Résumé : Les Frontières de l'infini
De retour sur Barrayar, sa planète natales miles Vorkosigan, gravement blessé, se voit accusé de détournements de fonds assommé par les analgésiques après une opération chirurgicale, il doit pourtant se souvenir et prouver le bien-fondé de ses dernières actions... Première intervention: débrouiller une affaire d'infanticide commis dans un village reculé. Puis enlever une mutante surhumaine prisonnière sur l'ensemble. De Jackson, no mans land où règne la loi du plus fort. Et enfin, organiser l'évasion de dix mille hommes dune prison de haute sécurité... Brefs le genre de missions impossibles qui échoient toujours au plus redoutable des agents spéciaux de l'empire !
Dans
Les Montagnes du Deuil, Miles Vorkosigan pensait faire une bonne blague à son père Premier Ministre de Barrayar, en lui amenant la paysanne Harra réclamant justice… C’est l’arroseur arrosé puisqu’il se retrouve nommé juge féodal d’une douloureuse affaire d’infanticide eugéniste, lui qui a failli ne pas voir le jour à cause d’une affaire d’infanticide eugéniste…
Cette novella d’une centaine de pages a gagné le Prix Hugo et le Prix Nebula, et personnellement je me suis régalé : on n’est pas dans la haute littérature mais dans la littérature pour tous ! Le récit reprend absolument tous les codes et toutes les qualités du roman policier à la
Agatha Christie : avec Miles Vorkosigan dans les Monts Dendarii, on est entre l’aristo de Saint Petersburg perdu dans les Monts Oural et le bobo de New York perdu dans les Monts Appalaches…. Bref, c’est Hercule Poirot chez les péquenots ! ^^
Le récit est à la fois très drôle et très triste, des thèmes très douloureux étant traité avec subtilité et humanité (l’auteur ne s’est aucunement caché de vouloir pointer du doigt un certain type de personne à la fois victimes de mœurs délétères de leur culture et responsables de leur perpétuation)…
C’est une épreuve pour Miles qui a su se réconcilier avec son grand-père et lui pardonner d’avoir essayé de le tuer avant même d’être né… Les autres auront-ils sa force d’âme, pourront-ils aller de l’avant pour marcher de tout leur cœur vers un avenir meilleur ? Malgré une montagne de bonne volonté et tous les efforts du monde, rien n’est moins sûr…
Déjà en pleine crise existentielle depuis la perte de son mentor et de sa muse, notre héros ressort transfiguré de cette ordalie morale qui l’oblige à faire des choix douloureux, pour finalement devenir quelqu’un de plus grand et de plus noble (remember la Quête du Héros aux mille et un visages ^^)… Il est trop tard pour la petite Raina certes, mais pas pour tous les autres : désormais le génie d’1m45 aux os fragiles défendra les faibles et les opprimés pour qu’ils aient leur place dans la grande destinée de l’humanité… Et s’il faut pour cela affronter tous les homines crevarices de l’univers, et bien tant pis ! Longue vie à Tyrion Lannister dans l’Espâce !!!
Dans
Le Labyrinthe, c’est en tant qu’Amiral Naismith, commandant des Mercenaires Libres Dendarii que Miles Vorkosigan est missionné par la Sécurité Impériale de Barrayar pour exfiltrer de l’Ensemble de Jackson un transfuge scientifique aux recherches particulièrement convoitées.
Dans cet enfer ploutocratique où le seul crime sanctionné est la pauvreté, allégorie de la débilité de l’ultralibéralisme yankee poussée à son extrémité (ce n’est pas moi qui le dit, mais l’auteure elle-même ^^), notre héros voulait que sa mission se déroule sans accroc… Ça commençait par une ambiance rappelant celle du film
Le Faucon maltais, notamment avec la chanteuse quaddie Nicol qui fait ici office de femme fatale parvenant à faire oublier à Bel/Belle Throne le sex appeal de son supérieur hiérarchique… Sauf que le biochimiste Hugh Canaba a dissimulé ses recherches biochimiques dans un virus de sauvegarde placé dans le mollet gauche du dernier survivant de ses super soldats génétiquement hybridé avec de animaux, et que ce dernier va être vendu aux enchères par le maître du vice Ryoval... Du coup on passe en mode espionnage & sabotage, infiltration & exfiltration !
Comme d’habitude Miles met la main à la pâte et comme d’habitude il se retrouve dans la panade… Et alors qu’il s’apprêtait à rejouer Thésée et le Minotaure, il va devoir rejouer la Belle et la Bête avec lui dans le rôle du Prince Charmant et une créature de 2m50 et de 150 kilos, toute en griffes et en crocs, dans le rôle de la demoiselle en détresse… (a-t-il dans la louve-garoue une âme sœur, elle que tout le monde considère comme un monstre et qui souhaite avant toutes choses être comme les autres ?)
Et tout ça en pleine guerre de l’ombre entre mégacorpos maffieuses : la Maison Fell spécialisée dans le trafic d’armes, la Maison Bharaputra spécialisée dans les biotechnologies interdites, la Maison Ryoval spécialisée dans la prostitution intersidérale (c’était tout aussi tordu que la vendetta entre les princes souterrains d’
Epées et Sorcier de
Fritz Leiber : très cool c’était !)… Mais pour s’en sortir indemne Miles peut compter tant sur ses subordonnées que sur alliés : un hermaphrodite, une femme à quatre bars et un monstre hybride qui combat comme quatre et mange comme trois ^^
Neuf / Taura comme L-X-10-Terran-C / Terrence Cee dans Ethan d’Athos broie méchamment du noir : ils sont tous les deux les derniers représentants d’espèces artificiellement créées qui ontdisparu avant même de recevoir un nom… Mais Miles Vorkosigan est là pour délivrer son message humaniste (même si ici nous en 1989 et qu’il prend des accents de speech de développement personnel ^^) : « Souhaitez être vous-mêmes. A fond. Découvrez ce pour quoi vous êtes le plus doué et développez-le. Laissez vos faiblesses derrière vous. Ne perdez pas de temps avec elle. Vivez pleinement ! »
Car qui que nous soyons nous avons tous un rôle à jouer dans le grand destin de l’humanité, et ceux qui parlent des masses anonymes qui ne servent à rien peuvent tous aller se faire foutre !!!
Dans
Les Frontières de l'infini, Miles Vorkosigan est missionné par la résistance de Marilac pour récupérer le héros de guerre Guy Trémont dans le camp de prisonnier de Dagoola IV tenu par ses vieux amis cetagandans. Pour son opération de sauvetage, il se fait passer pour un nouveau prisonnier, et il découvre un camp de concentration sordide et un héros de guerre agonisant… Miles Vorkosigan est un être humain, et devant tant d'injustices un être humain ne peut que se mettre en colère. Et qu'est-ce qui se passe quand Tyrion Lannister dans l'Espâce est en colère ? L'Univers doit trembler et les crevards doivent vite aller se planquer !
On pense tout de suite à
La Grande évasion : oui mais non, le modèle est en fait
King Rat / Le Caïd, et ce n’est pas un hasard si les deux camps de concentration ont exactement le même nombre de prisonniers... (
King Rat / Le Caïd, c’est une autofiction du romancier
James Clavell qui exorcisait ses vieux démons récoltés lors de son passage dans le camp japonais de camp de Changi situé non loin de Singapour)
On retrouve le bon vieux diviser pour régner, ici pour que l’homme devienne un loup pour l’homme : les geôliers sont là pour briser les héros de la bataille de Fort-sous-Essarts piégés sous un dôme de force, les ramener au rang de bête le temps qu’il faut pour les faire passer du Côté Obscur et les transformer en misanthropes cyniques et blasés ne croyant en rien ni personne … Car ils seront ainsi autant de vecteurs du poison de la résignation une fois relâchés… (notez que l’empire aristocratique a recouru à la même méthode pour faire tomber l’alliance démocratique dans
Les Héros de la Galaxie, le space opera culte de
Yoshiki Tanaka ^^)
Sous l’impulsion de l’illuminé religieux Suegar Miles devient Frère Miles, car il reprend l’intégralité des mots, des méthodes et des dialectiques évangélistes pour convertir ses camarades d’infortune à la cause de la liberté… (l’auteure ne pourrait pas écrire cette histoire aujourd’hui, car tous les intégristes christianistes lui tomberaient dessus à bras raccourcis). Avec l’aide du sergent Oliver, de la vaillante Tris et de la flamboyante Sœur Béatrice, Miles affronte ses geôliers sur le terrain de la guerre psychologique pour ramener l’espoir dans le cœur de ses ouailles, et ramener ses ouailles dans le bercail de l’humanité. Pour Tyrion Lannister dans l’Espâce ceux qui ont tout perdu ont tout à gagner : les hommes peuvent soulever des montagnes, mais il faut des idées pour soulever les hommes et Miles leur promet d’aller au-delà des frontières de l’infini grâce à la puissance de l’esprit !
Toutefois, ce que ne savent ni les prisonniers, ni les geôliers, ni les lecteurs, c’est que la messe est déjà dite :
Miles a tout prévu avec ses Mercenaires Libres Dendarii, et la seule inconnue de son master plan c’est le nombre de camarades qu’il convertira à sa cause avant le Jour J, donc le nombre de personnes qu’il va devoir laisser sur place et le nombre de personnes qui vont devoir mourir… A commencer par ceux qui lui sont chers…
Miles devait libérer un symbole pour la résistance nationale, et au final il libère 10000 guérilleros gonflés à bloc qui meurent d’envie d’en découdre avec leurs anciens tortionnaires… Pour les Cetagandans l’annexion de la planète Marilac qui devait se dérouler sans accroc devient un nouveau Vietnam, euh pardon, un nouveau Barrayar (donc bonne chance à eux !)… En échange de bons procédés, les têtes des membres de la team Naismith sont mises à prix et tous les chasseurs de primes de la galaxie sont aux trousses de notre héros… Mais ceci est une autre histoire ! ^^
J’avoue que cette nouvelle m’a mis quelque peu mal à l’aise car tous les crimes dénoncés par l’auteure en 1987 sont désormais commis et revendiqués par son propre pays au nom de la lutte contre le terrorisme : recourir à l’humiliation, à la dégradation et à la déshumanisation d’autrui, bref à des techniques de torture diverses et variées, au nom de la défense du monde libre c’est carrément gerbant ! Et le pire, c’est que ça continue avec des spécialistes de la novlangue qui nous expliquent que noyer des gens c’est des techniques d’interrogatoires aquatiques, ou mieux du waterboarding… Nul doute qu’une belle place attend en enfer ceux qui se torchent le cul avec la Convention de Genève et la Cour pénale internationale, et qu’ils seront reçus là-bas à bras ouverts… MDM
