Résumé de Niourk :
Les hommes ont régressé à un stade primitif après une catastrophe nucléaire qui a bouleversé la planète. La survie s’est organisée au coeur de tribus. Dans l’une d’elle vit un enfant noir, rejeté par les siens à cause de sa différence. Lorsque l’enfant est condamné à mort par leur chef, il se met alors en route vers Niourk, la ville des dieux, en quête de nourriture. Mais dans cette métropole abandonnée ne subsistent que ruine, radiations et machines étranges...
Une belle histoire qui démarre comme un roman d’apprentissage et d’aventure pour basculer ensuite vers la fable philosophique. Le roman date des années 50, mais si je ne l’avais pas su, je l’aurais daté des années 1980. C’est donc qu’il a bien vieilli, mieux qu’il était sans doute en avance sur son époque… Dans l’évolution de la Science-Fiction française, je dirais qu’on sent que le roman se situe entre la SF humaniste à la
René Barjavel et la SF humaniste à la
Paul-Jean Hérault…
Il s’agit donc évidemment d’un récit humaniste. ^^
Il y a clairement une dimension anthropologique dans cette histoire tellement ce récit post-apocalyptique est construit comme un récit préhistorique. On se croirait dans
La Guerre du feu, ou dans un bon vieux
Rahan, Fils des Âges Farouches ! On sent que l’auteur a puisé à la source de tous ces auteurs qui ont su défendre et mettre en lumière les civilisations premières.
Dans les 3 premières parties nous suivons une tribu humaine qui nomadise autour des monts Cub, Hait et Jam, entre ce qui fut autrefois le Golfe du Mexique et l’Océan Atlantique. L’enfant noir, mis à l’écart de sa tribu caucasienne en raison de sa peau colorée, voit son sort basculer quand il découvre sur la montagne Santiag la dépouille du Vieux, chef spirituel de la tribu. En s’appropriant ses secrets, et donc son statut social au sein de la tribu, il découvre un bâton-tonnerre qu’il pense être offert par les dieux…
En compagnie de l’ours qu’il a sauvé et apprivoisé, il va se porter au secours des siens pourchassés par une race de pieuvres anthropophages ayant accédé à l’intelligence au contact des déchets radioactifs jetés à la mer par les hommes de l’Avant.
Et après sa rencontre le dieu fou (comment s’appelle déjà le 2e tome de la saga
Hawkmoon de M
ichael Moorcock ? Je me demande si…), il décide de conduire son peuple vers la cité de Niourk située au bord du fleuve Huds, malgré un mal mystérieux qui emporte les siens les uns après les autres…
Dans la 4e partie, nous suivons dans les entrailles de Niourk les naufragés de l’espace Ing 3 et Capt 4 à la recherche de Doc 1. Il court après l’enfant noir qu’il prenne pour l’un des leurs…
Dans la 5e et dernière partie, l’enfant noir guéri de l’irradiation dont il était victime achève sa transfiguration.
Et finalement, l’enfant noir, qui passe de la « pensée sauvage » (oui, je n’aime pas trop ce terme, encore trop péjoratif) à la civilisation, suit le chemin inverse de William Cheval-Noir Singer, qui dans
L’Œil de chat de l’auteur américain
Roger Zelazny, régressait de la civilisation à la « pensée sauvage » de ses ancêtres navajos pour échapper à son poursuivant télépathe…
Contrairement à ce qu’assène la pensée unique actuelle, l’être humain est un animal social qui ne peut vivre uniquement par et pour lui-même.
D’un côté nous avons les sauvages terriens qui considèrent comme des dieux tous ceux qui sont plus intelligents qu’eux.
D’un côté nous avons les civilisés vénusiens qui considèrent comme des animaux tous ceux qui sont moins intelligents qu’eux.
Alf, le bon sauvage, offre une troisième voie : nous nous élevons et nous tombons tous l’ensemble…
Le roman nous conte donc la civilisation, puis la transfiguration de l’enfant noir, qui en devenant Alphabet acquiert des pourvois quasis divins. Et que fait-il de son omniscience et de son omnipotence ?
Il ressuscite les membres de la tribu qu’il a toujours voulu intégrer. Mieux, en ajoutant les vénusiens Ing 3 et Doc 1 à sa tribu, il élargit la famille qu’il n’a jamais connue et dont il a toujours rêvée.
Désormais, c’est l’humanité toute entière qui est sa famille, et il compte bien lui offre paix, prospérité et bonheur. Dans
L’Epée de l’aurore de
Michael Moorcock, les héros rebelles traversent l’Océan atlantique pour demander l’aide d’Orland Fank le guide noir des Grands Bienheureux de Dnark, jadis appelée New York… C’est tellement gros que je me demande si… Non, ne me dites pas que ?! ^^
Et est-ce vraiment un hasard si ses puissants pouvoirs psioniques ressemblent fortement aux pouvoirs magiques du monde shamanique (télépathie, télékinésie, lévitation, dédoublement…) ? Non, je ne le crois pas. ^^
Au final l’auteur reprend la maxime de Rabelais : « science sans conscience n’est que ruine de l’âme. » C’est en conjuguant raison et passion, et en offrant du sens à l’usage des sciences, que l’homme sera enfin en paix avec lui-même.
C’est un récit daté de 1957, qui appartient à une époque où on croyait encore en l’avenir et en l’homme. Pas comme aujourd’hui, car depuis le There Is No Alternative de Celle-Qui-Ne-Faut-Pas-Nommer, l’humanité n’a plus d’autre horizon que celui offert par les adorateurs du Veau d’Or.
Comme
Les Royaumes du Nord de l’auteur anglais
Philip Pullman, ce livre est autant un roman jeunesse qu’un roman adulte. On peut le lire des deux manières, mais en tant qu’adulte, et c’est la dimension jeunesse qui m’a le plus séduit…
Comme quoi, il ne faut jamais juré de rien !
J’ai quand même un certain nombre de doutes sur son accessibilité pour la jeunesse actuelle : le roman est court mais scandé par un rythme particulier avec ces chapitres qui parfois ne font qu’une page, et certaines scènes très crues peuvent déranger, comme celles consacrées au cannibalisme rituel. Mais une bonne histoire reste une bonne historie, et je reste persuadés qu’en la remaniant on peut la moderniser facilement sans la dénaturer. Du coup je suis curieux de découvrir son adaptation en bande dessinée.