Phénicia / Alexandre Najjar

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Albéric
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Phénicia / Alexandre Najjar

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Résumé :
Le philosophe Zénon n'a jamais caché ses origines phéniciennes. A Athènes où il a fondé l'école des stoïciens, il ra conte à son disciple Apollonios la tragédie de sa mère, une Tyrienne prénommée Elissa. La jeune femme ac compagne son oncle dans un long périple qui lui permet de découvrir les comptoirs phéniciens qui jalonnent la côte méditerranéenne. A son retour, Tyr, sa ville natale, se retrouve assiégée par l'armée d'Alexandre le Grand dont l'ambition est d'annexer tous les ports de Phénicie. La résistance s'organise. Les Phéniciens refusent l'occupation, multiplient les stratagèmes pour venir à bout de leur ennemi et, durant sept mois, vont se battre avec l'énergie du désespoir. Ils n'ignorent pas que le de venir même de leur civilisation est en jeu... A travers les récits croisés de l'assiégeant et de l'assiégé, Alexandre Najjar nous propose une double perspective du siège de Tyr, en même temps qu'une métaphore du Liban, pays meurtri avide de liberté.

Malgré le pitch séduisant du siège de Tyr antique par Alexandre le Grand (qui s’est déroulé de janvier à août en 332 avant Jésus-Christ), je suis obligé de dire que j’ai trouvé cela mauvais. Tous les ingrédients d’un peplum vintage sont là, mais comme tout est expédié en 200 pages avec une avalanche de stéréotypes voire de clichés, j’ai parfois eu l’impression de lire un roman jeunesse mal fagoté. Oui, je vais réaliser une critique à charge, et je n’aime pas cela du tout !

Le narrateur Zénon, veut raconter à son élève Apollonios l’histoire de sa mère Elissa qui a vécu le siège et la chute de Tyr, perçus comme les points de départ du déclin de la civilisation phénicienne (ce qui fait donc d’elle l’héroïne de l’histoire). J’ai trouvé la mise en place du récit particulièrement forcée : pourquoi le récit démarre en Occident pour faire revenir les personnages au pas de course en Orient juste à temps pour être bloqués et bouclés dans le siège de la cité de Tyr (pour avoir le temps de caser un passage sur Carthage j’imagine ?).
Alexandre est lui le méchant de l’histoire : il est imbu de sa personne, colérique, alcoolique, lubrique, prétentieux, superstitieux et surtout assez puéril… On aurait voulu rédiger une légende noire du personnage, on ne s’y serait pas pris autrement (et les récits indiens et iraniens l’ont vachement mieux fait qu’ici). Mais la morale est sauve, puisqu’ému par le martyr des Tyriens, va devenir un grand dirigeant cosmopolite et tolérant…

Je sais bien que les clichés que l’ont voit peuvent être les préjugés que l’on a, mais jugez plutôt : Elissa est une strong independant woman qui veut rester célibataire pour rester libre, mais elle tombe follement amoureuse du premier beau gosse qu’elle rencontre et se marie avec lui sur un coup de tête, et pour sauvegarder sa fierté elle demande à ce que cela soit lui vienne vivre chez elle et pas l’inverse, du coup elle guette son arrivée à Tyr durant des mois, doute de lui, et le maudit avant de s’enthousiasmer comme une collégienne de 13 ans quand elle reçoit enfin une lettre de sa part en dépit des obstacles dus à la guerre…
Le côté militaire n’est pas mieux traité : ravitaillement, blocus, assauts divers et variés de jour comme de nuit, tentatives de sortie, tentatives d’alliances, négociations de la dernière chance, baroud d’honneur, roi qui se moque du peuple (digne des caricatures de Louis XVI et/ou de Marie-Antoinette durant la Révolution française), vrai patriote prêt à offrir sa vie pour la cause, faux patriote prêt à offrir des vies pour sa cause, les martyrs de guerres, les victimes de guerre… Chaque élément est traité en quelques paragraphes ou en quelques pages (les chapitres sont très courts de aucun d’entre eux ne dure plus que 5-6 pages), et j’ai déjà lu et vu tout ça, et en mieux, dans le livre Constantinople de Jack Hight et le film Fetih 1453 de Faruk Aksoy.

L’auteur manifeste la louable volonté de redorer le blason de la civilisation phénicienne et lui offrir un destin comparable à ceux des Mésopotamiens, des Egyptiens, des Grecs et des Romains (et en ce qui me concerne, il prêche un convaincu). Du coup il nous fait le catalogue de toutes les découvertes et de toutes les fondations des Phéniciens en faisant du copier-coller d’Hérodote et consorts tout en nous rappelant pas très subtilement à plusieurs reprises que la Phénicie en inventant et en diffusant l’alphabet est la mère de toutes les civilisations. Mais où le bât blesse encore, c’est qu’il reprend aussi tel quel les clichés éculés et péjoratifs de la propagande anti-phénicien et ce n’est pas très ce n’est pas très malin : l’héroïne s’insurge contre la prostitution sacrée et les sacrifices humains (qui je le rappelle n’ont jamais été prouvé en deux siècles de travaux archéologiques, et les rares mentions littéraires viennent d’ennemis des Phéniciens ayant eux-mêmes pratiqués les sacrifices humains…).
Aucun écrivain de romans historiques n’échappe au modernisme : impossible pour un auteur de notre époque de penser comme quelqu’un de cette époque, mais on se serait bien passé d’idées ou d’expressions bien de notre temps (genre les parents de l’héroïne qui lui reproche à l’âge de 20 ans de ne pas être encore, je cite, « casée »).

Un roman court et super facile d’accès pour les very easy readers, mais au final un vaste coup d’épée dans l’eau : le grand roman sur la civilisation phénicienne reste à écrire… Pour moi vite lu et vite oublié, et c’est très bien ainsi. 1,5 étoiles arrondies à 2 pour la bonne volonté manifestée.
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Cymoril
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Re: Phénicia / Alexandre Najjar

Message non lu par Cymoril »

Bon, je ne le lirai pas mais du coup, je me rends compte que je ne connais quasiment rien à la civilisation phénicienne (ça m'intéresse cette histoire d'alphabet). Je regarderai si je trouve des bouquins dessus.
Albéric
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Re: Phénicia / Alexandre Najjar

Message non lu par Albéric »

Cymoril a écrit :Bon, je ne le lirai pas mais du coup, je me rends compte que je ne connais quasiment rien à la civilisation phénicienne (ça m'intéresse cette histoire d'alphabet). Je regarderai si je trouve des bouquins dessus.
tous les alphabet occidentaux sont des dérivés de l’alphabet phénicien (et pour le coup, les Romains ont mieux copié le modèle d'origine que les Grecs ! ^^)
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