Le frère de Balon ne peut passer avant le fils de Balon.
- Les fils de Balon sont morts, cria Rafe le Boîteux. Tout ce que je vois est la petite fille de Balon !
- Fille ? » Asha glissa une main sous son gilet de cuir.
« Oh oh ! Qu'est-ce que cela ? Devrais-je vous le montrer ? Certains d'entre vous n'en ont pas vu depuis qu'ils ont été sevrés. » Ils rirent encore.
« Des mamelons sur un roi sont une chose terrible, c'est ça le refrain ? Rafe, tu m'as eu, je suis une femme... enfin pas une vieille femme comme toi quand même. Rafe le Boîteux ... ça ne devrait pas plutôt être Rafe le Mou ? [ jeu de mots intraduisible ] » Asha sortit une dague d'entre ses seins.
« Je suis une mère aussi, et voici mon nourrisson ! » Elle la leva.
« Et voici mes champions. » Ils se frayèrent un passage devant les trois de Victarion pour venir se placer en dessous d'elle. Qarl la Vierge, Tristifer Botley, et le chevalier Ser Harras Harlaw, dont l'épée Crépuscule était aussi célèbre que Pluie Rouge, celle de Dunstan Drumm.

« Mon oncle a dit que vous le connaissez. Vous me connaissez aussi...
- Je veux te connaître mieux ! cria quelqu'un.
- Rentre chez toi et connais ta femme ! lui rétorqua Asha. Mon oncle dit qu'il vous donnera plus de ce que mon père vous a donné. Bien, de quoi s'agit-il ? Or et gloire, diront certains. Liberté, encore plus suave. Oui, c'est la vérité, ils nous a donné cela... et des veuves aussi, comme vous le dira Lord Blacktyde. Combien d'entre vous ont eu leur maison livrée aux flammes quand Robert est venu ? Combien ont vu leurs filles être violées et dépouillées ? Des villes incendiées et des châteaux détruits, mon père vous a donné cela. La défaite est ce qu'il vous a donné. Mon oncle vous en donnera plus. Pas moi.
- Et que nous donneras-tu ? demanda Lucas Codd. Du tricot ?
- Oui, Lucas. Je nous tricoterai un royaume. » Elle fit passer sa dague d'une main à l'autre.
« Ils nous faut tirer une leçon du Jeune Loup, qui a gagné chaque bataille... et a tout perdu.
- Un loup n'est pas une pieuvre, objecta Victarion. Ce que les pieuvres saisissent, elles ne le lâchent pas, que ce soit un drakkar ou un léviathan.
- Et qu'avons-nous saisi, mon oncle ? Le nord ? Qu'est-ce donc, sinon des lieues et des lieues et des lieues et des lieues, bien loin du son de la mer ? Nous avons pris Moat Cailin, Motte-la-Forêt, Quart-Torrhen, même Winterfell. Qu'en avons-nous tiré ? »
Elle fit un signe, et les hommes de son Vent Gris s'avancèrent, des coffres de chêne et de fer sur les épaules.
« Je vous offre la fortune de Rivage Pierreux » dit Asha tandis que le premier était renversé. Une avalanche de cailloux s'en échappa bruyamment, dévalant les marches ; des cailloux gris, noirs et blancs, usés par la mer.
« Je vous offre les richesses de Motte-le-Forêt » dit-elle, comme le second coffre était ouvert. Un flot de cônes de pins en sortit, pour rouler et rebondir vers le bas jusqu'à la foule.
« Et pour finir, l'or de Winterfell. » Du troisième coffre, vinrent des navets jaunes, ronds et durs, et aussi gros que la tête d'un homme. Ils atterrirent parmi les cailloux et les cônes de pins. Asha en poignarda un avec sa dague.
« Harmund Sharp, cria t-elle, ton fils Harrag est mort à Winterfell, pour ceci. » Elle ôta le navet de sa dague et le lui envoya. « Tu as d'autres fils, je pense. Si tu désires échanger leurs vies contre des navets, crie le nom de mon oncle !
- Et si je crie ton nom ? demanda Harmund. Alors quoi ?
- Paix, dit Asha. Terre. Victoire. Je vous donnerai la Pointe du Dragon de Mer et le Rivage Pierreux, la terre noire, les grands arbres et assez de pierres pour que chaque fils cadet puisse construire une demeure. Nous aurons les hommes du Nord aussi... en tant qu'amis, pour se tenir à nos côtés contre le Trône de Fer. Donc le choix est simple. Couronnez-moi, pour la paix et la victoire. Ou couronnez mon oncle, pour encore plus de guerre et encore plus de défaites. » Elle rengaina sa dague à nouveau. « Qu'aurez vous, fers-nés ?
- LA VICTOIRE ! » cria Rodrik le Lecteur, ses mains en coupe autoure de sa bouche. « La victoire, et Asha !
- ASHA ! lui fit écho Lord Baelor Blacktyde. ASHA REINE ! »

Le propre équipage d'Asha reprit le cri. « ASHA ! ASHA ! ASHA REINE ! » Ils tapaient du pied et agitaient les poings, et hurlaient tandis que Tifs-Trempés les regardaient avec incrédulité. Elle laisserait la tâche de son Père inachevée ! Déjà Tristifer Botley criait pour elle, avec de nombreux Harlaw, quelques Bonfrère, Lord Merlyn au visage empourpré, plus d'hommes que le prêtre n'en aurait cru possible... pour une femme ! Mais d'autres tenaient leurs langues ou marmonnaient en aparté avec leurs voisins.
« Pas de paix de lâche ! » rugit Rafe le Boîteux. Ralf Maisonpierre le Rouge fit tournoyer la bannière Greyjoy et beugla : « Victarion ! VICTARION ! VICTARION ! »

Les hommes commencèrent à se bousculer entre eux. Quelqu'un jeta un cône de pin à la tête d'Asha. Comme elle se penchait pour l'esquiver, sa couronne de fortune tomba. Pendant un moment, le prêtre eut l'impression de se tenir debout sur une fourmilière géante, avec des milliers de fourmis déchaînées à ses pieds. Les cris de " Asha ! " et " Victarion ! " allaient et venaient en enflant, et il semblait qu'un violent orage était sur le point de tous les engloutir. Le Dieu des Tempêtes est parmi nous, pensa le prêtre, semant la fureur et la discorde.

Aussi tranchant qu'un coup d'épée, le son d'un cor déchira l'air. Clair et funeste était sa voix, un hurlement exalté qui faisait froid dans le dos et vous donnait l'impression que vos os grinçaient à l'intérieur de vous. Le cri s'attarda dans l'air marin humide : èèèèRRIIIIiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii.

Tous les yeux se tournèrent dans la direction du son. C'était un des bâtards d'Euron qui sonnait l'appel, un homme monstrueux avec une tête rasée. Des anneaux d'or, de jade et de jais scintillaient sur ses bras, et sur son large torse était tatoué quelque oiseau de proie, les serres dégouttant de sang.

èèèèRRIIIIiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii.

Le cor dans lequel il soufflait était d'un noir brillant et tordu, plus grand qu'un homme quand il le tenait à deux mains. Il était cerclé de bandes d'or rouge et d'acier sombre, incisé de glyphes en antique Valyrien qui semblaient rougeoyer tandis que le bruit enflait.

èèèèèèèèRRRIIIIIIIIIIIIIIIIiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii

C'était un son terrible, des pleurs de douleur et de fureur qui semblaient brûler les oreilles. Aeron Tifs-Trempés couvrit les siennes, et pria le Dieu Noyé pour qu'il soulève une puissante vague et réduise le cor au silence, cependant le cri perçant continuait encore et encore.C'est le cor de l'enfer, voulait-il crier, bien qu'aucun homme ne l'aurait entendu. Les joues de l'homme tatoué étaient si gonflées qu'elles paraissaient sur le point d'éclater, et les muscles de son torse se contractaient d'une manière qui donnait l'impression que l'oiseau allait s'arracher de sa chair et prendre son envol. Et à présent les glyphes brûlaient brillamment, chacune des lignes et des lettres chatoyant d'un feu blanc. Encore et encore et encore se prolongeait le son, se répercutant sur les collines hurlantes derrière eux et sur les eaux du berceau de Nagga pour se réverbérer sur les montagnes de Grand-Wyk, encore et toujours jusqu'à remplir le monde humide dans sa totalité.

Et quand il semblait que le son ne cesserait jamais, cela arriva. Le souffle du sonneur de cor lui manqua à la fin. Il chancela et tomba presque. Le prêtre vit Orkwood d'Orkmont le saisir par un bras pour le soutenir, tandis que Lucas Main-Gauche prenait le cor noir tordu de ses mains. Une mince volute de fumée s'échappait du cor, et le prêtre vit du sang et des boursouflures sur les lèvres de l'homme qui l'avait fait sonner. L'oiseau sur son torse saignait aussi. Euron Greyjoy grimpa la colline lentement, tous les yeux posés sur lui. Au-dessus, le goéland cria et cria encore. Nul homme impie ne peut s'asseoir sur le Trône de Grès, pensa Aeron, mais il savait qu'il devait laisser son frère parler. Ses lèvres articulèrent une prière silencieuse.

Les champions d'Asha firent un pas de côté, tout comme Victarion. Le prêtre recula d'une marche, et posa une main sur la rugueuse pierre froide des côtes de Nagga. L'Oeil de Corbeau s'arrêta en haut des marches, aux portes de la Demeure du Roi Gris, et tourna son oeil souriant vers les capitaines et les rois, mais Aeron pouvait sentir son autre oeil aussi, celui qu'il gardait caché.

« FERS-NÉS, dit Euron Greyjoy, vous avez entendu mon cor. Maintenant entendez mes paroles. Je suis le frère de Balon, le plus âgé des fils de Quellon encore en vie. Le sang de Lord Vickon coule dans mes veines, et le sang de l'Antique Pieuvre. Pourtant j'ai navigué plus loin qu'aucun d'entre eux. Une seule pieuvre encore en vie n'a jamais connu la défaite. Une seule n'a jamais plié le genou. Une seule a navigué jusqu'à Asshai des Ombres, et vu les merveilles et les terreurs au delà de l'imaginable...
- Si tu aimes tant l'Ombre, retournes-y ! » le héla ___ l'impudent Qarl la Vierge, un des champions d'Asha.

L'Oeil de Corbeau l'ignora. « Mon petit frère finirait la guerre de Balon, et revendiquerait le Nord. Ma délicieuse nièce nous donnerait la paix et des cônes de pins. » Ses lèvres bleues se tordirent en un sourire.

« Asha préfère la victoire à la défaite. Victarion veut un royaume, pas quelques malheureux acres de terre. De moi, vous aurez les deux.
Oeil de Corbeau, vous m'appelez. Eh bien, qui a un oeil plus vif que le corbeau ? Après chaque bataille, les corbeaux viennent par centaines et par milliers pour festoyer de ceux qui sont tombés. Un corbeau peut apercevoir la mort de loin. Et je dis que tout Westeros est mourant. Ceux qui me suivront festoyeront jusqu'à la fin de leurs jours.

Nous sommes les Fers-Nés, et jadis nous étions des conquérants. Nos bateaux ( ? ) couraient partout où se faisait entendre le bruit des vagues. Mon frère voudrait vous voir vous contenter du froid et lugubre Nord, ma nièce d'encore moins... mais moi je vous donnerai Port-Royal. Hautjardin. La Treille. Vieilleville. Le Conflans et le Bief, le Bois-du-Roi et le Bois-de-la-Pluie, Dorne et les Marches, les Montagnes de la Lune et le Val d'Arryn, Tarth et les Marches-de-Pierre ( = Stepstones ?). Je dis : nous prenons tout ! Je dis : nous prenons Westeros ! » Il jeta un coup d'oeil au prêtre. « Tout cela pour la plus grande gloire de notre Dieu Noyé, évidemment.»

Le temps d'un demi-battement de coeur, Aeron fût emporté par l'audace de ses mots. Le prêtre avait rêvé le même rêve, quand il avait aperçu pour la première fois la comète rouge dans le ciel. Nous ravagerons les terrre vertes avec le feu et l'acier, déracinerons les sept dieux des septons et les arbres blancs des hommes du nord...

« Oeil de Corbeau, appela Asha, as-tu laissé tes esprits à Asshai ? Si nous ne pouvons pas tenir le nord - et nous ne le pouvons pas - comment pourrions nous conquérir la totalité des Sept Couronnes ?
- Eh bien, cela a été accompli auparavant. Balon aurait-il enseigné si peu des techniques de guerre à sa fille ? Victarion, la fille de notre frère n'a jamais entendu parler d'Aegon le Conquérant, il semblerait.
- Aegon ? » Victarion croisa les bras sur son torse en armure. « Qu'est-ce que le Conquérant a à voir avec nous ?
- J'en sais autant que toi sur la guerre, Oeil de Corbeau, dit Asha. Aegon Targareyen a conquis Westeros avec des dragons.
- Et ainsi ferons-nous, promit Euron. Ce cor que vous avez entendu, je l'ai trouvé dans les ruines fumantes de ce qui fût Valyria, là où nul homme n'a osé posé le pied, excepté moi. Vous avez entendu son appel, et ressenti son pouvoir. C'est un cor à dragons, cerclé de bandes d'or rouge et d'acier valyrien, et gravée de charmes. Les seigneurs dragons de l'Antique Valyria faisaient sonner de tels cors, avant que la Chute ne les consume. Avec ce cor, fers-nés, je peux plier les dragons à ma volonté. »

Asha s'esclaffa bruyamment. « Un cor pour plier les chèvres à ta volonté te ferait plus d'usage. Oeil de Corbeau. Il n'y a plus de dragons.
- Encore une fois, jeune fille, tu te trompes. Il en existe trois, et je sais où les trouver. Assurément, ceci vaut bien une couronne de bois flotté.
- EURON ! cria Lucas Codd Main-Gauche
- EURON ! OEIL DE CORBEAU ! EURON ! cria le Rameur Rouge.

Mais ensuite ce fût Hotho Harlaw que le prêtre entendit, et Gorold Bonfrère, et Erik Briseur d'Enclume.

" EURON ! EURON ! EURON ! "

Le cri se propageait et enflait, devint un rugissement.

" EURON ! EURON ! OEIL DE CORBEAU ! EURON ! "

Aussi fort que le tonnerre, il se répercuta sur la colline de Nagga, tel le Dieu des Tempêtes entrechoquant les nuages.

" EURON ! EURON ! EURON ! EURON ! EURON ! EURON ! EURON ! EURON ! "

Même un prêtre peut douter. Même un prophète peut connaître la terreur. Aeron Damphair se replia en lui-même à la recherche de son dieu, et ne découvrit que silence. Un millier de voix criaient le nom de son frère, et tout ce qu'il pouvait entendre était le grincement d’une charnière de fer rouillée.

******

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IL de mortnéant
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Message non lu par IL de mortnéant »

que dire ? bon excelent déjà :D sinon je sens que la suite des évènements s'annonce sympas...enfin ça dépend pour qui :lol:
Galan Dracos
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Message non lu par Galan Dracos »

Couillon de Euron alors...piquer les dragons à Dany...je comprend miux le titre du tome "A dance with Dragons"... .

Et si Euron était l'une des Têtes du Dragon ?
Linmark
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Message non lu par Linmark »

C'est des chapitres de aFfC, hein ?
antarès
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Message non lu par antarès »

Ben c'est mal parti... :? Ce cors sert à appeler les dragons, mais sert-il vraiment à les faire obéir? J'ai un doute... Mais si oeil de corbeau dit vrai, alors il a du trouver un manuel du genre "comment faire sonner un cors de 100 manières différentes pour plier les dragons à ses moindres volontés" :lol:
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Message non lu par Alysanne »

On dirait que ça vous a plu ? :wink:

Je ne sais pas si le cor sert seulement à les appeler ou aussi à les contrôler ( il y a de la magie dans l'air là avec les runes valyriennes), mais je sens que la suite des événements va être vraiment intéressante !

Quand on voit la mise en scène que Martin a préparée pour l'introduction d'Euron dans le scénario, on peut penser qu'il aura plus qu'un rôle mineur à jouer... et je dois dire que le personnage lui-même me fascine assez pour l'instant. Il m'a tout l'air d'un cynique malin et dangereux. Un Theon mâtiné de Littlefinger, en quelque sorte. Peut-être même avec une touche de Clegane (il aime bien noyer les gens lui) et de Tywin Lannister (pour faire bonne mesure). Encore un qui touche à la magie ( le cor, ses lèvres bleues, son oeil caché ?, la mort de son frère ? )... fascinant.

Et ta remarque m'a interpellée Galan ! Peut-être y a t-il un parallèle entre le fameux "A dance with dragons" et la "Danse du doigt" qu'aiment à pratiquer les fers-nés ???

Aussi, qu'est-ce que vous pensez de ces allusions constantes d'Aeron au "grincement d'une charnière de fer rouillée" ?
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Cirth
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Message non lu par Cirth »

Aussi, qu'est-ce que vous pensez de ces allusions constantes d'Aeron au "grincement d'une charnière de fer rouillée" ?
Je dirai que c'est un souvenir d'enfance d'aeron a son enfance ... peut etre qu'euron l'enfermait dans un cachot/calles ? (vu qu'il fait référence a sa fuite constante d'euron dans le texte) peut etre que ca n'a rien a voir aussi :roll:
antarès
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Message non lu par antarès »

En tout cas, Martin fait très fort! Je me souviens qu'il a dit que ses chers lecteurs n'auraient pas à regretter le fait d'attendre si longtemps, car AFFC promet... Et bien je sens qu'on va se régaler! Mais je m'inquiète un peu pour Dany, là...

Et merci beaucoup pour la traduction !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
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