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Mérovingiens / Patrick McSpare

Posté : 21 mai 2018, 10:20
par Albéric
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Résumé : Mérovingiens
Après la mort de son père, Childéric Ier, Clovis devient le roi de tous les Francs, jusqu'à poser les fondations de la future France. Comment un jeune barbare inexpérimenté a-t-il pu supplanter ses puissants voisins et rivaux ? Grâce à sa conversion au catholicisme lui assurant le soutien des élites gallo-romaines ? À sa science militaire ? Certainement. Mais avant tout grâce à l'action de trois agents secrets, une femme et deux hommes. Obéissant chacun à des motivations différentes, ces guerriers de l'ombre au tragique passé vont peu à peu transformer l'héritier en roi des rois. Manipulations, chantages, trahisons, sexe, meurtres... Mission impossible au pays des Francs.

J'ai découvert Patrick McSpare par la BD, mais je voulais approfondir en le découvrant sous l'angle du roman : en tant qu'amateur d'Histoire, mon choix s'est porté sur le stand alone intitulé Mérovingiens.
1er bon point il s'attaque à une période peu parcourue par les auteurs de romans historiques, le Ve siècle après Jésus-Christ, une époque trouble ou entre antiquité tardive et haut moyen-âge les rois et les royaumes se font et se défont en quelques années. Le côté historique peut difficilement être pris en défaut car l'auteur a fait du bon boulot, après j'ai tiqué sur les troubadours, le concept de la monarchie de roit divin qui m'a semblé mal établie puisque mélangeant facilement paganisme et christianisme, et quelques attitudes trop modernes pour être honnêtes (mais ça, c'est le lot de tout roman historique ^^).
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2e bon point au contraire de bon nombre de ses collègues il se contente pas d'une biographie ou d'une chronique romancée linéaire et prévisible puisqu'avec des personnages très connus tout est couru d'avance. Nous suivons donc l'ascension de Clovis et la formation du Regnum Francorum non en suivant les heurs et malheurs du souverain des Francs Saliens, mais ceux de ses trois maîtres assassins (eux on en connaît rien, donc on peut créer un récit avec de l'action, de l'émotion donc du suspens) : l'Irlandais Wyso, la Suève Valesta et le Gallo-romain Gunthar... Tous les trois sont des pions entre les mains du mystérieux sorcier Daga Wulf, et l'auteur recours à tous les codes de la la fantasy à capuche du coup on retrouve le trope de l'assassin contre son gré, un transposition médiévale du manga Crying Freeman :
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entre Robin Hobb et David Gemmell on retrouve donc des personnages bons ou mauvais qui dans chacun de leurs agissements sont motivés par des passions positives ou négatives... C'est le 3e bon point, j'ai retrouvé le style de Patrick McSpare : qui de Wyso qui agit par amour des siens, de Valesta qui agit par reconnaissance envers son prétendu sauveur et de Gunthar qui agit par vengeance va basculer du Côté Obscur !
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Nous ne sommes pas dans la légende dorée de la France fille aînée de l’Église racontée par l'hagiographe Grégoire de Tours et véhiculée par les historiens de garde nationalistes voire néoconservateurs, mais dans la légende la plus noire, là où il n'y a plus d'espoir : la naissance du royaume franc se fait dans le sang à grand coup d'intrigues, de complots et d'assassinats... J'aurais adoré ce roman il y a quelques années, mais là j'overdose le grimdark : c'est le syndrome GRR Martin ! La planète est le royaume du mal, l'homme est un loup pour l'homme, et tout le monde est en guerre contre tout le monde, chacun pour sa gueule et il faut être exploiteur pour ne pas être exploité : c'est les philosophie de l'hypercapitalisme et la propagande de l'ultralibéralisme que la ploutocratie mondialisé veut nous inculquer et nous imposer et moi je suis un être humain donc je n'en veux pas !!! Les rois sont tous des fous sanguinaires et/ou des tyrans totalitaires (à part peut-être Syagrius le dernier romain, et le roi Wisigoth Alaric II qualifié par ses sujets de « bon roi »), les aristocrates sont tous des pervers narcissiques sociopathes, psychopathes, sadiques, sado-masochistes, pédophiles (rayer les mentions inutiles) et les soldats sont tous des pillards avides de meurtres et de viols (à ça, on a la main lourde sur les scènes de sexe, de violence, et de sexe violent !). On fait profil bas avant de supplanter ses supérieurs hiérarchiques à l'occasion d'une bonne trahison, dans l'espoir évidemment de devenir un jour calife à la place du calife, on terrorise ses subordonnées en châtiant cruellement les plus compétents et les plus incompétents, on élimine ses rivaux, puis ses ennemis, avant de s'en prendre à ses alliés et à sa famille... Clovis se dit animé d'une mission, mais tout n'est que calcul bassement personnels et tout ses beaux discours ne sont qu'un paravent pour ses ambitions qui ressemblent plus à des vices qu'autres choses : lui seul importe, le reste du monde n'est existe que pour le servir lui et ses désirs malsains et délétères de contrôle absolu... Un personnage puant voire répugnant !
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Sur le logique interne du récit, je n'ai pas trouvé que le fait que les assassins ne soient pas francs aient apporté grand-chose à l'ensemble. Wyso est Irlandais, et alors ? Il est le fils adoptif du Comte Brent, et alors ? Il aurait eu une caractérisation à approfondir, et un relationship drama à étoffer mais encore une fois on ne sort pas du grimdark (mais peut-être parce que je n'ai pas réussi à véritablement rentrer dedans). Le côté Mission Impossible est intéressant mais un peut répétitif : on se déguise, on utilise une identité d'emprunt, on observe, on recours aux méthodes de compromission MICE bien connues de services secrets modernes pour placer ses pions, puis in trucide ceux à qui la tête ne revient pas à Clovis, pour que celui-ci ne se salissent pas les mains et puissent se donner le beau rôle à posteriori (mais personne n'est dupe : les morts suspectes sont légions depuis qu'il porte la couronne).
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Il y a aussi un petit côté fantastique avec le sorcier, ses sorcières démones et ses messagers envoûtés mais comme l'auteur est à chaque étape du récit davantage dans la démystification que dans la mystification... Puis vient fatalement la résolution : remember Keyser Söze ! Achtung spoilers everywhere ^^
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L'auteur nous fait un truc à la Usual Suspects car les assassins sont dans la main de Daga Wulf, mais Daga Wulf serait l'un d'entre eux : ça marche super bien dans Usual Suspects parce que personne n'a jamais vu Keyze Söze (qui est une légende constituée de toutes pièces servant de camouflage), vu qu'ici chacun d'entre eux a rencontré Daga Wulf en personne le suspension d'incrédulité est mise à l'épreuve... Il ressemble quand même beaucoup à un mago psycho de Sword & Sorcery : il veut être le pouvoir derrière le trône avec drogues et hypnotismes, et en manipulant païens, chrétiens et lucifériens il a misé sur Clovis le plus fourbe de son temps pour unifier l'Occident, afin de le contrôler à son tour une fois que l'Eglise aura la mainmise sur toute la population... Du coup pourquoi mêler une ultime fois mystification et démystification avec un crevard qui se prétend immortel et issu de l’Égypte ancienne ? On a aussi un 4e acte à la Agatha Christie, mais encore une fois en mode grimdark, puisqu'on apprend que Guénolée la femme de Wyso avait été violée par son père adoptif le Comte Brentet donc que Wyso a souffert pendant des années et des années et a finalement succombé pour protéger et sauver une enfant qui n'était pas la sienne... On boucle les questions posée 12 ans plus tôt, mais pas sûr que le récit avait tant besoins de ces questions et de ces réponses ! Ça et apprendre les femmes de la tribu de Valesta qu'elles croyaient mortes ont survécu pour servir de jouets sexuels à Rémi l'évêque de Reims...
Malgré des qualités une lecture en demi-teinte, mais que je peux sans mal recommander.

Re: Mérovingiens / Patrick McSpare

Posté : 24 mai 2018, 22:06
par WolfRider
Cité Grégoire de Tours c'est bien, le lire c'est mieux. Une hagiographie raconte la vie d'un saint ou d'une sainte. En dehors de sainte Radegonde aucun des rois et reines des francs dont Grégoire de Tours raconte les frasques et turpitudes ne méritent une hagiographie. Et son récit en est l'opposé parce-qu'il met bien l'accent sur leur turpitudes et excès et toutes les formes de pêchers imaginables comme mode de vie.
Sinon la notion d'amour courtois nait avec Fortunat, moine et prieur du monastère fondé par sainte Radegonde au 6e siècle. Son œuvre en latin a très très largement été pompée par les troubadours quelque siècle plus tard.
Mais perso quand je lis une telle connerie :
Comment un jeune barbare inexpérimenté a-t-il pu supplanter ses puissants voisins et rivaux ?
Çà détruit instantanément toute la crédibilité du livre. Les germains qui s'installent à l'intérieur des frontières de l'Empire Romain ne sont pas plus barbares que ne l'étaient les gaulois avant de se faire conquérir par César. Les Francs et les Alamans sont même très romanisés à l'époque de Clovis. Les Wisigoths et les Burgondes un peu moins, mais à peine. Seul les Wisigoths sont plus puissants que les Francs parmi leur voisins. Et les bretons qui ne seront soumit par les francs que 1000 ans après la mort de Clovis.

Re: Mérovingiens / Patrick McSpare

Posté : 25 mai 2018, 09:44
par Gregor
WolfRider a écrit : 24 mai 2018, 22:06 Seul les Wisigoths sont plus puissants que les Francs parmi leur voisins.
Oui mais Clovis leur a mis la pâtée quand même :smoke2:

Voilà c'était une petite intervention sur le sujet car en ce moment je joue à Attila total war (avec les saxons :tongue: )et en plus j'adore cette période.

Re: Mérovingiens / Patrick McSpare

Posté : 25 mai 2018, 09:48
par Gregor
J'ajoute que le terme Barbare n'est pas toujours synonyme de sauvage donc dans ce cas le 4ème de couverture utilise peut être ce mot dans l'esprit initial à savoir non romain (ou gallo-romain plutôt à l'époque) et dans ce cas ce n'est pas une connerie :wink:

Re: Mérovingiens / Patrick McSpare

Posté : 27 mai 2018, 10:06
par Albéric
@WolfRider
1) Grégoire de Tours était un hagiographe
2) L'Histoire des Francs alterne portraits de bons rois, parce qu'ils sont dans les bonnes grâces de l'Eglise, et portraits de mauvais de mauvais, parce qu'ils ne sont pas dans les bonnes grâces de l'Eglise, et en remake de l'empereur Constantin elle se pose bien en hagiographie la vie de Clovis ^^