Pour ceux qui seraient tentés de le rappeller, je suis au courant des sentiments de Martin vis-à-vis des fan-fictions.
-Chapitre I- La vermine des Jumeaux
A suivre...Sa monture n'était pas le plus robuste des destriers. Ni même qu'elle fût sa propriété. Mais ser Walder Frey avait depuis longtemps oublié les délicates manières seigneuriales. Les pauvres ne choisissaient pas, il ne le savait que trop bien. Bientôt, se promit-il, Walder le misérable ne mandiera plus.
Les jumeaux n'avaient pas changé. Ils restaient les mêmes que dans ses souvenirs. Le chateau enjambait la Verfurque, massif et menaçant, commandant le passage vers le Nord. Walder ne gardait pas beaucoup d'affection pour le chateau, ni pour ses habitants.
Des charrettes à boeufs faisaient la queue, patientant pendant que les gardes contrôlaient leurs chargements afin que le Seigneur du Pont prélevât ses taxes. Deux des gardes en faction fronçaient les sourcils lorsque Walder passa avec son cheval sans s'arrêter.
"Halte là!", cria le premier. "Ramène ton cul derrière la ligne, comme les autres."
"Je suis un Lord de cette maison. Je passe où il me plaît"
"Lord?" Le second garde le regardait avec incrédulité. Walder était vêtu d'une tenue simple de voyageur : une tunique de coton et un manteau de laine. La solide cotte de mailles en dessous ne se voyait pas et Walder savait que les gardes ne faisaient pas attention à l'épée pendue à sa hanche. "Si t'es un Lord, ça fait de moi un roi."
"Approche," dit Walder. "Approche et regarde-moi bien."
Le garde loucha, puis ouvrit grand ses yeux. "Qu'on m'encule comme un Dornien! c'est la Tapette!"
Walder ne laissa pas transparaître sa rage.
"Vous n'êtes pas le bienvenu ici," claironna le premier garde.
"La Tapette ne l'était pas," répondit Walder. "Les temps ont changé." Ou du moins l'homme. Les temps difficiles avaient fait plus que rettrécir l'énorme intestin de Walder.
"Qu'est-ce que vous voulez dire?"
"Vous ne le savez pas?" s'étonna Walder. "Les dames et seigneurs sont revenus précipitamment des cités libres. Les dragons s'enflamment. Ils vont bientôt embraser les sept couronnes."
Il constata que ce n'était pas la première fois que les soldats entendirent parler de ces sombres nouvelles. "C'est vrai alors? Il y aura la guerre."
Walder acquieça. "Je suppose que mon père souhaite entendre mon message, même s'il dégaigne le messager."
Les gardes conférèrent un moment puis le laissèrent passer.
Lorsqu'il pénétra dans le chateau, Walder rencontrait le même mélange d'incrédulité et de dédain. Cependant personne ne lui barrait la route. Et personne ne pensait non plus à lui oter son épée.
Il trouva son père et ses frères en train de souper. Les lèvres de son père projetèrent du rouge à son entrée. "Toi!" hurla-t-il, renversant sa coupe de vin. "Je t'avais dit de ne jamais plus revenir ici!"
"Je vous aime aussi père."
"Nous savons tous très bien ce que tu aimes," déclara son frère Ned, maintenant l'héritier de Lord Nestor. Il était un Frey typique, au visage long de poisson, agrémenté de ce regard sournois et déconcertant évoquant irresistiblement un furet.
"Oui, les Dorniens et les moutons!" rigola Davvyd ivre, le plus jeune fils de Lord Nestor. De toute sa famille, Davvyd était celui que Walder appréciait le plus - pauvre imbécile que j'étais!.
"Silence, frères," ordonna Walder. "Je suis venu parler au seigneur notre père, pas à vous."
Lord Nestor essuya le filet de vin de son menton de belette. "J'ai rien à dire," cracha le seigneur du Pont, "à ceux de ton espèce."
"J'ai changé, père," déclara Walder. "Je me suis fait de nouveaux amis. Des amis puissants."
"Bah!" Lord Nestor se dressa de la table. Ned et Davvyd firent de même. "Tu n'es pas mon fils. Mes véritables fils sont ici à ma table. Ils vont te montrer la sortie."
Walder avait espéré entendre ces mots, mais il voulait offrir une autre chance à son père. Il prit le parchemin de sa poche. C'était un document assez fin, écrit par une puissante main sur le plus fin velin. Le plus important était cependant le tampon sur le sceau - un dragon tricéphal.
Il lança le document en direction de son père. Lord Nestor s'en saisit. Ses yeux s'ouvrirent grands en le lisant. "SEIGNEUR DU PONT?" beugla-t-il. "Je dois me retirer et te nommer Seigneur du pont?"
Walder sourit. "Par décret royal."
"C'est une plaisanterie." Nestor jeta le parchemin sur la flaque de vin renversé. "Ned, Davvyd, j'ai changé d'avis. Gros Walder restera ici avec nous. Mais en bas, dans les cachots. Assurez-vous en."
Le pauvre, stupide Davvyd couina comme un porcelet lorsque l'épée de Walder se fraya un chemin dans son ventre. Le garçon avait toujours aimé se prendre pour un guerrier, mais il était aussi doux que le fut jadis Walder. Il grogna et se tortilla sur le plancher lorsque Walder retira son épée.
Ned avait une dague, une petite chose pointue aisément déviée par la cotte de mailles. Ned tenta ensuite de parer l'épée de Walder avec. Un coup, et Ned fut désarmé. Deux, et il s'écroula au sol. Trois, et son bras, levé dans l'espoir fou de protégér sa tête, fut coupé net. Quatre, et sa face fut en miette.
Lord Nestor engagea un combat lamentable. Les coupes de vin, plats et autres carcasses qu'il lança contre son fils furent d'une efficacité fort limitée. Il poussa un sifflement lorsque l'épée de Walder perfora son poumon.
Walder récupéra son rouleau de la flaque de vin - il en aurait besoin pour éviter que les hommes de son père ne le tuassent. Il s'égenouilla et l'essuya sur la robe de Nestor.
"Vous vous trompiez sur moi," fit le seigneur du Pont à son père. "Je suis bel et bien votre fils."