Je découvre avec ce roman la plume de Pierre Boulle et j'en apprends un peu sur son parcours singulier car cet ingénieur de métier est parti vivre en Extrême-Orient pour y planter du caoutchouc ! Puis il s'engagera dans les Forces françaises libres pour combattre le Japon. Il en découlera le roman "Le pont de la rivière Kwaï".
Les adaptations de La planète des singes sont nombreuses et si je n'ai pas tout regardé, l'histoire marque les esprits (surtout le premier film, évidemment). C'est donc avec curiosité que je me suis plongé dans l’œuvre originale.
L'introduction nous immerge tout de suite dans le registre science-fiction du récit. Un couple cherchant la solitude dans l'espace découvre une bouteille flottant dans le vide interstellaire. Celle-ci contient plusieurs feuillets écrits par un certain Ulysse Mérou.
Et c'est du point de vue de ce journaliste que nous embarquons vers Bételgeuse. Ce dernier accompagne un professeur et son disciple. Ils vont très tôt découvrir une planète voisine de la supergéante ayant des caractéristiques communes avec la Terre. Se décidant à l'explorer, c'est tout un réseau de structures et d'architectures qui va apparaître à leurs yeux pendant la descente de leur engin.
Le monde décrit inverse les rôles : les humains sont primitifs, réduits à des comportements bestiaux tandis que les singes ont développé une intelligence remarquable. Seul Ulysse Mérou sera capable, avec beaucoup de difficultés, de faire valoir son intelligence humaine. Les singes y seront d'abord insensibles, puis intrigués pour certains et réfractaires pour d'autres. Comment accepter qu'une espèce inférieure soit capable des mêmes prouesses intellectuelles que l'espèce dominante ? Heureusement, tous ne sont pas ignares et l'intelligence simiesque se révèle aussi par une certaine ouverture d'esprit.
À travers les domaines scientifiques, philosophiques et amoureux, Pierre Boulle amène le lecteur à réfléchir sur la fatuité de la pensée humaine et de son rapport avec les espèces qu'elle juge inférieures.
Tout cela est écrit avec justesse et notre protagoniste, homme instruit mais loin d'être irréprochable, se confronte à ses propres faiblesses en même temps qu'aux faiblesses de tout son peuple, découvrant par certains moments des traits de sa nature animale, luttant pour accepter ce que l'adversité lui révèle.
La civilisation simiesque est un miroir de la civilisation humaine, bien que certains fondements les différencient. Ulysse Mérou cherche à tout prix à confirmer ces différences, à voir dans les singes une copie imparfaite de sa propre espèce. Tandis que les singes, eux, ne voient en Ulysse Mérou qu'une anomalie isolée qui ne peut exister sans qu'eux-mêmes l'aient créée.
Aucun n'est prêt à admettre la supériorité de l'autre...
L'acceptation d'autrui, que ce soit au sein de sa propre espèce ou à la rencontre d'une autre, se fait non sans difficultés. Le doute, la peur, l'incompréhension, l'orgueil. la révolte gronde en chacun de nous, Homme ou singe.
Pierre Boulle confronte les visions, les affirmations, avec une écriture de qualité sachant tenir l'intérêt du lecteur à chaque chapitre et offrant des dernières pages intenses, jusqu'à un final déstabilisant.
Le roman La planète des singes prouve encore une fois que la science-fiction mériterait d'être plus amplement enseignée.
